Femmes, Peintures Et Politique Du Mexique

Femmes, Peintures Et Politique Du Mexique

Femmes, peintures et politique du Mexique Elena PONIATOWSKA Sœur Juana de la Cruz est une femme exceptionnelle qui apparaît au Aujourd’hui on les appelle XVIIème siècle et couvre trois siècles. C’est la poétesse principale de Adelitas l’Amérique latine, selon Octavio Paz. Une autre femme, Frida Kahlo, née le 6 juillet 1907, rompt aussi le schéma. Peintre renommée et épouse de Diego Rivera, petite Fisita comme l’appelait Diego, est es femmes de la Révolution aujourd’hui une icône à l’instar de la Virgen de Guadalupe. Bien sûr, L Mexicaine étaient surnom- il y a eu des héroïnes durant l’indépendance comme la Doña Josefa mées vivandières, cuisinières, colonelles, vieilles de casernes, Ortiz de Dominguez et, durant la Révolution, Juana Gutiérrez de galettes de capitaine, soldaderas, Mendoza, compagne d’Emiliano Zapata mais, jusqu’à récemment, les entremetteuses, femmes soldats, historiens avaient oublié de mentionner les femmes soldates. Sans elles, cafards, femmes tondues, poulets, il n’y a pas de révolution mexicaine parce que les hommes auraient scandaleuses et prostituées. Au- simplement déserté. jourd’hui on les appelle Adelitas. - Je te donne l’eau / j’apporte les marmites et les casseroles pour te faire à manger / Je t’enlève tes poux / J’attache ton baluchon / Je lave ta chemise / Je rassemble le bois pour faire le feu / Je nettoie ton fusil / J’allume ta cigarette et s’il n’y a pas de tabac, je t’en fais une avec un tabac très fort, ici j’ai des feuilles de maïs / Je transporte ton Mauser et les cartouches / Je fais attention à ce que ta poudre à canon ne se mouille / Je te fais un abri sur le champ de bataille / Je suis ton matelas / Je veille sur ton fils dans les tranchées. Les femmes-soldates voyageaient sur le toit du wagon parce que les chevaux devaient être sécurisés. Le troupeau de chevaux va à l’inté- rieur, ordre de Pancho Villa. La perte d’une jument était irrépara- ble, celle d’une femme, qui sait ? Unie à son homme, la femme sol- date supportait la neige du nord, le Marie-Hélène CAUVIN, Sans titre verglas, la rosée de l’aube jusqu’à Condition Féminine 149 ce que les premiers rayons du so- une pierre plate durant des kilomè- Nellie Campobello, grande écrivai- leil et le vent assèchent ses vête- tres de campagne ?) Elles appor- ne, a lancé une bombe avec son li- ments. Le soleil, comme nous le tent à leur compagnon le récipient vre Cartucho en 1931 et dans ses savons tous, est le manteau des pour la purée de maïs ou le café pages a étalé toute la tragédie de la pauvres même lorsque l’aube tar- avec le « ne te préoccupe pas, je le Révolution mexicaine. Tout au de. Les femmes soldates servaient fais » et à la fin de la journée se long de petits chapitres, Nellie de soleil et d’abri comme un im- signaient de ces petites croix qui se nous a donné une image cruelle et mense châle à une troupe hirsute posent comme des insectes sur le désincarnée de la révolte vue à tra- qui avançait sans savoir ni com- front, la bouche et la poitrine et vers les yeux d’une petite fille née ment ni pourquoi. sont des amulettes contre la dis- avant le péché originel. Un mort grâce et la mort. ou un fusillé à chaque page. De sa Elles avançaient au train de la vie, fenêtre, voir tomber les hommes et au train du combat et au train du les cadavres sont les jouets que dé- destin. Pour elles, le train n’avait De même, Salvador Toscano, dans sire la petite fille. Elle fut surprise, pas la même allure qui proté- des milliers de mètres de film, a quand se fut le tour de son favori, geaient les femmes décentes contre fait apparaître devant nos yeux des parce qu’elle avait joué durant cinq toutes les inclémences derrière les femmes aux mains brunes détenant jours. fenêtres des maisons avec une peti- la sacoche pour les commissions te tasse de thé dans les mains et un ou s’apprêtant à livrer le Mauser et Après plusieurs années, en 1967, mouchoir aux yeux. Elles avaient les cartouches à son homme. Avec Jesusa Palancares confirme que pour unique vocation qui te sauve ses jupons de percale et ses faire la guerre pour apporter la la vie, deux pieds qui savent mar- chapeaux de paille, ses châles et paix est un grand mensonge. Jesu- cher. ‘Déjà le détachement s’en l’interrogation de ses yeux de sa a compté les corps allongés au va !’ et elles arrivaient à la station rapadou, elles ne ressemblent pas à milieu du champ de bataille, les avec un rejeton qui dormait par ces fauves mal élevées et vulgaires yeux ouverts et les tripes en l’air et moments replié sur le panier sur- que certains auteurs de la Ré- a affirmé que les corporations sont chargé. La majorité des soldats volution mexicaine ont peints. Au formées « de gens mesquins en était des adolescents de 14 et 15 contraire, elles se tiennent à l’écart abondance ». Selon elle, « les gé- ans et les femmes aussi étaient de et quand elles se mettent en avant, néraux mettaient la main sur les jeunes poussins, bien que les his- c’est parce qu’elles deviennent des premiers qu’ils rencontraient et les toriens et romanciers les aient hommes comme Petra Herrera où menaient au combat, sans quoi, ils décrites sur le modèle de Nellie ne pas avoir de femme c’est être la les tueraient parce que tandis Campobello. moitié d’un soldat, la moitié d’une qu’on leur montrait comment char- orange, la moitié d’un cavalier. ger leur fusil, on les envoyait déjà à la mort. Les petits enfants, com- Peu de femmes sont la Pintada, Juana Gallo, Maria Pistola, La me ils ne comprenaient pas, se sont Adelita, La Valentina, La Cucara- Sans les femmes soldates, les hom- avancés et ont été abattus. Empoig- nés comme des pourceaux qu’on cha. Dans le film La Generala, mes conduits au recrutement au- l’actrice Maria Félix nous a montré raient déserté. Durant la guerre ci- amène à l’abattoir. Une fois, nous une virago, un cigare à la bouche vile d’Espagne, en 1936, les mili- avons reçu une corporation qui ve- nait nous renforcer avec des balles et le sourcil relevé, distribuant des ciens ne comprenaient pas pour gifles et décidant non seulement de quelle raison ils devaient rester encore chaudes. Je crois que ce fut sa propre vie mais aussi de celle dans les casernes ou dans les tran- une guerre mal comprise parce que des autres. A-t-on vu apparaître chées et, à la nuit, s’en allaient ceux qui s’entretuèrent, pères con- tre fils, frères contre frères ; parti- quelquefois une femme soldate tranquilles dans leur lit. Au Mexi- semblable ? Ceci n’est pas prouvé. que, en 1910, sans les femmes, ils sans de Carranza, de Villa, zapatis- En échange, Agustin Casasola a auraient fait de même. Sans elles, tes, n’étaient que de simples naïfs, parce qu’ils vivaient la même mi- décrit des femmes qui, s’adonnant les soldats n’auraient ni mangé, ni à une patiente tâche de fourmi, pé- dormi, ni combattu. Le Mexicain sère et qu’ils mouraient de faim. »’ trissaient les omelettes avec la tenait à sa compagne qui était son main, transportaient l’eau, le feu manteau pour le réchauffer. Si les Au Mexique, los de abajo comme allumé, le fourneau et la pierre pla- soldats n’apportaient pas une mai- dans la nouvelle de Maximo Azue- te pour moudre le maïs (quelqu’un son avec eux, cela aurait signifié la la, sont les pauvres. Avant les bra- sait-il ce que coûte de transporter fin des armées. ceros. Ceux qui ont traversé le Rio 150 Rencontre no 28-29 / Mars 2013 Bravo à la recherche d’un meilleur condition des femmes, sur le tapis provient du village que traverse le sort étaient uniquement des hom- de la discussion. Le phénomène train La Patrona. Certains machi- mes. Actuellement, les femmes culturel le plus important de nistes klaxonnaient à l’avance pour aussi meurent au milieu de la ri- l’EZLN à Chiapas est le nouveau que les patronnes soient prêtes de vière ou de soif en traversant le dé- traitement de la femme indigène. façon que les migrants puissent at- sert entre le Mexique et les États- Pour ces femmes, tant jeunes que traper le sac tendu par une main de Unis. vieilles de 35 ans (parce qu’à 35 femme. Cet acte peint entièrement ans elles sont déjà vieilles), deve- les femmes de mon pays, origi- nir zapatistes a été la meilleure op- naires de la côte de Veracruz qui, Les femmes, à Chiapas tion de vie. Avant, elles étaient do- en plus de danser el danzon com- sont une petite herbe qui mestiques ou brodeuses ou trico- me des reines, sont généreuses croît, une goutte d’eau qui sur- teuses et ne recevaient même pas comme seulement peut l’être une git, une nouvelle façon d’être la moitié de ce que valait leur tra- mère. dans les vieux modèles vail. Marcos a dit : « Nous proté- geons beaucoup nos femmes parce Plus de 16 000 mères célibataires Le Mexique a actuellement 112,4 que comme elles sont mal nourries, dans le district fédéral abandon- millions 322 mille 757 habitants. nous n’aimons pas qu’elles per- nées par un homme qui n’a jamais Selon le recensement de la popula- dent trop de sang quand elles ont réapparu, la plupart employées de tion en 2010, 55 millions sont des leurs menstrues.

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