Belgian Women, Peinture Abstraite D'après-Guerre Catalogue D

Belgian Women, Peinture Abstraite D'après-Guerre Catalogue D

BELGIAN WOMEN PEINTURE BELGE ABSTRAITE D’APRÈS-GUERRE GROUP EXHIBITION 04.09.20 > 07.11.20 Exposition présentée par / Exhibition presented by La Patinoire Royale | Galerie Valérie Bach, Bruxelles SOMMAIRE 5 PROLOGUE: DEEP INSIDE 58 par Valérie Bach et Constantin Chariot 58 15 PROLOGUE: DEEP INSIDE 58 by Valérie Bach and Constantin Chariot 58 27 ARTISTES EXPOSÉES | EXHIBITED ARTISTS 58 Notices biographiques par Serge Goyens de Heusch 58 122 PHOTOGRAPHIC | ARCHIVE(S) PHOTOGRAPHIQUES 58 57 DEEP INSIDE par Valérie Bach et Constantin Chariot Telle une variation sur les thèmes des précédentes expositions «Painting Belgium» et «American Women», et pour répondre à la volonté de s’inscrire toujours plus dans la valorisation de la création en Belgique, l’expo- sition proposée par La Patinoire Royale | Galerie Valérie Bach du 3 septembre au 7 novembre 2020, intitulée «Belgian Women», prolonge le propos d’une plongée dans les «Abstractions en temps de paix» à laquelle nous avait invité Serge Goyens de Heusch, commissaire de l’exposition «Painting Belgium», en 2019. Ce sont ici cinq femmes, cinq tempéraments différents, qui prennent possession des espaces de la Grande Nef et de la Verrière, offrant au regard, à travers une sélection d’œuvres directement issues des ateliers, cinq univers singuliers et parfois diamétralement opposés, tous, cependant, liés par cette vision commune d’une réalité congédiant la figuration. Marthe WÉRY, Gisèle VAN LANGE, Berthe DUBAIL, Francine HOLLEY et Antonia LAMBELÉ forment ensem- LOGO DE L’EXPOSITION ble une étoile à cinq branches, telles cinq directions op- Composition d’un pentacle intégrant cinq visuels représentatifs des cinq posées dans la formulation de leurs abstractions, telles artistes cinq figures d’une même pensée, d’un même état, tout A specially edited pentacle with five visuals representing the five artists à la fois complémentaires et distinctes. Car la question du choix de ces artistes reste toujours ouverte: il n’y a jamais de bonne réponse à la problé- matique d’une sélection d’artistes, tant elle est restric- tive, par essence, et parfaitement subjective. 5 Nous avons cependant bel et bien choisi ces cinq reflets et d’ombres, telles des parties de miroirs scintil- femmes de l’abstraction belge, durant les Trente lants, avec une grande liberté formelle et chromatique. Glorieuses (1945 - 1975) et suivantes, pour leur parfaite Peu regardée aujourd’hui, mais à ne pas passer sous dissemblance, mais aussi pour leur juste complémen- silence, cette expression de l’artiste n’en était pas tarité. Cinq? Pourquoi ce chiffre? il nous est apparu que moins intéressante, car elle participait déjà d’une évolu- dans la symbolique archétypale désignant le principe tion vers l’abstraction minimaliste qui allait la faire con- féminin, le Pentacle, l’étoile à cinq branches, le pen- naître. S’ensuit, à la fin des années 1960, une produc- tagone (qui est aussi la structure de la fleur d’églan- tion s’attachant à une abstraction construite, plus tier, la rose sauvage) étaient couramment utilisés et rigoureuse, qui structure le plan en d’autoritaires com- cités, de toute éternité. Cette étoile flamboyante à cinq positions géométriques, par de larges à-plats aux cou- branches est donc aussi un clin d’œil à la Féminité, à ce leurs harmoniques. Féminin sacré, que porte en elle toute réalisation de la Lentement, telle une condensation dans la cornue d’un nature, ainsi que l’est, elle aussi, cette exposition. alambic, tel un fruit mûr se dégageant de sa gangue, Cette réalité ‘infigurée’ est celle de leurs univers son travail va prendre, dans le début des années 1970, intérieurs, cette descente intime dans la matière psy- une tournure plus radicale, pour aboutir à un langage chique et physique, qui donne à voir leurs sensi- formel qui lui sera propre et qui finira par affirmer son bilités profondes, leurs questionnements personnels et style, sa propre identité, jusqu’à la fin. aussi, parfois, leurs doutes, leurs colères, leurs tabous, Se dégage alors de son acte de peindre une fascination leurs obsessions, leurs fantasmes, leurs subtiles pas- pour le plan, la planéité lisse qui tend à l’épure visuelle, sions. Toutes cinq partagent au plus haut degré de leurs qui met en joue la notion de cadre, de limite et de exigences respectives un même amour, un même apos- temps. Son œuvre se veut illimitée en ce qu’elle tend à tolat pour la Liberté, liberté à laquelle elles se consa- l’absolu et à la totale liberté qui en découle. La mise en creront leur vie durant, sans jamais ni se trahir, ni se espace de sa peinture, sa vie spatiale, va à l’encontre renier. Le refus d’enfermement, le rejet de toute contin- des standards éternels de l’histoire du cadre et de l’ac- gence de la forme ou de l’expression sont leur pain crochage; souvent posée au sol, parfois même couchée, commun, leur terre d’asile partagée. Elles brûlent l’œuvre vit une existence propre, affranchie de toute toutes cinq du même feu ravageur de la sincérité, qui contrainte. Cette posture nouvelle fait partie intégrante les tourmente autant qu’il les isole et les transcende. de son travail de réflexion sur la surface, le support et le mur. Seul le temps est suspendu; le reste existe dans Avec Marthe Wéry, c’est à l’abstraction silencieuse et l’impérieuse volonté de ne pas contraindre et de laisser totalement minimale que nous sommes confrontés. l’abstraction entrer en résonance avec le moi intérieur. Formée à Paris dans l’Atelier 17 dirigé par le graveur Chez Marthe Wéry, le temps est donc une composante William Hayter, Marthe Wéry est naturellement fascinée essentielle. Il semble avoir pris tout l’espace et se don- par un certain art abstrait hollandais, davantage que ne, telle une matière qui, par sa plasticité, occuperait par l’abstraction lyrique française. finalement le lieu jusqu’au moindre coin. Il est d’une au- De Stijl, Rietveld, Mondrian,… sont ses sources d’inspi- tre nature que le temps du monde. Il est infini, habité ration électives. S’y ajoutent les influences des supré- par la concentration, très éloigné de l’empressement matistes russes et des cubistes français. du temps ‘profane’; par définition, le temps de l’atelier A ses débuts, et après une première expression de est sacré par sa logique proprement discursive et codi- graveuse, elle produit des œuvres, surtout graphiques, fiée, quasi rituelle. Il se déploie comme une phrase, et organisant par plans successifs des constructions or- répond d’une dynamique qui n’est qu’à lui. Lorsque thogonales, traversées de nimbes et de lumières, de Marthe Wéry dessine une ligne, c’est, au sens propre, 6 une ligne du temps, du temps qu’elle se donne. Elle planche brute). Ce que l’on en dit est toujours en-deçà sort de la contingence illimitée d’une surface mono- de ce qu’elle est censée nous dire, et plus nous cher- chrome pour inscrire du temps dans cette surface, telle chons à en parler, plus nous échappe l’objet de ce désir une pose avant de repartir. Ses séries «Lignées» attes- de dire. tent de cette volonté de ‘labourer’ l’espace par le Chez Marthe Wéry, la peinture est donc avant tout une temps d’une résille de lignes parallèles, dont le tracé expérience mentale autant que physique, elle n’est ni témoigne d’une volonté d’inciser la surface illimitée par spirituelle, ni symbolique, sauf à laisser au ‘regardeur’ la des lignes parallèles limitées. liberté d’y trouver ce qu’il y apporte, ce qui est le prin- La couleur chez Marthe Wéry aussi a un sens, elle est cipe de l’«œuvre ouverte», chère à Umberto Eco.2 une vision qualitative du tableau (qui se défend d’en Marthe Wéry accède à la notoriété dès 1977, par sa être un), en ce sens que cette couleur qualifie le sup- participation à la Documenta 6 de Kassel, à la laquelle port (qui n’en est pas un non plus) dont parfois même succède en 1982 la Biennale de Venise, où elle prend elle s’absente: la planche apparaît brute, sans destina- en charge le Pavillon belge. A ce moment, son œuvre tion autre que de désigner la disparition de la couleur, frappe les esprits par le sentiment d’intuition qui sem- sa prise de distance par rapport à la matière. En cette ble parcourir tout son travail. Dans la création de ses circonstance, la couleur est donc bien ce qui ‘nomme’ couleurs (elle les fabrique elle-même au départ de pig- la peinture, au sens où Daniel Arasse disait justement: ments et de composés acryliques), cette intuition est à Le résultat de cet innommable de la peinture, c’est que l’œuvre, d’autant qu’elle superpose jusqu’à quinze - la peinture est toujours dans le statut d’objet du désir vingt couches de peintures donnant au résultat l’appar- puisque je prends comme sujet d’étude de décrire ou ence mate d’une terre profonde. Dans son ascétisme, de parler sur la peinture qui est ce qui échappe précisé- elle dit elle-même qu’elle désire également accéder à ment à l’écriture ou au discours. Donc, la peinture reste la jouissance de la matière. toujours objet du désir, plus j’en parle, plus je serai Son œuvre qui, de premier abord, semble donc sévère, amené à en parler, c’est inévitable puisque à chaque s’illumine d’un rayonnement intense lorsqu’on la con- fois que j’en parle, je la restaure comme ce qui échappe temple, ce que recouvre, en définitive, ce terme de à ce que j’en dis.1 Daniel Arasse essaye alors de com- «jouissance» de la matière.

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