La Politique Fribourgeoise Au 20E Siècle De L'hégémonie Conservatrice Au Pluralisme

La Politique Fribourgeoise Au 20E Siècle De L'hégémonie Conservatrice Au Pluralisme

View metadata, citation and similar papers at core.ac.uk brought to you by CORE provided by RERO DOC Digital Library 1 Jean-Pierre Dorand e La politique fribourgeoise au 20 siècle De l’hégémonie conservatrice au pluralisme (Version longue) Les éventuels utilisateurs peuvent utiliser cet ouvrage en le citant. Jean-Pierre Dorand, Fribourg, le 9 janvier 2019 2 1 L’Ancien Régime et un long 19e siècle (1798-1914) Une Ville-Etat d’Ancien Régime et la Révolution française La formation territoriale du canton est réalisée par la Ville de Fribourg qui s’émancipe progressivement de la tutelle seigneuriale et entre dans la Confédération suisse (1481). La capitale contrôle d’abord les « Anciennes Terres » sises autour de ses murs, essentiellement les districts actuels de la Sarine et de la Singine. Elle acquiert par le jeu des conquêtes et des achats de terres les « Nouvelles Terres » de la Broye, de la Glâne, de la Gruyère et de la Veveyse qui deviennent des bailliages, la ville reprenant les droits et les franchises des anciens seigneurs féodaux. La Ville-Etat de Fribourg détient avec Berne les bailliages communs d’Orbe, Grandson, Echallens, Morat et Schwarzenbourg. Elle est l’un des 12 cantons qui participent à l’exploitation des bailliages du Tessin. La Réforme marque une rupture capitale. Fribourg est entouré par la puissante Ville et République de Berne (1536). Elle peut partiellement échapper à l’étreinte de l’ours voisin par le corridor terrestre qui mène à Delley-Portalban, puis par le Lac de Neuchâtel et les terres de l’allié neuchâtelois vers Paris. Un sentiment d’encerclement par les protestants se développe avec une mentalité de forteresse catholique assiégée. Cette situation géostratégique difficile pousse à chercher un puissant protecteur : la monarchie française. L’évêque étant qui a été chassé de Lausanne par la Réforme ne s’installera à Fribourg qu’en 1663 ; ce sont les autorités politiques et le chapitre de la collégiale Saint-Nicolas qui favorisent la Contre Réforme, notamment la venue des Jésuites et la fondation du Collège de Saint Michel (1582). La Ville-Etat devient au 17e siècle un Etat de plus en plus absolutiste. Le pouvoir appartenait aux familles bourgeoises de la capitale excluant ainsi les Fribourgeois d’hors les murs. Les familles les plus importantes de la cité procèdent à un coup d’état légal et s’octroient tous les pouvoirs politiques, s’estimant seules à pouvoir gouverner. Cette bourgeoisie privilégiée de la capitale compte une huitantaine de familles qui vont « s’auto-anoblir » en 1782. Elles s’associent à une quinzaine de familles anoblies par des souverains étrangers. Fribourg a donc un régime oligarchique. Celui-ci est l’une des causes du retard économique du canton : les familles au pouvoir investissent dans les terres, l’exportation des fromages et le service étranger. Il n’y a pas de von Roll fribourgeois pour s’intéresser à la révolution industrielle. Ce régime est violemment hostile à la Révolution française. Ce courant d’extrême droite est alimenté par les émigrés. On le retrouve à la Restauration avec de Haller, puis au début du 20ème siècle avec l’arrivée à Fribourg des congrégations françaises hostiles à la séparation Eglise-Etat, puis dans les années 1920-1930 sous le masque de l’anticommunisme et enfin après 1945 avec l’asile donné à des fidèles du régime de Vichy. Le sentiment d’isolement, la centralisation par et pour la capitale, la domination d’une élite autoproclamée et exclusiviste ainsi que le début de retard économique sont des traits importants et durables de l’histoire du canton. L’Ancien Régime est balayé par l’arrivée des troupes du Directoire français (1798), une bonne partie des Fribourgeois soutenant les troupes de la Grande Nation considérées au départ comme des 3 « armées libératrices ». Les richesses de l’Etat sont pillées, deux tiers allant alimenter les caisses du Directoire. Fribourg devient une des circonscriptions administratives de la République helvétique, « Une et Indivisible ». Un Préfet helvétique et une Chambre administrative y sont les délégués du pouvoir central. Les biens de l’Etat qui restent, qui sont aussi ceux de la nouvelle commune de Fribourg, sont mis à disposition du pouvoir central. Le chef-lieu est sans ressource et il faudra quatre ans de discussions pour qu’un partage de ces anciens biens de la Ville-Etat lui donne de quoi remplir ses tâches (1802). La guerre civile de 1802 entre les partisans de l’Helvétique (les Unitaires et les Républicains) et ses adversaires (les Fédéralistes) touche le sol fribourgeois dont le chef-lieu est momentanément assiégé par les Fédéralistes qui laissent leurs adversaires l’évacuer, évitant des dommages considérables. Devant le risque d’une Suisse aux mains des Fédéralistes proches de l’Autriche et du Royaume-Uni, Bonaparte intervient comme médiateur : il fait occuper la Suisse par ses troupes et convoque une grande conférence, la Consulta helvétique, pour mettre fin aux guerres civiles helvétiques. Il peut compter sur l’aide de fédéralistes modérés comme le Fribourgeois Louis d’Affry (1747-1810). Médiation et Restauration (1803-1830) L’Acte de Médiation de 1803 reconstitue une Confédération d’Etats en Suisse. Fribourg est l’un des 19 cantons. Il est aussi un des six cantons directeurs de la Suisse : il reçoit tous les six ans la Diète fédérale et son premier magistrat, l’avoyer d’Affry est landammann de la Suisse en 1803 et 1809. Le régime politique cantonal marque une « petite restauration » : un suffrage fortement censitaire redonne le pouvoir aux anciennes élites de la capitale qui ont l’intelligence d’y associer quelques personnes issues du personnel politique de l’Helvétique. Ces élites d’avant 1798 sont divisées : Louis d’Affry et les modérés jouent le jeu des institutions issues de la Médiation, alors que les éléments les plus extrêmes, autour de l’ancien avoyer Werro, attendent leur heure et la chute de l’Europe napoléonienne. Le canton est organisé de manière plus moderne : des autorités élues au suffrage censitaire, une administration centralisée et des districts avec un lieutenant de gouvernement. Un Etablissement cantonal d’assurances des bâtiments est créé (1812). Le Moratois protestant est inclus dans le territoire cantonal qui, de fait, devient un Etat mixte au plan religieux. Si le catholicisme reste la religion officielle du canton, le Moratois obtient la reconnaissance de son statut réformé. Il s’agit donc d’un découpage religieux régional plus que d’une cohabitation. L’Acte de Médiation doit aussi régler les rapports entre les anciens cantons-villes et leurs capitales. Comment partager les biens revenant aux cantons et ceux revenant à leurs principales municipalités ? Des actes de dotation sont établis par une commission nommée par le Premier Consul. L’Acte de Dotation de la Ville de Fribourg (1803) donne des moyens insuffisants à la cité de Berthold IV. Il sera interprété par l’Etat en sa faveur. Un élément important de la vie politique du canton apparaît alors : la sourde hostilité entre l’Etat cantonal et la Commune de Fribourg qui sera, jusqu’au début du XXe, située politiquement plus à gauche que le reste du canton. La chute de Napoléon 1er est aussi celle du Médiateur de la Suisse et du régime négocié en 1803. Les forces de la réaction sont à l’œuvre dans toute la Suisse, à des degrés divers. Fribourg se distingue par l’extrémisme des anciennes élites de la capitale. Elles convoquent les députés survivants du Grand Conseil de 1798 pour modifier non pas la constitution de 1803 mais les dispositions existantes 4 sous l’Ancien Régime ! Elles s’octroient, record pour un ancien canton ville, 108 des 144 sièges au Grand Conseil, en laissant 36 aux roturiers du reste du canton, la naissance remplaçant les capacités et parfois la fortune. Les libertés et les droits de l’homme qui avaient subsisté sous la Médiation disparaissent. Cette « Restauration » est appuyée par le clergé ultramontain bientôt dirigé par le réactionnaire Mgr Jenny, évêque de 1815 à 1845. Le libéral Père Girard écrivait à son sujet : « C’est un brave homme, plus aisé à instruire que savant, et par-dessus tout grand vénérateur de la ville éternelle. » Cette Restauration fribourgeoise ne va pas sans résistances : Morat, Bulle, Romont et Châtel-Saint- Denis protestent et subissent une occupation militaire. L’aristocrate Praroman, le négociant Duc et l’avocat Chappuis cherchent à donner au canton une meilleure constitution et s’adressent aux représentants des grandes puissances qui les écoutent. Lourdement condamnés, ils sont amnistiés grâce à l’intervention de l’Autriche et de la Russie. Les luttes politiques continuent : les privilégiés au pouvoir sont divisés entre une majorité ultramontaine et une minorité plus méfiante envers le clergé. Lorsqu’il s’agit de faire revenir les Jésuites (1818), le gouvernement s’y oppose mais il est battu par la majorité du Grand Conseil (61 voix contre 42). Le Père Girard enseigne avec succès selon les méthodes de l’enseignement mutuel et le Conseil communal de la capitale le soutient. Le Conseil d’Etat, sur intervention de l’évêque qui estime que cette pédagogie ne rend pas l’enfant assez soumis, force le Révérend Cordelier à cesser son enseignement malgré les protestations de 400 pères de famille acquis à Girard. Fribourg devient un haut lieu de la contre-révolution, déjà présente à la fin du 18ème siècle avec les émigrés français. Le théoricien de la Restauration Charles-Louis de Haller s’y convertit au catholicisme et y séjourne. Les Jésuites font construire un Pensionnat (1827) qui seconde leur collège et attire la fine fleur des rejetons de la noblesse légitimiste française. De la Régénération au Sonderbund (1830-1847) Fribourg semble donc être une place-forte de la Restauration en Suisse.

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