Stéphane Prajalas-Trémoulhéac Autour du prieuré bénédictin de Sail-sous-Couzan Village de Forez 2003 Sommaire ntroduction p. 3 I - L’ordre bénédictin p. 5 II - Le prieuré de Sail-sous-Couzan : un prieuré bénédictin A/ Les débuts du prieuré de Sail-sous-Couzan p. 5 B/ Du XIV e à la première moitié du XVIII e siècle p. 7 C/ Un prieur mystérieux : Dom Elziron de Damas p. 8 D/ Le prieur Léonard de Vallerot de Beaudézir p. 11 E/ Le prieur François de Luzy p. 12 F/ Le prieur Baltazard de Luzy p. 13 III - Un bien de placement A/ Le prieur François Dubreuil de Chargere p. 17 B/ Le prieur Anne Hérard Paul de la Madeleine p. 17 C/ La sommaire prisée de 1783 p. 17 D/ La ferme du prieuré en 1788 p. 20 IV - Le prieuré de Sail-sous-Couzan aux XIX e et XX e siècles p. 22 Conclusion p. 23 Document : La sommaire prisée de 1783 p. 25 2 Introduction Peu de pages ont jusqu’à présent été écrites sur le prieuré qui se trouvait, jusqu’à la Révolution française, à Sail-sous-Couzan. Si quelques auteurs ont mentionné ce prieuré les informations sont souvent les mêmes (on sait que ce prieuré se trouvait au midi de l’église et qu’il s’agissait d’un prieuré bénédictin), parfois, même, la légende a pu devenir vérité. Au regard de quelques documents qui ont été découverts ou portés à notre connaissance nous avons souhaité présenter ici les quelques informations que nous possédons sur le prieuré de Sail- sous-Couzan. Le présent volume va se décomposer en deux parties : dans un premier temps nous présenterons une synthèse historique (sur l’ordre religieux des bénédictins, la physionomie générale des monastères et couvents ainsi que sur l’histoire ou les légendes qui concernent ce prieuré de Sail- sous-Couzan…). Puis dans un second temps nous reproduirons un sommaire prisée (sorte d’inventaire devis) du prieuré de Sail en 1783. Ce document 1 sera retranscrit tel que l’original le présente, avec les imperfections orthographiques et de ponctuation qui en font son charme (ce document est enrichi de notes de bas de pages qui permettent d’éclaircir quelques points du document). Les murs du prieuré de Sail-sous-Couzan qui subsistent aujourd’hui paraissent nous lancer comme un appel, afin que leur histoire soit mieux connue. Comme il est écrit dans le prologue de la règle de saint Benoît, ils semblent nous dire : L’heure est venue pour nous de sortir du sommeil. Partons donc à la découverte de l’histoire de ce prieuré bénédictin. Vue générale de Sail-sous-Couzan (avec à droite l’église et une partie des bâtiments du prieuré). Collection de l’auteur. 1 Archives privées. 3 Eglise de Sail-sous-Couzan (collection de l’auteur) Chevet de l’église de Semur-en-Brionnais (cliché de l’auteur) 4 I - L’ordre des bénédictins Au VI° siècle, saint Benoît de Nursie (environ 480-547 ), fondateur d’un prieuré au sud de Rome, rédigea un traité, ou règle, fort de soixante-treize chapitres. Ce texte posait les principes d’une vie monastique idéale. Ceci lui vaudra d’être surnommé plus tard le "père des moines d’occident". Pour lui, le travail et la prière devaient faire partie intégrante de la vie monastique. Peu à peu sa vision devait s’imposer dans les monastères occidentaux. Les monastères allaient se multiplier partout en Europe. Ces lieux ne furent pas seulement dévolus à la prière, ils se présentaient également comme des exploitations agricoles d’importance variée, avec parfois un riche patrimoine foncier. Au synode monastique d’Aix-la-Chapelle (en 817), Benoît d’Aniane, bénédictin français, va jouer un rôle prépondérant. Par un texte, le C apitulare Monasticum , il va tenter d’imposer à tout le monachisme occidental un code uniforme, inspiré de la règle de saint Benoît de Nursie. Fondé en 909, l’ordre de Cluny devait rapidement constituer un pouvoir fort et posséder tout un réseau de monastères (on disait : là où le vent vente, Cluny lève des rentes ). L’apogée de Cluny va être atteint sous l’abbatiat du futur saint Hugues (1049 à 1109), sixième abbé de Cluny. Hugues, issu de la famille des seigneurs de Semur-en-Brionnais, était destiné par son père à la carrière des armes. Mais sa préférence allait vers la vie contemplative. A 15 ans il se sauva et aboutit à Cluny. Sa carrière y fut fulgurante : à 20 ans il était prieur de la grande abbaye et à 25 ans il fut élu abbé. Il devait mourir à 85 ans en 1109, trois jours après Pâques. Son abbatiat marqua un réel tournant : il accueillit dans la mouvance de Cluny de nombreux monastères et en réforma bon nombre. A l’âge de 62 ans il entreprit la construction de la grande église de Cluny 2. A sa mort l’ordre de Cluny était fort de 1 184 maisons dont 883 en France (le prieuré de Sail-sous-Couzan faisait partie de celles-ci). L’ordre clunisien est aussi dit ordre bénédictin car ses membres suivaient la règle de saint Benoît. Les moines bénédictins portaient un vêtement noir. II - Le prieuré de Sail-sous-Couzan : un prieuré bénédictin A - Les débuts du prieuré de Sail-sous-Couzan Aux environs de l’an mille, une partie du Forez, et la région de Sail-sous-Couzan en particulier, par l’intermédiaire de la famille Damas, était aux mains des seigneurs de Semur-en-Brionnais 3 (branche cadette de la maison ducale d’Aquitaine). En 1055, Geoffroy II donnait le prieuré de Sail-sous-Couzan, dans la charte de fondation du prieuré de Marcigny (prieuré de femmes situé près de Semur en Brionnais). Le prieuré forézien avait alors droit de collation 4 sur sept églises. Geoffroy II était le frère du futur saint Hugues, alors abbé de Cluny. De fait, le premier seigneur de Couzan, Hugues Damas, mentionné en 1106, fils de Geoffroy II, était le neveu de saint Hugues de Cluny 5. Les liens entre le prieuré de Sail-sous-Couzan et Cluny, seraient donc des liens familiaux 6. Voici donc un premier élément permettant d’expliquer l’implantation de cette communauté à Sail-sous-Couzan. 2 Denis Grivot : L’art roman en Bourgogne . Editions Ouest-France. 3 Dans l’actuel département de Saône-et-Loire. Région Bourgogne. 4 Droit de nomination des curés. 5 Henri Bedoin : Couzan nous est conté… Editions Claude Bussy. 6 Travaux de Philippe Guinard (Amis des vieilles pierres de Semur en Brionnais). 5 Autre élément favorable à l’implantation d’une communauté religieuse dans ce secteur du Forez : la présence de l’eau. On sait, en effet, que l’implantation d’un monastère était commandée par la présence de l’eau. Or Sail-sous-Couzan est, de ce point de vue, bien doté : deux cours d’eau (le Lignon et le Chagnon) se rejoignent à proximité du prieuré bénédictin. Le nom même de Sail-sous-Couzan semble porter dans son étymologie 7 une référence aux eaux minérales présentes sur le territoire de la paroisse (même si ces eaux minérales semblent avoir été connues du temps des Romains 8, rien ne permet cependant d’attester que celles-ci étaient toujours connues au Moyen Age, pour certains auteurs elles auraient été, à cette date, oubliées). Nous constaterons qu’à la fin du XVIII e siècle, l’eau a encore beaucoup d’importance dans les documents concernant ce prieuré. Avant 1100, le prieuré de Marcigny cédait le monastère de Sail à l’abbaye de Cluny qui le transforme en maison de moines soumise à la règle de saint Benoît. C’est alors un prieuré de petite importance puisque, jusqu’au XIV e siècle, il comptera deux moines et un prieur. Une étude menée en 1995, par le cabinet d’architecture Féasson, Gagnal et Goulois, conclut que le chœur de l’actuelle église paroissiale de Sail-sous-Couzan, qui était le lieu de culte du prieuré, daterait du XI e ou XII e siècle. A regarder ce chœur de l’extérieur, on peut deviner l’influence artistique de Cluny dans cette partie du sanctuaire. On se trouve, en effet, en présence d’une succession de toitures (chapelles rayonnantes et chœur) que domine le clocher. De par sa physionomie extérieure, le chœur de l’église de Sail-sous-Couzan semble très proche de celui de l’église de Semur-en-Brionnais qui lui est contemporaine. En 1935, Guy Chastel écrit à propos de l’église paroissiale de Sail-sous-Couzan : Vue de face, ce n’est pas, aujourd’hui, son crépi égalitaire et blafard qui inviterait le passant à la visiter. Mais pour qui en fait le tour, la courbe pure de ses absides, une succession cocasse de petits toits penchés réconcilient le regard avec ce monument. On entre, et l’on est récompensé de sa curiosité par la vue du transept et du chœur ; trois absides, des basses nefs ont leurs cintres romans, leurs colonnes engagées, leurs chapitaux étranges : écailles creuses, feuillages, demi-sphères, volutes et roses, têtes humaines, deux quadrupèdes affrontés ou des oiseaux buvant à des calices… Détail rare et peut-être unique en Forez, les bases des colonnes sur piédestaux tronqués sont enroulés alternativement de grosses perles et de torsades. Le prieuré bénédictin de Sail-sous-Couzan se trouvait au sud de l’église paroissiale. Cette disposition de bâtiments conventuels, au sud d’un lieu de culte, est commun à plusieurs prieurés du Forez (Saint-Romain-le-Puy, Montverdun, L’Hôpital-sous-Rochefort, Pommiers…). On retrouve également cette position méridionale des bâtiments conventuels dans les successifs prieurés qui se sont succédés dans l’établissement "mère" du prieuré de Sail-sous-Couzan : Cluny (Cluny I, II et III).
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