De Pérignon À Tindouf

De Pérignon À Tindouf

De Pérignon à Tindouf Claude Millé Mise en page par Pierre Jarrige Les photos de ce document sont de : Jean Bartissol, René Bourneton, Jean-Claude Cros, général Serge Douceret, Graves, René Galiani, Max Guillaud, Roger Lantz, Claude Millé et Pierre Piron. Les dessins sont de Claude Millé. Couverture : Autoportrait de Claude Millé. Remerciements à Michel Mariet, du Club des Anciens Sahariens : www.3emegroupedetransport.com/CLUBANCIENSSAHARIENS.htm Pierre JARRIGE www.aviation-algerie.com Juin 2019 ISBN 979-10-97541-09-5 Reproduction autorisée Publication gratuite - Vente interdite Sommaire Balma et Pérignon ......................................................................... 1 Le voyage ....................................................................................... 6 Tindouf ........................................................................................... 16 Fin 1957 .......................................................................................... 26 Janvier 1958 ................................................................................... 40 Février 1958 ................................................................................... 46 Mars 1958 ...................................................................................... 52 Avril 1958 ....................................................................................... 60 Mai 1958 ......................................................................................... 58 Juin 1958 ........................................................................................ 76 Juillet 1958 ..................................................................................... 88 Août 1958 ....................................................................................... 94 Octobre 1958 .................................................................................. 98 Novembre 1958 .............................................................................. 106 Décembre 1958 ............................................................................. 116 Janvier 1959 .................................................................................. 122 Février 1959 ................................................................................... 128 Mars 1959 ...................................................................................... 140 Avril 1959 ....................................................................................... 154 Mai 1959 ......................................................................................... 168 Épilogue ......................................................................................... 178 La tour de Merkala (par le général Serge Douceret) ........................ 182 Album photo .................................................................................. 185 ▲ La caserne Pérignon à Toulouse ▼ Le hangar à ballons de Balma à l’époque des Aérostiers, vers 1923 Balma et Pérignon Courant octobre 1957, j’attaque mon neuvième mois à l’armée de l’Air à Toulouse, caserne Péri- gnon, une vieille caserne de 1900 avec ses étages et ses grandes chambrées en plancher. Elle avait servi, dans les années 20, aux Aérostiers et certainement avant à la Cavalerie, puisqu’il y avait un mur garni d’anneaux scellés (et pas sellés), pour attacher les chevaux. J’y mène une vie pépère. J’ai été pistonné par le commandant Paret, de la 5ème Région Aérienne de Bordeaux, un copain de papa. Cela m’a évité d’aller en Algérie où la guerre continue. Le mot guerre est tabou. Ceux du contingent, aussi, car certains y laisseront leur vie, ou en reviendront éclopés. En France, la majorité des Français ne se sent pas concernée par cette guerre, sauf ceux qui y ont un des leurs. Tous les vendredis, je pars en permission, avec ma vieille Vespa, soit à Caudiès, soit à Mazamet chez mon pote Jean-Pierre Teyssié. Le 1er octobre, je suis nommé caporal, (j’y tenais, uniquement pour ne pas avoir à monter la garde). Je suis secrétaire à la SRG (Subdivision Radio), une partie de la BE 727 (Base-École des Transmissions), je suis planton, et je partage une chambre au 2ème étage avec un nouveau. Mon copain Gélis, secrétaire de la SRC (Subdivision Chiffre), pâtissier de Blagnac, a été muté à Fès, à une autre école des Transmissions. C’est la belle vie, on distribue le matin les clés aux chefs de promotion des classes d’élèves (classes d’adjudants, de sergents). Parmi eux, quelques femmes (PFAA). Des couples se sont formés. Le soir, après le repas, ils viennent chercher une clé de salle de classe pour étudier, je suis donc un taulier ! On va parfois au tir, à la caserne Niel, en Chausson. Mais ce n’est pas une mule ni une pantoufle, le Chausson est une marque de bus. On met la MAT 49 dans le filet à bagages du bus, au-dessus de nos têtes, mais un jour, j’y suis allé avec mon scooter Vespa, le pistolet-mitrailleur attaché avec un sandow sur le porte-bagage arrière. J’ai ainsi traversé Toulouse. Le GIGN n’existait pas ! Au champ de tir, nous portons le casque, mais il est drôle ce casque d’équipage de char de 1939, avec un cimier, un bourrelet de cuir devant et un protège nuque derrière. Le colonel de Gaulle, à la tête de son régiment de chars, en 1940, portait le même. Les magasins de l’Armée devaient en posséder de grands stocks inutiles, pour les fourguer en 1957 aux rampants de l’armée de l’Air. Pour le tir couché, ce protège-nuque nous empêche de relever la tête, le casque bascule en avant, nous cachant les yeux. Tous plient leur calot en deux et l’insèrent entre leur tête et le casque, ce qui leur donne un air de clown (un peu plus ou un peu moins !). Moi, je m’en fiche, puisque j’enlève mes lunettes, afin que le recul du fusil MAS 36 ne me casse un verre. Ainsi, je ne vois même pas la cible. Mes balles se fichent (tiens, comme moi) dans le plafond ou dans le sol du champ de tir couvert. Pan pan ! Et à l’exercice, quand nous portons ce casque d’un autre âge, le vent s’engouffre dedans, ça siffle. En avril-mai, à la fin desclasses , dans les allées ombragées de platanes de la vieille caserne Péri- gnon, a lieu un grand défilé des recrues de la classe 57/1, au son desDragons de Noailles, marche assez lente, et une prise d’armes où je me fais remarquer : un général de la Région Aérienne, suivi d’une ribambelle d’officiers supérieurs, nous passe en revue. Nous sommes figés au garde-à-vous quand un commandant de la suite m’aborde : Je suis Paret (le copain de papa), ça va ? Mis en confiance par la rencontre d’un pays, je lui serre la main et, très décontracté, je discute avec lui, abandonnant le garde-à-vous sous les yeux effarés des sous-offs instructeurs. Qu’est-ce que j‘ai pris comme savon, ensuite : 1 — Mais vous êtes inconscient, de parler à un commandant sans rester au garde-à-vous ! C’était un crime de lèche-majesté, absolument impensable pour eux qui, depuis deux mois, me saoulaient avec le respect, le salut, la déférence, la discipline. Auparavant, j’avais accompli, en février-mars, mes classes à Toulouse-Balma, une ancienne base de ballons puisque subsistait un gigantesque hangar de béton appelé le Hangar à Ballons. Lors de l’incorporation, le premier jour, on nous avait distribué nos tenues militaires : tenue de ville, de combat, de sport. Et les chaussures, de ville (basses, en cuir noir), de sport (tennis), de marche (lourds godillots cloutés). Quand nous marchions au pas sur la Côte-Pavée (c’est son nom) menant à la caserne Pérignon, d’abord nous faisions un vacarme infernal avec nos clous, ensuite il y en avait toujours plusieurs qui glissaient en dérapage incontrôlé, Holliday on ice ! Le jour de l’incorporation donc, parmi les Bleus, étaient deux jumeaux hauts de plus de 1,90 m au garrot. Ils chaussaient du 48 ou du 50 et le magasin d’habillement, bien sûr, n’avait pas leur pointure. Pendant des semaines, le temps qu’on leur construise leurs bateaux sur mesure, ils manoeuvraient leurs demi-tours à droite et leurs présentez-armes au milieu de nous, vêtus du treillis bleu, mais chaussés de leurs tennis personnels, alors que tous nous portions les élégants godillots cloutés que portent actuellement tous les jeunes, sans les clous mais d’une manière si uniforme. Retour inattendu d’une mode qui a marqué nos vingt ans. Ce premier jour à l’armée, j’avais encore gaffé. On passait la journée de bureau en bureau, pour une visite médicale, pour des formalités administratives, etc. Et il fallait chaque fois présenter des pièces militaires, carnets d’habillement, livret de vaccination. À un moment, nous passions un à un devant un sergent quand mon tour est arrivé, il m’a tendu sa main pour que je lui remette un document. Moi, j’ai vu une main tendue, je la lui ai serré, sous les yeux interloqués de tous ! À Balma on rigolait beaucoup, sachant qu’on ne risquait pas beaucoup la mise à la porte. Au ré- fectoire (repas du soir à 17 heures), on fauchait les calots ou les quarts en aluminium de certains pour les passer au tranche-pain. Le gars se retrouvait avec deux demi-calots ou la moitié de son quart, soit deux huitièmes. Mais allez boire votre pinard dans un ou deux huitièmes. Les tables étaient pour 16 soldats. Je me plaçais toujours du côté de l’allée, par où arrivaient les plats, c’était la place des plus âgés (j’avais trois ans de plus que les autres), ou des plus culottés. Place stratégique, puisqu’on se servait les premiers. Les plus timides se situaient au fond, si bien que, lors d’un repas dit bon, lorsque le plat arrivait à eux, il ne leur restait plus de morceau de viande. J’en rougis encore

View Full Text

Details

  • File Type
    pdf
  • Upload Time
    -
  • Content Languages
    English
  • Upload User
    Anonymous/Not logged-in
  • File Pages
    197 Page
  • File Size
    -

Download

Channel Download Status
Express Download Enable

Copyright

We respect the copyrights and intellectual property rights of all users. All uploaded documents are either original works of the uploader or authorized works of the rightful owners.

  • Not to be reproduced or distributed without explicit permission.
  • Not used for commercial purposes outside of approved use cases.
  • Not used to infringe on the rights of the original creators.
  • If you believe any content infringes your copyright, please contact us immediately.

Support

For help with questions, suggestions, or problems, please contact us