LE VOLEUR DE BICYCLETTE Ladri di biciclette de Vittorio De Sica FFICHE FILM Fiche technique Italie - 1948 - 1h25 N. & B. Réalisateur : Vittorio De Sica Scénario : Cesare Zavattini, Vittorio De Sica, O. Biancoli, Suiso, Cecchi d’Amico, A. Franchi, G. Gherardi, G. Guerrieri d’après le roman de Luigi Bartolini Musique : Alessandro Cicognini Résumé Interprètes : Lamberto Maggiorani Le chômeur Ricci trouve enfin une place de Portese où il aperçoit son voleur qui lui Enzo Staiola colleur d’affiches. Pour pouvoir prendre cet échappe. Ricci qui l’a vu parler à un vieil Vittorio Antonucci emploi, il lui faut une bicyclette. Il en a une homme finit par obtenir son adresse. mais elle es «engagée» au Mont-de-Piété. Lianella Carell Toujours suivi de Bruno, il s’y rend mais est Maria la femme de Ricci, décide d’y mettre pris à partie par les gens du quartier et Elena Altieri ses draps pour retirer le vélo. Ricci, sa malgré l’intervention d’un agent de police, Michèle Sacara femme et Bruno leur fils, préparent il ne retrouve pas son vélo et est obligé de Gino Satambranda joyeusement le départ pour la première renoncer. journée de travail. A bout de fatigue et de colère, il éloigne Pendant qu’il colle sa première affiche, Bruno et vole une bicyclette. Poursuivi, il Ricci se fait voler sa bicyclette. Induit en est repris, malmené, menacé d’être conduit erreur par un complice du voleur, il s’égare au commissariat. Finalement, le volé par- dans la poursuite mais ne renonce pas. donne et Ricci, rejoint par son fils qui a vu Aidé de quelques amis et de Bruno, Ricci toute la scène, repart, de nouveau sans tra- se rend dès le lendemain au marché aux vail, sans espoir. puces de Piazza Vittorio puis de Porta L E F R A N C E 1 D O C U M E N T S Critique intrigue au départ extrêmement ténue, culiers en atteignant le général. Là où la faite de péripéties quotidiennes et plupart des auteurs italiens, éblouis par minuscules, finisse par avoir des échos la multitude des faits qui se présen- Avec Rome. ville ouverte, le film révo- si considérables qu’ils atteignent peu à taient à eux, étaient incapables de faire lutionnaire qui fonda le mouvement, peu toutes les couches de conscience du un choix, Zavattini et De Sica ont brossé c’est l’œuvre la plus célèbre du néo-réa- protagoniste et, en même temps, du des fresques véritables, sans grandilo- lisme. Réflexion immédiate sur Ie pré- spectateur. quence aucune, mais d’une simplicité et sent, compassion minutieuse envers les Jacques Lourcelles d’une fraîcheur remarquables, toutes humbles luttant pour leur survie dans un Dictionnaire du Cinéma imprégnées d’une vie intense, mais dont monde où tout est à reconstruire : telles le sens général apparaît pourtant avec sont les deux lignes de force principales une aveuglante évidence comme si le du néo-réalisme. Présentes dans l’un et déroulement des images n’avait pu être l’autre film,elles s’y répartissent diffé- Œuvre centrale du néo-réalisme, Le autre, comme si les images elles-mêmes remment. La réflexion l’emporte chez Voleur de bicyclette n’a rien du film étaient les mieux choisies, les plus Rossellini, la compassion (toujours très «Spontané» que certains crurent voir significatives» (J. Chevallier in fiche pudique) chez De Sica. Celui-ci avait lors de sa sortie. En réalité, tout y est Image et Son. N°97, décembre 1956) réuni dans son film un certain nombre Solidement structuré. La place de Dossier Collège au Cinéma n° 33 d’éléments qui allèrent droit au cœur du l’enfant y est, de ce fait, décisive. Bruno public : dignité du ton et des person- n’est pas seulement un regard innocent nages, Iyrisme sous-jacent refus du sur la laideur sociale environnante, c’est désespoir. Il s’en ajoute un autre, un peu aussi le témoin d’un drame intime, le plus mystérieux.Comme s’il se méfiait drame de Ricci, chômeur et père. Les thèmes du film du réalisme pur, du réalisme pour le réa- Kids. 50 films sur l’Enfance lisme, De Sica sème sur le parcours de Relevons d’abord les constantes de De son personnage des signes ambigus qui Sica. Il prend un personnage parmi maintiennent en éveil l’attention du d’autres qui sont dans le même cas que spectateur. Il satirise d’abord la super- «Le plus banal fait divers devint une tra- celui-ci. Ensuite, tout au long du film, stition populaire, mais dans la seconde gédie, un réquisitoire contre un certain des détails nous rappellent l’existence scène où apparaît la voyante, elle dit au mode de vie, un régime et le chômage d’autres drames. héros : «Ta bicyclette : ou tu la retrouves (que subissent en permanence plusieurs Le film a donc une valeur de tout de suite ou tu ne la retrouves millions d’ltaliens). L ‘œuvre fut aussi un témoignage, une valeur sociale. Mais jamais» Il se trouve qu’elle a raison sur soliloque sur la nature humaine, qu‘il cette valeur cesse-t-elle avec les événe- les deux points. Rome, d’autre part, est serait faux de vouloir expliquer par ments qui ont donné naissance au film ? décrite tout au long du film comme un Kafka : loin de se heurter à une incom- Le film n’est-il qu’un document sur un labyrinthe (assez peu réaliste) où le préhensible métaphysique, le héros est moment de l’histoire en Italie ? On a vu héros et son voleur, toujours très confronté avec la réalité sociale itaienne que l’auteur prend soin de désindividu- proches l’un de l’autre dans l’espace, qui provoque chez lui (et dans le public) aliser son sujet. Il veille aussi à sup- semblent jouer à cache-cache et finis- une prise de conscience (G. Sadoul in primer toutes références à la Rome sent par échanger leurs rôles comme Histoire du cinéma mondial, Editions touristique, au soleil méditerranéen et dans la thématique hitchcockienne. Le Flammarion). même aux événements responsables de voleur, découvert, apparaîtra comme Dossier Collège au Cinéma n° 33 cet état de choses (la guerre). Pour lui, une victime et la victime deviendra le problème ne s’arrête donc pas à un voleur à son tour. Cette péripétie finale - moment et à un pays. Plus encore que le très habile - se répercute à plusieurs problème du chômage, le film nous parle niveaux : psychologique, social, moral, «Peu de scénaristes se sont penchés sur du droit de l’homme à l’amour et à la spirituel. L’ultime misère du chômeur est le réel contemporain avec à la fois fraternité. en effet cette perte d’identité accompa- autant d’émotion et autant de scrupu- Dans les films de De Sica l'homme est gnée d’une perte, non moins grave, leuse attention. Dans un pays boulever- seul. Ricci passe en revue tous les d’estime de soi. On voit nettement à tra- sé par la guerre, en pleine évolution, recours possibles, d’une manière que vers ce film ce qui impressionna le Zavattini et De Sica ont su réussir ce certains ont jugé même trop systéma- public dans le néo-réalisme : qu’une miracle de témoigner sur des faits parti- tique. Recours à la police, au syndicat, à L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 04.77.32.76.96 RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71 2 Fax : 04.77.25.11.83 D O C U M E N T S la superstition. Tout échoue et si Ricci à la fin du film n’est pas résolu. Le héros Le réalisateur se trouve amené par les circonstances vient d’échapper au pire, mais ce n’est dans une église, c’est pour y découvrir le pas une fin heureuse puisque son drame pharisaïsme d’une organisation charita- demeure. Le personnage continue ainsi De Sica est né à Sora, en 1902. Il entre ble où la charité est défigurée, odieuse de vivre en nous, lui, et son problème. au cinéma par la voie de l’interprétation et stupide. Aucune communication n’est Là apparaît l’aspect moral de la doctrine et, en fait, mènera à partir de 1940, date possible (les séminaristes allemands) . néo-réaliste Parlant des personnages, à laquelle il réalise son premier film, Pour De Sica, cette solitude est-elle une Zavattini écrit : «ils réclament davantage une double carrière.. Acteur doué il joue solitude sociale qui tient à une mau- la solidarité du public que celle des dans n’importe quoi : comédies, drames, vaise organisation du monde ou est-elle autres personnages du film. C’est «navets» et films de valeur, aussi à inhérente à la condition humaine, la pourquoi ceux-ci ne trouvent pas à l’aise dans Pain, Amour et Fantaisie solitude sociale n’étant alors que le l’intérieur de la trame la solution à leurs que dans Le Général della Rovere. signe d’une solitude métaphysique ? De problèmes. Le public doit se sentir la Les concessions du comédien permet- Sica répond : «La solitude n’est pas responsabilité et le devoir de trouver tent la rigueur du réalisateur qui tourne métaphysique, elle est toujours sociale- une solution concrète au problème qui a relativement peu mais seulement ce qui ment expliquée». Le problème alors occasionné tel fait, dont le protagoniste l’intéresse. Rappelons que de Sica n’a serait tranché. Mais il n’est pas interdit demeure là à exiger cette solution.» pu trouver de producteur pour le Voleur au spectateur de reconnaître à l’événe- Le film ne propose pas de solution car de Bicyclette et l’a financé lui-même.
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