Sport licencié en Lorraine : équipements, clubs, âge et sexe conditionnent la pratique Philippe DEBARD - Insee Lorraine Pierre LAGARDE - DRJSCS En 2012, un Lorrain sur quatre possède une licence sportive. Le football reste le sport numéro un mais souffre depuis cinq ans d’une certaine désaffection. Le manque d’équipements qui touche un quart des communes de la région, ou leur rareté, constituent un frein à la pratique. Le peu de terrains de tennis couverts ou de terrains de rugby, l’implantation spécifique des terrains de golf et l’éloignement parfois dissuasif des bassins de natation en sont des illustrations. L’absence de club conduit par ailleurs à un choix souvent contraint entre la pratique du handball et celle du basket-ball. En zone rurale, pratiquer les arts martiaux et les sports de combat est quasiment impossible. L’âge est un autre frein majeur à la pratique du sport, comme le montre la forte baisse du nombre de licenciés en judo passé l’adolescence. Une coupure s’établit entre l’enfance et les années collège qui favorisent l’accès au sport licencié, et la vie étudiante, le monde du travail et les charges familiales qui au contraire le transforment en contrainte temporelle. Par ailleurs, les femmes, qui disposent de moins de temps libre, demeurent confinées dans un nombre plus restreint de disciplines, et leur participation est plus réduite dans le tir ou les épreuves de haut niveau en équitation. La pratique d’activités physiques et sportives pour le plus grand nombre figure parmi les objectifs partagés par les acteurs institutionnels du sport. Cependant, certains publics et espaces du territoire régional demeurent encore aujourd’hui éloignés de ces activités. La présente étude a pour objet de mettre en évidence les facteurs qui peuvent limiter la pratique de telle ou telle discipline. Près de trois Lorrains sur quatre n’ont pas de licence sportive En 2012, près de 530 000 Lorrains possèdent une licence sportive, délivrée par un des 6 000 clubs implantés en Lorraine, très rarement par un club d’une région voisine. Parmi eux, 5% sont détenteurs de plusieurs licences. De fait, 22% des Lorrains possèdent au moins une licence sportive, mais 1,8 million de Lorrains, soit près de trois sur quatre, n’en possèdent pas. 24% des communes sans équipement sportif La présence d’un club à proximité du domicile est un élément qui facilite la pratique. Mais lorsque le nombre de clubs est restreint, l’offre est faible et peu diversifiée. Le choix de la discipline est alors limité, voire subi. Dans ce cas, en Lorraine, la palette des disciplines se résume alors bien souvent à choisir entre football, judo, tennis de table et équitation. La présence ou non d’équipements sportifs est un autre élément qui favorise la pratique. À ce titre, le maillage du territoire régional est relativement étoffé, puisque 76% des communes possèdent au moins un équipement (81% en France métropolitaine). Ainsi, plus de 1 400 communes sur 2 339 disposent au moins d’un terrain de football ou de pétanque, d’un court de tennis ou d’un plateau EPS. Toutefois, 562 communes, soit 24% des communes lorraines, ne comptent aucun équipement. Ces communes sont généralement de taille très modeste : 85% ont moins de 200 habitants. La pratique peut également se trouver limitée par la rareté des équipements. Ainsi, les sports de glace (hockey sur glace, patinage artistique, etc.) dépendent entièrement de la présence d’une patinoire. Or, la Lorraine n’en compte que six (y compris la piste de glace à Toul), dont celle de Vandœuvre-lès-Nancy qui a rouvert ses portes début 2012. La présence d’équipements ne fait cependant pas tout, car ceux-ci peuvent être anciens à l’image des salles multisports et des bassins de natation dont près de 40% ont été bâtis avant 1975. Or, les équipements anciens rencontrent plus de difficultés pour être conformes aux nouvelles normes et règles de sécurité. 1 Enfin, certaines installations restent entièrement conditionnées par des atouts géographiques spécifiques et ne peuvent pas être implantées ailleurs. La spéléologie ne peut ainsi se pratiquer que dans la Meuse, ainsi qu’à Martincourt et Pierre-la-Treiche (54) et dans une grotte à Audun-le-Tiche (57). À part la piste de ski indoor du Snowhall d’Amnéville (57), le ski est limité aux Vosges, seul département lorrain à bénéficier d’un environnement de moyenne montagne, où le taux de boisement proche de 50% est également propice à la pratique de sports de nature telle que la randonnée pédestre. Temps libre inférieur pour les femmes En 2012, en Lorraine, 63% des licenciés sont des hommes et 37% des femmes. Ces proportions sont voisines de celles observées au niveau national et ont peu évolué au cours des dernières années. La pratique féminine licenciée, bien qu’encouragée, reste en retrait de celle des hommes. Le fait que les femmes soient de plus en plus actives et insérées sur le marché de travail en est une des causes. Le taux d’activité moyen des femmes en Lorraine est passé de 59% en 1999 à plus de 66% en 2010. Mais l’emploi du temps intervient aussi largement pour expliquer cette différence entre les hommes et les femmes. Les contraintes familiales empêchent en effet les femmes de pratiquer un sport comme elles le souhaiteraient, ce qui est moins le cas pour les hommes. Le temps libre des femmes, sur un espace d’une semaine, est ainsi inférieur de 3 heures et 44 minutes à celui des hommes (1). Et c’est plutôt dans ce contexte qu’il faut replacer l’état de la pratique sportive des femmes présenté ici. De fait, quand les hommes déclarent consacrer en moyenne chaque jour quatorze minutes à une activité sportive, les femmes n’en déclarent que six (2). Parallèlement, les femmes n’ont pas encore totalement investi le monde sportif. Ainsi très peu d’entre elles sont présentes aux postes d’encadrement et de direction. En 2012, en Lorraine, seulement 20% des conseillers techniques sportifs et 12% des présidents de fédérations sportives sont des femmes. Deux conséquences, au moins, peuvent découler de cette situation. D’une part, la féminisation insuffisante des organes dirigeants rendrait moins « nécessaire » la mise en œuvre de politiques spécifiquement destinées à améliorer l’engagement sportif des filles et des femmes (Koca & al., 2010). D’autre part, la surreprésentation des hommes parmi les entraîneurs, qui représentent des modèles auxquels s’identifier, peut s’avérer un obstacle à l’entrée des jeunes filles dans certaines activités. (1) femmes de 15 à 64 ans (2) source : Insee, enquête Emploi du temps 2010 Un tiers des femmes dans trois disciplines seulement La division des activités selon le genre est une autre réalité. Si les freins à la pratique, tels les interdits réglementaires, sont levés, et si les disciplines sont théoriquement ouvertes à toutes et à tous, les motivations semblent avoir encore une incidence directe sur la manière de pratiquer et sur les disciplines exercées. Les hommes pratiquent un sport plutôt pour se surpasser, pour les sensations fortes, pour la compétition. Ils restent très majoritaires dans les sports collectifs de grand terrain (football, rugby), les sports motorisés et d’endurance (vélo), les sports de duel (tennis et autres sports de raquettes), les sports de combat. Les femmes démontrent un goût particulier pour les activités laissant une large part à l’expression corporelle, l’esthétique, l’entretien du corps, et qui se pratiquent pour la plupart individuellement. Elles sont très majoritaires en gymnastique, danse, équitation, patinage sur glace, natation. Au final, le sport féminin se concentre dans un nombre très restreint de disciplines. Un tiers des licenciées se 2 retrouvent dans trois activités seulement : gymnastique (y compris Éducation physique et gymnastique volontaire et Entraînement physique dans le monde moderne), équitation et tennis. La diversification des disciplines, plus que l’augmentation du nombre de pratiquantes, pourrait donc être une orientation possible en faveur du développement de la pratique féminine dans le futur. Peu de disciplines à parité hommes/femmes Répartition hommes/femmes par discipline en Lorraine en 2012 (%) (3) Football Rugby Tir Vélo Sports de combat Basket-ball Arts martiaux (hors judo) Sports nautiques Haltérophilie, musculation Handball Volley-ball Natation Gymnastique Danse 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Source : Ministère chargé des sports Hommes Femmes Pêche : pêche au coup, pêcheurs sportifs à la mouche Sports motorisés et aériens : automobile, karting, motocyclisme, motonautique, ski nautique ; aéromodélisme, aéronautique, aérostation, parachutisme, planeur, ultra-léger motorisé, vol libre, vol à voile Tir : tir, ball-trap, tir à balle Sports US : football américain, baseball, softball Vélo : cyclisme, cyclotourisme Sports de boules et de quilles : billard, sports de boules, bowling et de sports de quilles, pétanque et jeu provençal, pelote basque, trinquet moderne Sports de combat : boxe, escrime, kick boxing, lutte, muaythai, savate et boxe française Sports de raquettes : badminton, squash, tennis, tennis de table Arts martiaux : aïkido, karaté, taekwondo, wushu Sports nautiques : aviron, canoë-kayak, surf, voile Haltérophilie, musculation : haltérophilie, musculation, force athlétique, culturisme Course à pied : athlétisme, course d'orientation, triathlon (3) hors fédérations multisports affinitaires pour lesquelles la discipline est inconnue 3 La pratique ralentit avec l’âge L’âge est un autre facteur décisif dans la pratique sportive. En France, le taux de licenciés dans la population croît ainsi très rapidement chez les jeunes enfants, pour atteindre son point le plus haut entre dix et quatorze ans : à cet âge, près de 95% des garçons et 60% des filles détiennent une licence. La pratique chute ensuite très vite. Entre vingt et vingt-quatre ans, les garçons ne sont plus que 31% et les filles 12% à détenir une licence.
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