Musique, Théâtre, Causeries Analysis of Radio Programming Broadcast in Québec Between 1922 and 1939 : Music, Theatre and Talks Marie-Thérèse Lefebvre

Musique, Théâtre, Causeries Analysis of Radio Programming Broadcast in Québec Between 1922 and 1939 : Music, Theatre and Talks Marie-Thérèse Lefebvre

Document généré le 27 sept. 2021 22:18 Les Cahiers des dix Analyse de la programmation radiophonique sur les ondes québécoises entre 1922 et 1939 : musique, théâtre, causeries Analysis of Radio Programming broadcast in Québec between 1922 and 1939 : music, theatre and talks Marie-Thérèse Lefebvre Numéro 65, 2011 Résumé de l'article Élément essentiel de la modernisation du Québec, la radio a-t-elle été URI : https://id.erudit.org/iderudit/1007776ar également un véhicule des idées nouvelles qui se développent dans les années DOI : https://doi.org/10.7202/1007776ar 1930 ? L’analyse de la programmation de la musique, du théâtre et des causeries démontre que les choix d’émissions ont obéi davantage à la logique Aller au sommaire du numéro marchande qu’à la volonté de participer aux changements qui ont marqué ces années. Éditeur(s) Les Éditions La Liberté ISSN 0575-089X (imprimé) 1920-437X (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Lefebvre, M.-T. (2011). Analyse de la programmation radiophonique sur les ondes québécoises entre 1922 et 1939 : musique, théâtre, causeries. Les Cahiers des dix, (65), 179–225. https://doi.org/10.7202/1007776ar Tous droits réservés © Les Éditions La Liberté, 2011 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Analyse de la programmation radiophonique sur les ondes québécoises entre 1922 et 1939 : musique, théâtre, causeries PAR MARIE-THÉRÈSE LEFEBVRE* u moment où nous assistons à une transformation inéluctable des moyens de communication, il est difficile d’imaginer aujourd’hui le rôle qu’a joué « le » radio1 dans l’imaginaire collectif québécois entre 1922 et 1939. APlusieurs études ont été consacrées à l’histoire de la radio en tant que nouveau médium de communication (ses origines technologiques, les structures organi- sationnelles, les incidences politiques des réseaux privés et publics) comme en témoignent les bibliographies substantielles des ouvrages de Mary Vipond2, Michel Filion3 et de la synthèse historique produite par Pierre Pagé4. Par contre, les * Nous remercions chaleureusement Mario Coutu, Solenn Hellégouarch, Johanne Lang, Francis Saint-Arnaud et Luc Bellemare pour leur aide précieuse à cette recherche. 1. À l’époque, on nommait ce médium au masculin en référence au meuble imposant qu’il occupait dans l’espace familial tout comme le piano et le gramophone. Le mot sera féminisé quelques années plus tard alors qu’il sera identifié à la communication. 2. Mary Vipond, Listening In : The First Decade of Canadian Broadcasting, 1922-1932, Mont- real and Kingston, McGill-Quenn’s University Press, 1992 ; et « The Beginnings of Public Broadcasting in Canada : the CRBC, 1932-1936 », Canadian Journal of Communication, 1994, 19, p. 151-171. 3. Michel Filion, Les problèmes de l’américanisation et la radiodiffusion québécoise depuis ses origines jusqu’à la réglementation du contenu canadien, 1922-1959, Thèse de doctorat, Uni- versité Laval, 1993 ; Radiodiffusion et société distincte : des origines de la radio jusqu’à la Révolution tranquille au Québec, Laval, Méridien, 1994 ; « La radio : organisation et insti- tution », dans : Denise Lemieux, [dir.], Traité de la culture, Éditions de l’IQRC, Presses de l’Université Laval, 2002, p. 799-814. 4. Pierre Pagé, Histoire de la radio au Québec, Montréal, Fides, 2007, 491 p. Les cahiers des dix, no 65 (2011) 180 MARie-THÉRÈSE LEFEbvrE recherches visant à analyser le contenu des émissions sont beaucoup plus récentes5. Il faut se rappeler qu’avant 1939 l’horaire des programmes était publié uniquement dans les quotidiens6 en caractères minuscules impossibles à lire aisément à l’épo- que des anciens lecteurs de microfilms. La numérisation, la clé USB et le CD ont modifié considérablement l’accès à ces données. Grâce à une subvention de recherche du CRSH (2007-2010), nous avons donc numérisé, avec l’aide de nombreux étudiants, les horaires publiés quotidien- nement dans le journal La Presse de 1922 à 1939. Pourquoi ce journal en parti- culier ? Parce que l’entreprise était propriétaire de la première station radiophonique francophone créée en 1922, CKAC, et qu’à ce titre, elle publiait un horaire détaillé de sa propre programmation (incluant plusieurs informations nominatives), ajoutant à cette page celle, beaucoup plus réduite, de ses concurrents. En réaction au caractère de plus en plus bilingue de CKAC, le quotidien La Patrie7 crée en janvier 1933 sa propre station entièrement francophone, CHLP, mais n’offre cependant qu’un horaire sommaire. Et il en est de même pour le poste CFCF, propriété de Marconi, qui n’imprime que rarement un horaire détaillé dans The Gazette ou le Montreal Star. Enfin, au moment de la création officielle de la Société Radio-Canada en 1936, le journal La Presse qui s’était violemment opposé à la création d’une radio d’État, modifie en profondeur la présentation de sa page radio en n’accordant à la radio publique qu’un espace minime. La consultation du journal Le Devoir qui suggérait à son lecteur un choix émissions de la société d’État nous a permis de compléter les informations. Avec l’aide de cinq assistants de recherche, nous avons transféré les informations nominatives dans une base de données8. Sans viser l’exhaustivité, nous avons signalé réguliè- rement certaines émissions américaines diffusées à CKAC. Nous avons relevé 5. Elzéar Lavoie signale cette lacune. Voir : « La constitution d’une modernité culturelle popu- laire dans les médias au Québec (1900-1950) », dans : Yvan Lamonde et Esther Trépanier, [dir.], L’avènement de la modernité culturelle au Québec, Institut québécois de recherche sur la culture (IQRC), 1986, p. 277. Pierre Pagé et Renée Legris, véritables pionniers dans l’analyse des contenus, ont ciblé le théâtre et les dramatisations radiophoniques comme objet de recherche. Voir aussi : Marie-Thérèse Lefebvre, « Radio-Collège (1941-1956) : un incubateur de la Révolution tranquille », Les Cahiers des Dix, no 60, (2006), p. 233-275. 6. Un guide mensuel publié par le CNR a peut-être existé et quelques numéros de Radio Canada Magazine ont circulé en 1931-1932. Il faut attendre la publication de la revue Radiomonde en 1939 puis La Semaine à Radio-Canada à partir de 1951 pour avoir accès à des horaires spécifiques. 7. Ce journal est acheté par l’entreprise de La Presse en 1933. 8. Cette base de données a été intégrée en annexe au mémoire de Johanne Lang, Inventaire analytique de l’émission radiophonique culturelle québécoise à CKAC « L’Heure provinciale » entre 1929 et 1939, Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2011. AnalysE DE la programmatION RADIophonIquE... 181 systématiquement les noms des conférenciers et leurs sujets (5,204 mentions), les écrivains/dramaturges et le titre des pièces (1,555), les compositeurs et les œuvres (77,448 entrées) accompagnés du nom des comédiens, récitants et inter- prètes mentionnés dans les grilles horaires. Jusque vers 1933, on constate que les émissions ont été diffusées en direct depuis plusieurs lieux (outre les studios radiophoniques, hôtels, brasseries, res- taurants et parcs publics). La radio a non seulement remplacé, jusqu’à un certain point, les concerts intimes des salons privés d’autrefois, mais elle a également offert aux artistes canadiens-français une alternative aux salles de concert de plus en plus inaccessibles avec l’arrivée du cinéma parlant. Ce transfert de la salle de concert au studio radiophonique reléguant la production artistique locale (musi- que et théâtre) à la portion congrue des événements culturels s’explique en partie par la crise économique de 1929, mais surtout par la commercialisation des tournées de vedettes internationales. La vie culturelle montréalaise se modifie. Avec la popularité grandissante de la radio, les agences d’artistes étrangers publi- cisent avec plus de vigueur les spectacles, cherchant à attirer un public sollicité tout autant par la radio que par le cinéma. Ce passage de la scène au studio modifie les programmes qui y seront offerts et donc, le temps d’écoute. Car, si un programme musical ou théâtral en salle pouvait facilement durer deux heures à l’époque, le temps radiophonique d’une émission sera beaucoup plus bref, quinze minutes ou une demi-heure tout au plus pour la plupart d’entre elles. Cette contraction temporelle provoque une sorte de mutation que la radio privée, pour des raisons de rentabilité, fait subir au statut des œuvres, au nom d’une démocratisation de la culture. Pour des fins de popularisation et d’accessi- bilité, les propriétaires, soumis aux directives des commanditaires9, ont élagué de la culture ce qui leur a semblé non « popularisable », c’est-à-dire toute pièce musicale ou théâtrale ou toute conférence qui exigeait une écoute plus attentive. Tout en se vantant de faire œuvre éducative, ils ont en effet jugé que tout devait se faire de manière indissociable dans un cadre de divertissement, à l’exception des émissions religieuses sur lesquelles nous reviendrons. Ce n’est qu’avec la créa- tion d’une radio d’État que ces deux fonctions – éducation et divertissement – seront dissociées, du moins pour un certain temps. L’élaboration des émissions s’est faite lentement. Il fallait d’abord peaufiner ce nouvel outil technologique et convaincre le public et les commanditaires de sa pertinence, ce à quoi se consacrera le fondateur de CKAC, Jacques-Narcisse 9. Sauf à l’émission L’Heure provinciale, il n’y a pas de direction artistique centralisée dans les postes privés avant 1939.

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