MARCEL L'ANCIEN DEVANT ZALE EN 1948 ET MARCEL LE JEUNE DEVANT GALLOIS EN 1972 Si le citron peut encore être pressé pourquoi s'en priver ? teurs salle Wagram. Petite réunion, pro- gramme minable. Pourtant, la salle est pleine : voir le fils du grand Marcel ! Le nu « petit » ne sait pas encore boxer. Il veut apprendre pour remplir ce qui est désormais sa mission : venger son père en accédant à m son tour au titre de champion du monde. Le petit au grand coeur devient le « boxeur mystique ». Dans le public, ça marche. Filippi et Marcel junior forment le couple le plus superstitieux de la boxe. Les jour- Le jour où Marcel Cerdan naux « tartinent » sur les manies du « pe- ( junior) découvrit qu'il n'était tit ». a Paris-Presse », le 9 avril 1967 - qu'une bonne affaire « La valise pour le match est faite religieu- sement et personne d'autre n'y touche. Mar- cel Cerdan y range avec des soins infinis la Une droite terrible en pleine gueule, même visage. La ressemblance s'arrête là. culotte de son père, celle du championnat deux uppercuts et un crochet qui sui- Le fils n'a jamais possédé les qualités phy- du monde contre Tony Zale... A côté, il vent. Robert Gallois, champion de siques qui font les vrais puncheurs. Mince, place la bouteille de coin du championnat France des poids welters, vient d'allonger les pectoraux étroits, sans souplesse natu- du monde et une paire de gants miniature son challenger Marcel Cerdan, « le mô- relle, tout le contraire du père, « bête mer- que Marcel avait ramenée à son fils. Enfin me », comme l'appellent ses - copains. veilleuse », costaud, les obliques énormes, une dizaine de photos jaunies, embrassées Mais « le môme », lui, est paniqué, seul un coup de poing qui lui valut le surnom de des milliers de fois. » Marcel junior : « Cha- au milieu d'un ring qu'entourent neuf mille « bombardier marocain ». Le « petit », que fois que je suis sur le ring, mon père spectateurs en délire : Marcel ne comprend grâce à la réussite de son père, a été dorloté est avec moi. » Voilà le boxeur mystique... pas. M. Filippi, son manager, lui a telle- durant son enfance par sa mère, Marinette, D'autres appelleraient cela une névrose ob- ment répété qu'il était le plus fort. Marcel Edith Piaf, le clan. Il a poussé dans du sessionnelle. Filippi, le mauvais garçon d'au- a toujours cru M. Filippi. Il était presque coton. Il a fini par en prendre la consi- trefois, « avoue » aux journalistes qu'il convaincu de posséder l'étoffe d'un cham- stance. brûle avant chaque match un cierge à pion du monde ! A vingt-neuf ans, après Un cierge à Pelià sainte Rita dans l'église de la Madeleine. douze ans de boxe et soixante combats, Il porte une image de la Vierge dans son Marcel Cerdan junior vient de se rendre Ceux qui ont lancé le jeune Cerdan portefeuille. compte qu'il était un produit fabriqué pour connaissaient ses limites. Mais le coup élait Filippi est un très grand manager. Sans le boxing business. « jouable » commercialement. Il suffisait avoir convaincu chez les amateurs, le petit Marcel junior a peut-être été dupé pen- de convaincre le jeune Marcel qu'il devait Cerdan est passé professionnel par un tour dant plus de dix ans. Au départ, il y a le terminer la carrière de son père. Marcel de passe-passe : Filippi lui a choisi le plus « clan Cerdan », mêlé depuis des généra- Cerdan junior a passé sa jeunesse à enten- souvent des adversaires renommés mais sur tions au monde de la boxe. Une famille de dre les louanges du père. Son admiration, le déclin. Des hommes usés. Filippi a taillé pieds-noirs marocains sortie de la gêne sa dévotion pour lui ne sont pas feintes. sur mesure des combats pour le « petit ». grâce aux exploits du grand Marcel. Mal- Elles ont été entretenues et magnifiquement Cerdan ira boxer de préférence en pro- heureusement il a disparu en novembre. exploitées. Il fallait aussi faire « passer » vince contre des adversaires médiocres va- 1949 dans un accident d'avion au-dessus Marcel Cerdan junior dans le public. La lorisés à la veille du combat. Le 12 mars des Açores. Pour les affairistes de la boxe, famille Cerdan confia le môme au presti- 1965, Marcel junior livre son sixième cette mort est une catastrophe fidancière. digitateur Filippi. Il s'y connaît, ce Mar- combat professionnel. Il bat à Limoges An- Un filon se tarit. Il faut en trouver un seillais aux accents pagnolesques, pour faire dré Leguy par jet de l'éponge au deuxième autre. Le nom de Cerdan continue à ma- gagner de l'argent à ses boxeurs. Volubile, round après trois minutes vingt-sept secon- gnétiser les foules. Autant en profiter. enveloppant, paternaliste et dur en affai- des de combat. Selon Roland Passevant, Les deux neveux de Marcel Cerdan, Guy res. Il se flatte de faire ramasser un maxi- auteur d'un livre sur les Cerdan (1), quel- et René, sont lancés sur le ring : deux mum à ses boxeurs. Lui, il prend 30 %. ques jours plus tôt son manager avait de- échecs. Les matchmakers — ceux qui Il amènera, dit-il, « le petit Cerdan au mandé à Leguy s'il acceptait de rencontrer organisent les rencontres de boxe — ne se championnat du monde ». Cerdan. Le cachet proposé était de mille découragent pas. Le fils du grand Marcel A seize ans et demi, le 4 avril 1960, vient d'avoir quinze ans. Même prénom et Marcel junior débute dans les rangs ama- (1) « Les Cerdan », éditions Dargaud. 54 Lundi 18 décembre 1972.
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