LE MONDE 5 juillet 2001 LES DATES Molière revisité • 1946 : naissance à Paris de Didier Bezace. • 1970 : cofondation du Théâtre de l'Aquarium à là Cartoucherie de Vincennes. Il participe à tous ses spectacles jusqu'en 1997, par Didier Bezace comme auteur, comédien ou metteur en scène, • 1983 : ia Débutante, d'après Mademoiselle Else, d'Arthur Le metteur en scène considère « L'Ecole Schnitzier. • 1984 : Les Heures blanches, d'après La Maladie humaine, des femmes », en dehors des mythologies de Ferdinando Camon. • 1986 : Héloïse et Abélard, qu'elle contient, comme l'itinéraire d'après leur correspondance (Festival d'Avignon). d'un solitaire qui s'expose devant les autres • 1988 : L'Augmentation, de Georges Perec (Festival d'Avignon). endredi 6 juillet, le Festival avant d'entretenir avec lui « un lien • 1990 : Le Piège, d'après critique ». Pas de véritable répertoire, d'Avignon s'ouvre par L'Eco- Emmanuel Bove. le des femmes, mise en scè- mais des créations ancrées dans l'his- • 1992 : Marguerite et le Président, ne par Didier Bezace, avec toire et la vie, tracées dans les déchi- d'après les entretiens entre VPierre Arditi dans le rôle d'Amolphe. rures d'ime société engoncée d'habi- Marguerite Duras et François Après Jacques Nichet (La Tragédie du tudes, couchée sur ses passe-droits, Mitterrand publiés par L'Autre roi Christophe, 1996) et Jean-Louis et rétive aux libertés. Les grandes sil- Journal En 1992, également, mise en scène de Je rêve Benoit (Henry V, 1999), Didier Bezace houettes du théâtre populaire et de (mais peut-être pas), de Pirandello Brecht ne font pas d'ombre aux jeu- «Ily a dans le théâtre une manière de se venger de la réalité ». est le troisième représentant du Théâ- pour la Comédie-Française tre de l'Aquarium à pénétrer dans la nes gens de l'Aquarium. Au contrai- au Petit-Odéon. robuste, Le Colonel Oiseau, du Bulga- Cour d'honneur. Curieusement, la re, elles les stimulent et les propul- n'était pas d'être des militants qui se Dans l'attente des coups de foudre • 1994 : La Femme changée Cour lui paraît moins nouvelle que sent en avant sur des voies peu explo- servent du théâtre, mais de fabriquer qu'il ressentira pour Ferdinando re Hristo Boytchev lui emboîte le en renard, d'après David Garnett. Molière. « S'il y a quelque chose d'ex- rées. Les créations se voudront collec- des spectacles imprégnés du réel de Camon, Georges Perec, Emmanuel pas. Puis il revient vers Feydeau, • 1996 : C'est pas facile, d'après périmental pour moi, c'est bien Moliè- tives. Pour elles, pour eux, ils revendi- combats, qui pour nous étaient de Bove, Antonio Tabucchi... « Notrefor- abordé jadis avec Jacques Nichet, et La l^oce chez les petits-bourgeois et Grand-peur et misère du lir Reich, re », dit-il en abordant le classique, quent l'autogestion. bons combats, et dégageaient mation de comédiens nous avait dirige un montage brillant de trois de Brecht, Le Piège, d'Emmanuel d'authentiques mythologies. » appris ù travailler à partir de l'inter- pièces en un acte titré Feydeau Termi- après avoir arpenté durant près de Durant plus d'une décennie, la vie Bove, et Pereira prétend, d'Antonio view d'une ouvrière, et on avait acquis nus. « Pour le public d'Aubervilliers », trente-cinq ans d'autres voies de créa- de Didier Bezace et de ses compa- La jeune lune..., qui restera plus Tabucchi (Festival d'Avignon). s'impose l'idée d'un engagement tion : « J'ai été un adolescent pour qui gnons se fond avec celle de la troupe. d'tm an à l'affiche, les a conduits exac- cette inconscience de se dire qu'on arri- • 1997: Le V'juillet il prend plus fort dans le répertoire. Avignon le théâtre était certainement un accom- Dans le hangar qu'ils ont aménagé à tement là où ils voulaient aller : au verait à en faire du théâtre. De là vient la direction du Théâtre de l'y précipite. plissement de soi et sans doute aussi la Cartoucherie de Vincennes, ils cœur de la relation avec le travail. mon goût de torturer des textes littérai- la Commune, Centre dramatique une fuite du réel Je crois qu'il y a tou- sont ensemble comédiens-bâtis- Rapidement, le collectif constate res en me disant que le théâtre devait Durant cinq ans, Didier Bezace national d'Aubervilliers. • 1998 : Narcisse, de Rousseau ; jours dans le théâtre, pour ceux qui le qu'il est arrivé « au bout de quelque prendre ses droits dessus. » avait refusé les propositions de Ber- seurs, comédiens-enquêteurs, comé- Le Jour et la Nuit, d'après L'idée collective a glissé: tandis nard Faivre d'Arcier d'investir la fabriquent comme pour ceux qui le diens-improvisateurs, comédiens- chose ». Il n'a pas envie de se mettre La Misère du monde, de Pierre Cour. Cela avait failli se faire en 1999 regardent, une manière de se venger auteurs. Le débat et le jeu sont les à décliner d'autres « grands thè- que Jean-Louis Benoit met en scène Bourdieu. de la réalité. » socles d'une culture de compagnie mes ». De mettre en place un systè- Les Incurables, Didier Bezace prépare avec Le Colonel-Oiseau. Par boutade, • 1999 : Le Colonel-Oiseau, la Maladie humaine. Des thèmes s'es- il avait dit un jour au directeur du Fes- de Hristo Boytchev Ce même mot, celui de « réalité » sans équivalent L'aventure, prenan- me. D'autant moins que chacun res- te, dont Didier Bezace dit qu'elle l'a sent le besoin de textes. Des démar- quissent, des associations s'opèrent. tival : « Ce qui serait bien, c'est de (Festival d'Avignon). est au cœur du projet de Didier Beza- • 2000 : Feydeau Terminus, « fait grandir », ne laisse guère de ches plus individuelles se font jour. Didier Bezace met en scène Margueri- montrer une solitude devant les deux ce, Jean-Louis Benoit et Jacques regroupe trois pièces en un acte En 1982, le toumant est pris. La te et le Président, d'après les enti-e- mille deux cents spectateurs. Une per- Nichet lorsqu'ils engagent une trou- temps aux infidélités cinématographi- de Feydeau : Léonie est en avance. tiens de Duras et de Mittenand ; et sonne. Et rien qu'une. Avec une chai- pe issue du milieu universitaire, ques dont il deviendra coutumier. seconde époque de l'Aquarium est Feu la mère de Madame et son complice Les Vœux du président se. » Il venait de dessiner le chemin l'Aquarium, dans un projet profes- L'engagement collectif est tempéré ouverte. Les noms de Didier Bezace On purge bébé. Après Jacques Nichet, appelé au qui le conduirait vers L'Ecole des fem- sionnel. Nous sommes en 1970, par un système « très tolérant », qui et Jean-Louis Benoit apparaissent à • 2001 : L'Bcole des femmes, Théâti-e des Treize-Vents à Montpel- mes : «Arnolphe est le personnage du avec Pierre Arditi, pour l'ouverture Didier Bezace a vingt-trois ans, et permet de vivre une expérience théâ- la mise en scène. Jacques Nichet tient trale à l'extérieur. toujours la plimie. lier en 1986, Didier Bezace prend la répertoire qui a le plus long temps de du Festival d'Avignon. s'estime paré pour une « utopie » présence. Il est là trente et une scènes Au cinéma, Didier Bezace a été Après un important Flaubert, Jac- direction du Théâtre de la Commune dont il se réjotiit qu'elle brûle encore Selon lui, le spectacle le plus signifi- sur trente-deux ! Et j'ai toujours ressen- l'interprète entre autres ques Nichet dirige Correspondance, d'Aubervilliers, en 1997, avec la quelques jeunes têtes : « Construire catif de la période est La jeune lune ti cette pièce, en dehors des mytholo- de Claude Miller (La Petite qui associe la Lettre au père de Kafka volonté de « diriger la maison comme Voleuse) ; Bertrand Tavernier son propre théâtre, décider d'être maî- tient la vieille lune toute une nuit dans gies qu'elle contient, comme l'iti- et les Conversations en Sicile de Vittori- une compagnie, et de la rendre la plus (L. 627, et Ça commence tre de ses moyens de production. Et ses bras. 11 se souvient de cette année néraire d'un solitaire qui s'expose ni. Didier Bezace et Jean-Louis belle possible ». aujourd'hui) : Pascale Ferran sans cesse remettre sur le chantier la 1976. Canicule et occupations d'usi- devant les autres. » Benoit jouent le père dans chaque A Aubervilliers, rapidement, il res- (Petits arrangements avec manière dont on produit les choses, la nes. Les esprits s'enflamment. La ter- les morts) ; André Téchiné part du diptyque. Amorcé dès les sent le besoin de textes de théâtre. Et manière dont l'art se lie au travail » re aussi. L'équipe de l'Aquarium se (Les Voleurs) ; Bigas Luna débuts de l'Aquarium, le pli est pris il y vient, lentement, par des voies Jean-Louis Perrier Une génération est entrée en politi- scinde en plusieurs groupes, afin (La Femme de chambre de chercher le théâtre dans des obliques. Il s'attache à une simple que par le grand dehors. La me a pri- d'enquêter dans les enti-eprises, et du Titanic) ; Pascal Thomas romans, des récits, des correspondan- curiosité - le Narcisse de Rousseau - * L'Ecole des femmes, du 6 au (Le Dilettante) ; Jeanne Labrune vilège sur les corps constitués. Le «raconter ces actes de résistance ces, ou de simples comptes-rendus. dont il parvient à faire un authenti- 16 juillet à 22 heures (relâche le 9 (Ça ira mieux demain). théâtre s'assoiffe d'un réel qu'il ouvrière ». Pas question d'agit-prop, Di^^^ezace est un grand lecteur.
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