Nos racines créoles : les origines, la vie et les moeurs Au pays des bonnes gens La Guadeloupe du temps jadis Nos ancêtres les colons Pierre Bonnet * “Le langage qu’un homme parle est un monde dans lequel il vit et agit; il lui appartient plus profondément, plus essentiellement que la terre et les choses qu’il nomme son pays.” Romano GUARDINI “ L’instruction est le seul bien qui ne se lègue pas de père en fils. La République la dispense à tout le monde. A chacun d’en prendre ce qu’il peut.” “Avec le français on peut aller partout. Avec le breton seulement, on est attaché de court comme la vache à son pieu. Il faut toujours brouter autour de la longe. Et l’herbe du pré n’est jamais grasse.” “Le cheval d’Orgueil” de Pierre Jakez HÉLIAS Selon Tocqueville : “Il y a un préjugé naturel qui porte l’homme à mépriser celui qui a été son inférieur, longtemps encore après qu’il soit devenu son égal. A l’inégalité réelle que produisent la fortune et la loi succède toujours une inégalité imaginaire qui a ses racines dans les moeurs” Les mots en langues : Créole et Caraïbe sont écrits en italique A Abolition de l’esclavage : Le 27 avril 1848 était promulgué le décret d’abolition de l’esclavage. mais il fallait réorganiser le travail et indemniser les propriétaires d’esclaves. Les membres de la Commission penchaient pour le maintien des anciens esclaves sur l’exploitation pendant cinq ans, tout en bénéficiant des droits civils. Pour sa part, Victor Schoelcher estimait que : “Tous ces procédés sont possibles, hors un seul, la contrainte du travail. Les Nègres ne sauraient comprendre que l’on pût tout à la fois être libre et contraint” . La Commission se rallia à la thèse de Schoelcher sur ce point, mais également sur l’indemnité de dédommagement : “Dans le régime de l’esclavage, il y a le maître qui possède et l’esclave qui est possédé; et si la France doit une indemnité pour cet état social qu’elle a toléré et qu’elle supprime, elle la doit bien sans doute à ceux qui ont souffert autant qu’à ceux qui ont profité. Le dédommagement ne peut pas être donné à la propriété exclusivement, il doit être assuré à la colonie toute entière, afin de tourner en même temps au profit du propriétaire et du travailleur”. En 1850, la France indemnisa les colons pour la perte de leurs esclaves. Les colons guadeloupéens reçurent 1.947.105 francs pour 86.946 esclaves libérés, soit un peu plus de 200 francs par esclave, ce qui était loin de leur valeur réelle. En 1851, la Banque de la Guadeloupe voyait le jour, son capital était constitué du huitième des fonds accordés pour l’indemnisation. Abymes (Ville des) : Fondée en 1726, sur le Morne Miquel, la ville a été déplacée à 5 kilomètres au nord, lors de la création de Pointe-à-Pitre. Son premier nom a été “Grands-Fonds”. La désignation d’Abymes venait des épais brouillards, qu’il y avait le matin, aux premiers temps de la colonisation, du fait des marais proches, qui ont été comblés depuis. Acajou : Mot Arawak. Arbre vernaculaire dont le bois sert en ébénisterie. • Diverses espèces en Guadeloupe : - Acajou amer : Espèce locale; - Acajou blanc : Espèce locale; - Acajou rouge : Espèce locale, dont le nom caraïbe est Ouboüéri et dont le bois sent bon ; - Mahogany du Honduras : Espèce provenant du Honduras et qui pousse très vite, avec un tronc très droit; - Mahogany du Sénégal : Espèce provenant du Sénégal. Accompte (Agouba) : Origine inconnue du mot. Achards : Hors d’oeuvre créoles à base de légumes. • Selon Courteline dans “Le tour du monde en 80 plats ” : “Les achards se servent en hors-d’oeuvre. Ce sont tous les légumes (choux, carottes, haricots verts, têtes de choux-fleurs, coeurs de palmiers, etc ...) soigneusement épluchés, lavés, coupés en morceaux d’un centimètre. On les aura d’abord mis à tremper séparément dans de l’eau salée, 24 heures. Egouttés, on les disposera par petits tas alternés dans un plat. Faire chauffer d’autre part de l’huile parfumée de rouelles d’oignons, d’ail, de safran, poivre, piment rouge, et verser cette huile bouillante sur les légumes; les laisser mariner deux jours avant de servir.” Acheter (Achté) : Verbe français déformé ayant le même sens aux îles. Actuellement, Aujourd’hui, Maintenant : Venant de mots français, les divers mots créoles ont la même signification qu’en France. • Expressions créoles : - Alè : A cette heure. - Alèkilé : A l’heure qu’il est. - Aprèzan : A présent. - Astè : A cette heure. - Jôdijou : Au jour d’aujourd’hui. - Konyèla : Comme il est maintenant. Adieu foulards, adieu Madras : Cette chanson très connue est l’oeuvre de Claude - François- Amour, marquis de Bouillé (cousin du marquis de La Fayette), colonel du régiment du Vexin et gouverneur de la Guadeloupe entre 1769-1771. “ Il avait 29 ans, il était beau et avait une élégance parfaite, son âme était élevée et ferme. Vigilance, hardiesse, résolution, telles étaient ses qualités “ écrit Ballet. La chanson “Adieu foulards, adieu Madras”, composée en 1770 dont le titre original était : “Les adieux d’une créole”, a eu, par la suite, une version martiniquaise et une autre guyanaise. Version originelle de la Guadeloupe Texte créole Traduction Refrain Refrain Adieu foulards, adieu Madras, Adieu les foulards, adieu les Madras, Adieu grains d’or et collier -chou, Adieu colliers grains d’or et colliers choux, Doudou en mwen i ka pati , ) bis Mon amour s’en va, ) bis Hélas, hélas, sé pou toujou ) Hélas, hélas, c’est pour toujours ) Couplet Couplet Bonjou missié le gouvèneu , Bonjour, Monsieur le Gouverneur, Mwen vini fè on ti pétition Je viens vous faire une petite pétition Pou mandé-ou autorisation Pour vous demander l’autorisation Laisé Doudou an mwen ba mwen . De me laisser mon amour. Mademoiselle sé bien twop ta Mademoiselle, c’est bien trop tard Doudou a -ou ja enbaké Ton amour est déjà embarqué Batimen-la ja su la boué Le navire est déjà sur la bouée Biento i ka appareillé Bientôt, il va appareiller. Version ultérieure Dans son livre “Contes des Tropiques”, Lafcadio Hearn donne ce texte d’Adieu foulards avec la présentation suivante : “ Voici une de ces petites improvisations, très populaires à la Martinique et à la Guadeloupe ” Texte créole Traduction Refrain Refrain Adieu Madras ! Adieu foulards ! Adieu les Madras ! Adieu les foulards ! Adieu dézinde ! Adieu colliers-choux Adieu des Indes ! Adieu les colliers-choux ! Bâtiment la ki sou laboué là , Le navire qui est à la bouée, Li ka mennein Doudou a mwen allé , Emmène mon amour au loin, - Bien le boujou, Missié le Consignataire, Bien le bonjour, Monsieur le Consignataire, Mwen ka vini fè yon ti pétition , Je viens faire une petite pétition, Doudou à mwen i ka pati , Mon chéri, s’en va, T’en prie, hélas ! Rétadé li . Pour te prier, hélas ! Retarde le. Hélas ! ma chère enfant Hélas ! ma chère enfant Il est trop tard, les connaissements Il est trop tard, les connaissements Sont déjà signés, Sont déjà signés, Le bâtiment est déjà sur la bouée; Le bâtiment est déjà sur la bouée; Dans une heure d’ici, ils vont appareiller. Dans une heure d’ici, ils vont appareiller. Version postérieure de la Guyane Louis Lacroix, capitaine au long cours, note une variante d’Adieu foulards dans son livre : “Les derniers voyages de forçats et de voiliers en Guyane” que voici : Texte créole Traduction Refrain Refrain Déjà Captain ka commandé Déjà le Capitaine a commandé tout moune en haut pou pareillé Tout le monde en haut pour appareiller tout vouèl lagué tribô bouassé Toutes les voiles sont larguées à tribord de la bouée Pilot z’a bod et tout paré Le pilote est à bord et tout est prêt Adié, Doudou, chè Lutima Adieu, Chérie, chère Lutima Adié pays de mon z’amou Adieu pays de mon amour Mwen ka pati kyé gwo konsa Je pars le coeur très gros Adié ! Adié ! Sé pou toujou . Adieu ! Adieu ! C’est pour toujours. Bonjou Missié Consignatè Bonjour Monsieur le Consignataire Mwen ka fè on ti pétition Je fais une petite pétition Su bateau la pou mwen allé Pour que j’aille sur le bateau Ou ka ba mwen z’embarcation Tu me donnes une embarcation Ma chère enfant, il est trop tard, Ma chère enfant, il est trop tard, Il a déjà l’ancre virée, Il a déjà l’ancre virée, Il est paré pour le départ, Il est paré pour le départ, A bord, vous ne pouvez aller. A bord, vous ne pouvez aller. Bâtiment la ki dan rade la , Le bâtiment qui est dans la rade, Kallé mené Doudou allé Va emporter mon chéri, Doudou en mwen kallé pati , Mon chéri va partir, Hélas ! Jamai li ruvini. Hélas ! Jamais il ne reviendra. Adié oula, adié Madras, Adieu les foulards, adieu les Madras, Adié grains d’ô et colliers-choux , Adieu colliers grains d’or et colliers choux, Doudou en mwen li ka pati , ) bis Mon amour s’en va, ) bis Hélas, hélas, sé pou toujou ) Hélas, hélas, c’est pour toujours ) Affaire (Zafé) : Mot français signifiant une occupation, une transaction et une affaire. L’expression créole : “fé zafé” a un autre sens. Il s’agit de faire de la magie noire pour nuire et non de la magie blanche pour guérir. Affaler : En Pays Gallo, “tomber face à terre” ou plus exactement sur la “fale”, mot qui existait en vieux français, avec le sens de “gorge”. Ce dernier mot a conservé ce sens en créole. Aux Antilles, “affaler” c’est aussi descendre les voiles d’un bateau.
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