
Document generated on 09/29/2021 8:12 p.m. Spirale Arts • Lettres • Sciences humaines Il fait bon vivre à Saint-Lambert The Sudburds d’Arcade Fire. Durham (North Carolina), Merge Records, 2010, 64 min. Samuel Mercier-Tremblay Enjeux de la laïcité II : la laïcité au regard du littéraire Number 235, Winter 2011 URI: https://id.erudit.org/iderudit/62028ac See table of contents Publisher(s) Spirale magazine culturel inc. ISSN 0225-9044 (print) 1923-3213 (digital) Explore this journal Cite this review Mercier-Tremblay, S. (2011). Review of [Il fait bon vivre à Saint-Lambert / The Sudburds d’Arcade Fire. Durham (North Carolina), Merge Records, 2010, 64 min.] Spirale, (235), 68–69. Tous droits réservés © Spirale magazine culturel inc., 2011 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ MUSIQUE Il fait bon vivre à Saint-Lambert PAR SAMUEL MERCIER-TREMBLAY THE SUBURBS d’Arcade Fire Durham (North Carolina), Merge Records, 2010, 64 min. e nouvel album d’Arcade Fire, The se cache le rêve de l’accès à la Suburbs, est loin d’être passé ina- propriété qui a bâti l’Amérique. Lperçu. Propulsé au sommet du Billboard Pourtant, il s’agit également 200 et encensé par la critique, le groupe d’un territoire méprisé, accusé a même présenté en août dernier un de tous les maux. spectacle au Madison Square Garden réalisé par Terry Gilliam et diffusé en La figure de l’artiste qui, dans simultané sur YouTube. De quoi enta- son inquiétante étrangeté, vient mer le peu de vernis underground qui subvertir l’ordre réconfortant de leur restait. Il faut peut-être rappeler la vie banlieusarde est évidem- l’impact qu’avait eu le premier disque ment un lieu commun. Quantité du groupe montréalais à sa sortie en de fictions contemporaines adoptent septembre 2004. Les arrangements cette position. Le dernier Arcade Fire ne UNE HISTOIRE DE VIE massifs et les mélodies aux résolutions fait pas exception à cette règle. Des Il ne faut peut-être pas oublier que la difficiles de Funeral avaient jeté les hommes d’affaires buveurs de sang de banlieue est avant tout un endroit où des bases d’une tendance musicale, si bien «Ready to start » au « They heard me sin- gens vivent. Les slogans des sites Web des qu’il est aujourd’hui fréquent d’enten- ging and they told me to stop » de banlieues montréalaises sont, à ce sujet, dre des groupes « sonner comme » «Sprawl II », le topos d’un lieu hostile à d’une étonnante homogénéité : Saint- Arcade Fire. l’art et à la beauté traverse sans contre- Lambert : « Il fait bon vivre à Saint- dit tout l’album. Lambert » ; Deux-Montagnes : « On aime Leur deuxième album, Neon Bible, avait, y vivre » ; La Prairie : « Une question de quant à lui, détonné par l’aspect gran- Derrière la banlieue ordonnée et mieux vivre » ; Boucherville : « Nature, diose de ses mélodies (l’achat d’une ennuyante se cache une population patrimoine et art de vivre » ; Terrebonne : Église des Cantons de l’Est ayant permis dérangeante prête à l’envahir la nuit tom- « Une histoire de viei »; Boisbriand : «Au au groupe de peindre ses chansons à bée. Dans « Half Light I », par exemple, Win rythme de nos vies ». grands coups de chœurs et d’accords Butler chante : « You told us that / We were d’orgue). Pourtant, la facilité des too young / Now that night’s closing in / Ces slogans tentent évidemment tous de «grands thèmes » abordés faisait And in the half light / We run / Lock us up vendre la « qualité de vie » des banlieues. regretter la subtilité de Funeral. Difficile safe / And hide the key / But the night Bien sûr, la répétition vient vider le d’écouter sans broncher ce « they » du tears us loose / And in the half light / concept de ses attaches réelles. Pourtant, contrôle social qu’exercent sur nos âmes We’re free ». Les parents ont beau cacher les sites Web de ces banlieues tendent à les méchants capitalistes et les religieux, leurs enfants, « les enfermer », ceux-ci nous les rappeler à fortes doses de pho- thème ou figure qui revenait dans plu- trouvent le moyen de s’enfuir et de s’ap- tographies représentant des familles ou sieurs chansons de l’album et qui lais- proprier les lieux. Cette idée d’une nuit des grands-pères jouant avec leurs sait craindre le pire pour un nouveau où tout serait permis se retrouve dans petits-enfants. Ces maisons sont peut- disque ayant pour thème la banlieue. plusieurs des chansons de The Suburbs être sorties du néant, mais elles n’en por- et vient offrir une porte de sortie très tent pas moins un héritage, celui des rock au problème d’une banlieue mori- gens qui les ont habitées. Étrangement, L’EMPI R E DU VI DE bonde. L’intérêt de The Suburbs ne réside cela recoupe un des thèmes qui marque La banlieue occupe un espace incertain donc pas dans ces quelques clichés, mais profondément les chansons d’Arcade dans l’imaginaire nord-américain. plutôt dans les voies que l’album Fire. Plus qu’un simple espace tapissé de Derrières ces vastes étendues de pelouses emprunte pour les contourner. terrains de baseball, de power centers et et d’allées bordées de cerisiers décoratifs de Dodge Caravans, la banlieue est aussi 68 SPIRALE 235 | HIVER | 2011 le lieu où ont grandi plusieurs jeunes Le diptyque « Sprawl » est un des HABITER LA BANLIEUE nord-américains. moments forts de ce rapport au passé et à la nostalgie. Dans la première par- À propos de cette chanson, Régine La nostalgie est certainement présente tie, Win Butler chante : « Took a drive Chassagne déclarait, lors du spectacle du dans The Suburbs. Comment ne pas into the sprawl / To find the house groupe à Osheaga 2010, qu’elle portait entendre Blondie chanter « Heart of where we used to stay / I couldn’t read «sur le boulevard Taschereau ». Quoiqu’il glass » en écoutant chanter Régine the number in the dark ». Sprawl est un en soit, le caractère inhospitalier d’un cer- Chassagne dans « Sprawl II » ? C’est le mot difficile à traduire. Il désigne litté- tain type de banlieue y est souligné : son Arcade Fire en entier qui est marqué ralement l’« étalement urbain », mais «Sometimes I wonder if the world’s so par cet héritage. Des accents rockabilly prend également en anglais une dou- small, / That we can never get away from de « Month Of May » à la power ballad ble valeur par son sens premier, celui the sprawl, / Living in the sprawl, / Dead « Suburban War », en passant par le côté d’un « écartement ». C’est en entrant shopping malls rise like mountains beyond très « springsteenien » d’une chanson dans ce réseau suburbain que le chan- mountains, / And there’s no end in sight, / I comme « Modern Man », les mélodies teur retourne sur les lieux de son need the darkness someone please cut the fuyantes des deux premiers albums enfance, dont la résonance est accen- lights. » Ici, les centres commerciaux se cèdent (par moments) la place à des tuée par les arpèges de la guitare et les succèdent comme autant de non-lieux formes plus traditionnelles. arrangements de cordes d’Owen dans l’étendue suburbaine. Pourtant, la Pallett qui viennent se marier à la ligne « mountains beyond mountains », En fait, il serait presque possible de croire mélodie très classic rock de la chanson. tirée d’un proverbe haïtien signifiant que qu’Arcade Fire travaille à contre-courant. Pourtant, sans son adresse, impossible chaque difficulté en cache une autre et Par exemple, le mode d’enregistrement de retrouver une maison, aussi impor- qu’il faudra bien les gravir, laisse entendre de l’album — 150 pistes réduites à 8 pour tante soit-elle. Le rapprochement est qu’il y a peut-être moyen de restituer une être ensuite transférées sur vinyle avant empêché par la banalité d’un objet certaine habitabilité à la banlieue. d’être re-numérisées — est empreint affectif semblable extérieurement à d’une volonté de retourner aux sources tous ceux qui l’entourent. Du moins, c’est ce que proposait le groupe en donnant son premier specta- cle de la tournée le 9 juin dernier dans le stationnement de la Place Longueuil. Cette voix, presque à l’arrière-plan, utili- sée comme un instrument, le mur du Plus qu’un simple espace tapissé de terrains son d’un groupe qui joue à sept ou huit sur scène, c’est cela qui finit par briser de baseball, de power centers et de Dodge Caravans, les limites de la banlieue pour lui rendre la banlieue est aussi le lieu où ont grandi plusieurs son humanité, une humanité plus réelle que le « bien-être » terne des slogans. jeunes nord-américains. «There’s nothing to do / But I don’t mind / When I’m with you » : la banlieue restera peut-être toujours elle-même, mais la musique permet d’entrevoir un rappro- chement entre ses habitants. Funeral débordait d’énergie juvénile. À de la musique rock. D’une même Dans la chanson, un policier vient la mort et au deuil, le groupe opposait manière, les mélodies s’enchaînent et demander au chanteur ce qu’il fait à se un cri qui manifestait la force de la vie.
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