Les Extrémophiles Dans Leurs Environnements Géologiques - Un Nouveau Regard Sur La Biodiversité Et Sur La Vie Terrestre Et Extraterrestre

Les Extrémophiles Dans Leurs Environnements Géologiques - Un Nouveau Regard Sur La Biodiversité Et Sur La Vie Terrestre Et Extraterrestre

1/28 Les extrémophiles dans leurs environnements géologiques - Un nouveau regard sur la biodiversité et sur la vie terrestre et extraterrestre 13/06/2018 Auteur(s) : Michel Detay Pierre Thomas Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS Lyon Publié par : Olivier Dequincey Résumé Les environnements volcaniques abritent des formes de vie originales, encore inconnues il y a une trentaine d'années. Leur découverte a bouleversé l'arbre phylogénétique en imposant un troisième domaine du vivant. Nous présentons les principaux extrémophiles présents dans les environnements volcaniques avant d'aborder les extrémophiles totalement indépendants du volcanisme. Dans de nombreux cas, nous verrons que l'humanité n'a pas tardé à utiliser ces extrémophiles à des fins pratiques. Enfin, la découverte et l'étude des extrémophiles nous ont amenés à regarder d'un œil nouveau les théories de l'apparition de la vie sur Terre, sur son maintien pendant les époques difficiles, et sur son existence possible ailleurs dans le système solaire. Table des matières La découverte des extrémophiles et des archées (Archæa) Les extrémophiles dans leurs différents milieux Les milieux chauds et très chauds Les pH acides Les pH basiques Les milieux salés et les DHABs Les milieux très pauvres en eau Les milieux sous-marins à haute pression Les sous-sols superficiels et profonds : la vie endogée Les milieux à forte radioactivité Les milieux froids Les intérêts pratiques et scientifiques des extrémophiles Les limites des conditions permettant la vie La vie primitive ne pouvait (probablement) être que thermophile, et les dernières formes de vie sur Terre, dans environ 2 Ga, le seront aussi La question de l'origine de la vie sur Terre Les épisodes de Snowball Earth (Terre « boule de neige ») La question de la vie extra-terrestre Conclusion Orientation bibliographique https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/extremophiles.xml - Version du 07/04/21 2/28 Nous nous intéressons d'abord aux extrémophiles des environnements volcaniques qui développent souvent autour d'eux de nombreux environnements hors normes : haute température, souvent associée à une haute pression dans le cas du volcanisme sous-marin, pH très loin de la neutralité, salinité parfois très forte, potentiel rédox très variable, présence de sels métalliques concentrés… Les extrémophiles ont besoin pour se développer et se multiplier de ces conditions hors normes. Ces conditions environnementales étaient encore considérées comme létales il y a une quarantaine d'années (sauf les milieux hypersalés), avant de découvrir que certains organismes y réalisaient tout leur cycle de vie de manière optimale : les extrémophiles. Ces organismes non seulement tolèrent, mais requièrent des conditions extrêmes pour vivre. Les extrémotolérants viennent compléter le bestiaire des extrémophiles, mais si ces derniers n'ont pas besoin de conditions extrêmes pour vivre, ils les supportent. Indépendamment du volcanisme mais mimant parfois ses caractéristiques, on peut retrouver certaines de ces conditions hors normes dans d'autres environnements : milieux sursalés de bord de mer ou de bassins endoréiques, pH très bas là où affleurent des roches riches en sulfures, métaux divers concentrés près des gisements métallifères… S'y rajoutent enfin quelques milieux extrêmes totalement indépendants du (et non reproduits par le) volcanisme : forte pression au fond des fosses océaniques, grand froid des zones polaires… Ces organismes extrémophiles sont majoritairement, mais non exclusivement, des unicellulaires. Et existe de nombreux organismes qui sont “pluri-extrémophiles” et se développent dans des environnements caractérisés par des valeurs extrêmes de plusieurs paramètres physico-chimiques. Dans les environnements volcaniques comme les lacs de cratère, les solfatares, les évents fumeroliens, les geysers, les fumeurs, les sources hydrothermales océaniques… on observe souvent des valeurs extrêmes de plusieurs paramètres comme la température et le pH. Les solfatares, par exemple, sont généralement à la fois chaudes et acides. De même, le gradient géothermique élevé y impose une augmentation de température au fur et à mesure que l'on s'intéresse à des couches profondes où concomitamment la pression va augmenter ; certains lacs y sont à la fois hypersalins et très alcalins ; le volcanisme dans l'océan profond est caractérisé par un environnement avec des températures en générale froides, mais localement très hautes, avec partout des pressions élevées… Tous ces réservoirs géologiques hébergent des biotopes constitués de populations de poly-extrémophiles diverses. On reconnaît ainsi de très nombreux organismes qui vivent dans des environnements géologiques singuliers où ils peuvent représenter une biomasse très importante. Source - © 2012 Michel Detay Figure 1. Vue d'ensemble et zoom (correspondant au rectangle noir) sur des dépôts hydrothermaux de sels chargés en métaux à Dallol (Afar, Éthiopie) et riches en microorganismes extrémophiles. Le Dallol est très représentatif de ce qu'est un milieu riche en extrémophiles. Il s'agit d'un champ hydrothermal dont les eaux chaudes (100°C) traversent des couches d'évaporites. On y trouve donc haute température, bas pH, haute salinité, forte concentration en métaux divers… Dans un article nécessairement court, nous ne pouvons évidemment pas rendre compte d'un domaine aussi vaste que celui des extrémophiles, qui passionne une vaste communauté scientifique depuis 30 ans. Nous avons cherché à donner un aperçu tout en suscitant une curiosité. Nous avons ainsi été obligés de beaucoup simplifier tout en nous focalisant au début sur les environnements existant dans les régions volcaniques, même si de tels environnements existent aussi dans les régions non volcaniques. https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/extremophiles.xml - Version du 07/04/21 3/28 Ensuite, nous parlerons des extrémophiles totalement indépendants du volcanisme (fosses océaniques, calottes glaciaires…). Nous avons également jeté les bases de quelques applications industrielles possibles liées aux extrémophiles, ainsi que de leurs intérêts purement scientifiques qui dépassent ceux de la seule biologie. La découverte des extrémophiles et des archées (Archæa) Les premiers organismes extrémophiles connus sont des halophiles (“qui aiment le sel”), découverts dans des environnements que beaucoup croyaient dépourvu de vie, comme la Mer Morte. En fait, cette mer, qui est plutôt un lac salé, était appelée morte par les anciens, car dépourvue de poissons. Mais de nombreuses bactéries, algues, crustacés… vivent dans ses eaux saturées en sel. Ces organismes halophiles sont souvent de couleur rose, ce qui donne parfois à ces lacs leurs belles couleurs. Cependant, les chercheurs ne se sont vraiment intéressés aux extrémophiles que lors de l'identification, dans les années 1970, du troisième domaine du vivant, celui des archées (Archæa), auxquels ils appartiennent très souvent. En effet, les travaux réalisés par Carl Woese et Georges Fox [27] ont remis en cause la classification des organismes basée sur la dichotomie procaryotes/eucaryotes, proposée par Roger Yate Stanier et Cornelius Bernardus Van Niels dans les années 1960 [24]. En 1969, avant qu'on imagine l'existence des archées, le microbiologiste Thomas Brock [1] isole pour la première fois un “microbe” thermophile, Thermus aquaticus, à partir des sources d'eau chaude et acide du Parc national de Yellowstone aux États-Unis (ci-dessous). En approfondissant ses recherches, il isole, à partir de cette même source, un organisme encore plus thermophile, Sulfolobus acidocaldarius, qui peut supporter des températures de 90°C, et, de plus, associées à des pH très acides, entre 1 et 5. Source - © 2009 Michel Detay Figure 2. Milieu chaud et acide dans le Parc de Yellowstone : Grand Prismatic Spring. Source - © 2009 Michel Detay Figure 4. Black Bassin (parc de Yellowstone) : tapis Source - © 2017 Pierre Thomas d'extrémophiles de 1 à 10 cm d'épaisseur. Figure 3. Détail des tapis bactériens sur le bord du Quand cette source est apparue (ou s'est déplacée) Grand Prismatic Spring. dans cette ancienne forêt, tous les arbres et autres organismes non extrémophiles sont morts et ont été remplacés par des bactéries ou des archées. La découverte des organismes thermophiles remet en cause l'idée que les organismes meurent tous au-delà de https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/extremophiles.xml - Version du 07/04/21 4/28 80°C. Cette idée était alors une constatation usuelle ; elle était fondatrice des principes de la pasteurisation et de la stérilisation (débactérisation thermocontrôlée) ; elle était parfaitement expliquée par la dénaturation thermique des macromolécules biologiques (coagulation des protéines ou dénaturation des acides nucléiques, par exemple). Ces organismes extrémophiles vivaient bien au-dessus de la limite présupposée “stérile” à l'époque. Cette vie dans des milieux présupposés létaux, pose d'ailleurs un problème aujourd'hui dans le milieu médical car les microorganismes regroupés en biofilms représentent de graves menaces pour notre santé. En effet, quand un biofilm se développe, les bactéries qu'il contient peuvent devenir insensibles aux antibiotiques, plus insensibles que des bactéries isolées, ce qui peut engendrer des infections chroniques. Ce sont les grands responsables des maladies nosocomiales. En France, environ 6 % des patients subissent une infection bactérienne lors d'une hospitalisation. Elles provoqueraient environ 3 000 à 6 000 décès par an (Sauer, 2018 [22]). La découverte de ce

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