Périples au Maghreb Voyages pluriels de l’Empire à la Postcolonie (XIXe – XXIe siècles) 3 4 Périples au Maghreb Voyages pluriels de l’Empire à la Postcolonie (XIXe – XXIe siècles) Ouvrage sous la direction de Fabienne LE HOUEROU (CNRS – IREMAM) 5 6 SOMMAIRE NOTE LIMINAIRE SUR ANDRE MARTEL – Jean-Charles JAUFFRET 9 INTRODUCTION – Fabienne LE HOUEROU, Si proches, si 11 lointaines CHAPITRE I – Colette ZYTNICKI, Faire son « métier » de touriste 25 dans l’Algérie coloniale de la Belle Époque CHAPITRE II – Idir HACHI, Le regard du vaincu : deux algériens 45 à Paris en 1852 CHAPITRE III – Mohammed BENHLAL, Un voyage au pays des 69 monstres d’acier CHAPITRE IV – Kamel CHACHOUA, La chaîne de la violence ; 85 entretien avec Yousef, un fils d’émigré et un enfant de l’immigration CHAPITRE V – Geneviève FALGAS, Les retours des Français de 107 Tunisie après l’indépendance : entre pèlerinage et tourisme CHAPITRE VI – Belkacem AYACHE, « Nostalgérie » ; les 125 voyages réminiscences des Pieds-Noirs ; 45 ans après, le retour vers la terre natale CHAPITRE VII – Gisèle SEIMANDI, La mère patrie 133 CHAPITRE VIII – André MARTEL, Tunisie 1954. Déplacement 139 professionnel et parcours initiatique en temps de transition politique CHAPITRE IX – Jean-Robert HENRY, L’apprentissage d’un 151 décentrement du regard : à propos d’un « voyage d’initiation » accompli en Afrique au tournant de la décolonisation CHAPITRE X – Driss ABASSI, Les voyages sportifs dans le 173 Maghreb colonial et postcolonial : le cas des Jeux méditerranéens CHAPITRE XI – Fabienne LE HOUEROU, Le cosmopolitisme des 185 classes moyennes au XXIe siècle : l’exemple de la Thalassothérapie en Tunisie CHAPITRE XII – Stéphane HEAS et Hafsi BEDHIOUFI, Les 209 relaxations au Maghreb aujourd’hui : des versions mixtes et édulcorées entre Orient et Occident ? CHAPITRE XIII – Baptiste BUOB, Au Maroc, le touriste comme 231 une proie Cicérones, captation et commission 7 CHAPITRE XIV – Johan LEMAN, Les conversions entre l’islam et 249 le christianisme en milieu belgo-marocain : mobilités spirituelles et glissements ethnoculturels dans un contexte postcolonial e CHAPITRE XV – Paola ABENANTE, Une Rihla au XXI siècle : 265 migrations et mobilité spirituelle d’un maître soufi contemporain CHAPITRE XVI – Jean-Paul CHEYLAN, Liliane DUMONT, 283 Patrimonialisation et recherche-action empathique en Haut Atlas marocain : voyages des regards CHAPITRE XVII – Simona SILVESTRI, L’errance de certaines 303 paroles en arabe tunisien : le langage féminin comme persistance aux changements de l’époque postcoloniale CONCLUSION GENERALE – Fabienne LE HOUEROU, L’héritage 315 colonial sur les circulations contemporaines entre l’Europe et le Maghreb RESUMES 325 8 Note liminaire sur André Martel Jean-Charles Jauffret (professeur à Science-Po Aix-en-Provence) Un des pères fondateurs de l’histoire militaire contemporaine dégagée de la traditionnelle histoire bataille au bénéfice de l’étude du concept de défense, de la nation en guerre et d’une approche globale de l’homme de guerre, l’homme en guerre, le professeur André Martel s’est aussi intéressé à la partie orientale du Maghreb. Jeune agrégé, à Sarrebruck comme premier poste, il préfère le collège Sadiki de Tunis où sont formées les élites de la nation tunisienne, comme il l’évoque dans la communication de ce présent colloque publié sous la direction de Fabienne Le Houérou. Ami d’André Nouschi et de Bruno Étienne, André Martel a consacré ses premières années à l’histoire du Maghreb. Sa thèse complémentaire, publiée en 1967, est un travail pionnier, en regards croisés, à propos de Luis-Arnold et Joseph Allegro, consuls du Bey de Tunis à Bône. Outre de nombreuses études sur ce pays qui lui est si cher, où il fut officier de réserve au temps des premières années de l’ère Bourguiba et où il conserve d’indéfectibles amitiés (Khalifat Chater, Mohamed El Aziz Ben Achour…), André Martel est aussi un fin connaisseur de la Libye. Sa thèse d’État, publiée en 1966, fait la synthèse de ses voyages et recherches à Tunis et à Tripoli à une époque où il était encore rare de mener des travaux à l’étranger : Les confins saharo- tripolitains de la Tunisie, 1881-1911. Cette œuvre magistrale brosse l’arrière-plan des enjeux de pouvoirs et d’intérêts, y compris religieux, de la mer de sable et de ses îles-oasis, qu’une brûlante actualité vient de nous rappeler. André Martel en avait déjà donné les clefs dans une synthèse prophétique parue en 1991 : La Libye, 1835-1990. Essai de géopolitique historique. De mon maître André Martel, auquel j’ai eu l’honneur de succéder, en 1998, sur la chaire d’histoire de la défense créée pour lui, à Sciences Po Aix dix ans auparavant, après une vingtaine d’années passées à l’université Paul Valéry (Montpellier III) dont il fut président, je retiens surtout la volonté du chercheur pugnace toujours actif à l’heure de la retraite, mais aussi l’image du voyageur et du témoin des derniers temps de la présence française en Afrique du Nord, Fezzan compris. Son 9 inlassable curiosité, l’intérêt sans cesse affirmé pour l’Autre à travers ses multiples publications, notamment dans des revues tunisiennes (Cahiers de Tunisie…), en font l’incarnation de l’historien engagé dans la compréhension des peuples, autour du carrefour des civilisations de notre mère, la Méditerranée. 10 INTRODUCTION Si proches, si lointaines Fabienne Le Houérou (historienne-CNRS – IREMAM) Le concept de cet ouvrage se trouve dans le droit fil des travaux engagés sur les migrations sud-sud, dans un numéro publié en 2007 pour la REMMM – Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée – qui tentait une synthèse sur les mouvements des Subsahariens vers le monde arabe et musulman. Tant il est vrai que, depuis les années 2000, les itinéraires migratoires ont pris des formes innovantes et détournées. Les circulations sud-nord, en particulier celles des Africains, se sont modifiées en itinéraires sud-sud. Certains pays méditerranéens comme le Maroc, la Turquie, la Libye et l’Égypte s’imposant comme des étapes forcées vers un Occident de plus en plus difficile à atteindre. L’incertitude des arrivées ayant modifié la structure volatile des transits et des escales. Il est question de « temps obligés » où les prolongations sont devenues la norme plutôt que l’exception. Créant des territoires d’exil dans les villes méditerranéennes, véritables espaces liminaires (liminal territories) dans les faubourgs des grandes villes du sud. Le concept du transit qui se « prolonge » a été une clef de lecture importante pour l’étude des étapes migratoires des Africains en Égypte. Différents articles sur les Subsahariens au Caire et l’ouvrage Migrants forcés en Égypte et au Soudan (Le Houérou, 2004) ont insisté sur le paradoxe de l’éphémère érigé en situation durable. Un numéro de la revue Kolor s’intéressait également aux caractéristiques de ces transient spaces (Le Houérou, 2005) comme poches ségréguées de la mondialisation. Mes travaux écrits et filmiques, tels les documentaires Nomades et pharaons (2005) ou Voix du Darfour (2007), exploraient les itinéraires des migrants du sud de la vallée du Nil (Soudanais, Éthiopiens, et Érythréens) leurs parcours migratoires et leurs stratégies d’installation en Égypte (Le Caire, Alexandrie, Khartoum) depuis les années 1980. Les explorations visuelles sur ces migrations nous ont démontré l’existence d’une logique circulatoire sud-sud des « parias », c'est-à-dire des migrants forcés (ayant fui 11 involontairement leurs contrées) d’origine africaine – originellement en provenance des pays les plus pauvres du monde. Il était donc question de mouvements de populations défavorisées contraintes de s’arrêter dans le monde arabe avant de procéder vers l’Occident – destination souhaitée, rêvée et la plupart du temps jamais atteinte. « Inattingible »… une expression qui nous permet de saisir le caractère désespéré du projet migratoire des catégories les plus vulnérables de notre monde. Les logiques de ces mouvements sont donc liées à cette faiblesse de statut (migrants forcés africains) précipitant les acteurs dans une compétition ardue dans le franchissement des frontières. Noyés dans les villes du monde arabe, ceux qui ne parviennent pas à atteindre l’objectif final demeurent prisonniers de la misère dans des espaces désolés et condamnés à une forme de paralysie. Cloués dans des espaces contraints qui prennent, parfois, la forme du ghetto (voir Le Houérou, 2007, 4 et demi) ou du camp de réfugiés. La mondialisation, pour ces catégories, correspondant à une forme d’immobilisme forcé qui rappelle celui des nomades Touareg aujourd’hui. Un ordre de passage se dégage et les explorations visuelles (par des films sur les migrations forcées) ouvrent la voie à une analyse de la migration encastrée (embedded) dans une logique de hiérarchie de populations et de nationalités. On bouge en fonction de son appartenance nationale, ethnique, sociale et de son pouvoir d’achat. Aussi, pour valider cette hypothèse, était-il utile de pouvoir comparer les migrations. Cette exigence comparatiste était à la base du projet de film sur les mouvements des retraités et des curistes français en voyage au Maghreb. Leurs déplacements, en Tunisie et au Maroc, me semblaient « plus faciles, plus joyeux », moins soumis aux vicissitudes des parias de la circulation des migrants africains. Le projet de film Thalassothérapie, Tunisie s’inscrit dans cette démarche et répond à la question principielle : de quelle manière les classes moyennes européennes se déplacent-elles au Maghreb ? Que vont-elles chercher au nord de l’Afrique ? Lorsque le nord se déplace au sud pour des vacances/cures, ces mouvements sont-ils des transits ? Des exils ? Des périples ? Ou tout simplement des consommations ? La démarche cinématographique se trouve en amont du projet. Le film est la quintessence de cette recherche et porte la problématique en images. Les anciens colons d’hier qui se précipitent sur les plages au Maghreb ont bouleversé les paysages du littoral tunisien et marocain.
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