LES CASTRA DE LABASTIDE, MONTSALVY ET PUYGOUZON : DYNAMIQUES D’OCCUPATION. Cédric Trouche-Marty To cite this version: Cédric Trouche-Marty. LES CASTRA DE LABASTIDE, MONTSALVY ET PUYGOUZON : DY- NAMIQUES D’OCCUPATION.. Revue du Tarn, Albi: Fédération des sociétés intellectuelles du Tarn, 2019. hal-03129634 HAL Id: hal-03129634 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03129634 Submitted on 12 Feb 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Cédric Trouche-Marty Les castra de Labastide, Montsalvy et Puygouzon : dynamiques d’occupation L’actuelle commune de Puygouzon est le fruit de la fusion au XIXe siècle puis au XXIe siècle de trois communautés d’habitants médiévales autonomes. Les trois chefs-lieux communautaires de Puygouzon, Montsalvy et Labastide sont au Moyen Âge les sièges de châteaux auquel sont subordonnés des noyaux d’habitat, généralement de moindre importance. istants les uns des autres de 3 km en moyenne, Cédric Trouche-Marty les sites castraux de Labastide-Dénat, Montsalvy est actuellement Det Puygouzon, implantés aux abords d’un axe responsable adjoint de reliant Albi à Lombers, sont aujourd’hui confondus dans une la conservation et de seule et même commune. Ils sont pourtant au Moyen Âge la communication des les chefs-lieux de trois communautés d’habitants distinctes Archives historiques toutes structurées en groupements ou universités ayant du diocèse d’Albi. une personnalité juridique et la conscience collective de Ses travaux portent former une seule personne dans leur existence et leur action commune. Malgré les similitudes juridictionnelles essentiellement sur et archéologiques, les modes de gestion de l’espace l’habitat rural et communautaire divergent néanmoins d’un site à l’autre. les fortifications collectives de la fin du Labastide-Dupuy ou Labastide-Épiscopale Moyen Âge. (aujourd’hui Labastide-Dénat) Labastide-Dénat est le chef-lieu d’une communauté d’habitants structurée dès le XIIIe siècle en universitate que représente un procureur ou syndic1. La seigneurie est partagée entre le seigneur-évêque d’Albi et la maison Dupuy en témoigne la dualité de la titulature pour désigner le lieu dans les textes : 1 Archives nationales, Layettes du Trésor des Chartes, J 1032 B n° 16 (acte du 18 août 1253). NP Revue du Tarn, Hiver 2019, n° 256 Revue du Tarn, Hiver 2019, n° 256 1 Cédric Trouche-Marty Bastida d’En Pons del Pueg2 en 1292, Bastide Domini Episcopi3 en 1299. Au XVIe siècle encore, le scribe relève la bipartition coseigneuriale évoquant la communauté de Labastide Delpuech, ci devant episcopale4. La titulature de bastide est à relier au mouvement des juridictions nouvelles mises en place dans le courant du XIIIe siècle5. Maurice Berthe observe en Quercy et Toulousain que le mot bastide désigne « un régime juridique et institutionnel attribué à un territoire clairement délimité et à la communauté des habitants qui l’occupe, c’est-à-dire un mode de gestion de communauté et non un mode d’agglomération6». Le processus de morphogenèse de l’agglomération est du reste à rapprocher de celui d’un petit bourg castral : suivant un alignement unique les maisons se cristallisent autour d’un château occupant une position Fig. 1. Site de Labastide-Dénat (© 2019 CTM). 2 Archives départementales du Tarn (désormais AD81), H 676. 3 DAVIS (Georgene Webber), The Inquisition at Albi, 1299-1300, New York, Columbia University Press, 1948, p. 134. 4 AD81, C 837. 5 HAUTEFEUILLE (Florent), « La bastide : une juridiction avant le village. L’exemple du bas- Quercy », Les sociétés méridionales à l’âge féodal, hommage à Pierre Bonnassie, Toulouse, PUM, 1999, p. 141-148 ; et BERTHE (Maurice), « Des bastides avant l’ère des bastides classiques », AM, t. 127, n° 291, 2015, p. 293-324. 6 BERTHE (Maurice), « La naissance de Beaumont-de-Lomagne et les fondations de bastides dans la Gascogne toulousaine à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe », Congrès archéologique de France, Toulousain et Comminges, 154e session, 1996, Paris, SFA, 2002, p. 20. 2 Revue du Tarn, Hiver 2019, n° 256 Revue du Tarn, Hiver 2019, n° 256 3 Les castra de Labastide, Montsalvy et Puygouzon centrale (fig. 1). En Gascogne Benoît Cursente observe du reste que ce sont « des bourgs castraux préexistants qui reçoivent comme promotion un statut de bastide7 ». Au XIIIe siècle le château est la demeure de la maison Dupuy dont les membres issus de l’aristocratie urbaine occupent des places de choix dans la cité épiscopale. Suite à la déposition de Trencavel, tous les droits de ce dernier au bourg Saint-Étienne échoient à Guillaume Dupuy, chevalier d’Albi8 et filius Pontii Bernardi9. La fortune de Guillaume Dupuy est suffisante pour qu’il achète auprès du tribunal d’inquisition en 1264 l’absolution post mortem de ses parents10 Pons-Bernard Dupuy, chevalier d’Albi11, et Vierne Trencavel12, condamnés pour crime d’hérésie13. Le rachat lui vaut d’être réintégré dans les possessions albigeoises confisquées de son père14. Les membres de la lignée assoient leur emprise en Albigeois sur la base de perceptions de redevances et de cens requis sur les terres d’individus aisés pourvus en biens-fonds. En 1292, Guillaume Dupuy amortit les charges grevant la métairie de La Vène à Labastide possédée par l’albigeois Jean Baudier15, « marchand drapier dont la fortune foncière était considérable, une métairie et quatre mas, 37 parcelles de terre labourable, 12 prés, 13 vignes, le tout travaillé par une quarantaine de tenanciers16 ». Les fils de Guillaume Dupuy et de Soubirane17, Amat del Pueg et Pons del Pueg seigneur de Labastide, font cession des cens exigibles sur les terres de Jean Baudier dépendant du ressort de Labastide avec toutefois la réserve d’une redevance annuelle de 6 éperons de cuivre doré et d’un droit d’arrière-acapte de 2 deniers blancs d’argent18. La lignée possède aussi des 7 CURSENTE (Benoît), Des maisons et des hommes, Toulouse, PUM, 1998, p. 199. 8 Histoire générale de Languedoc (désormais HGL), t. VIII, Toulouse, Privat, 1879, c. 2400 : Le sénéchal de Carcassonne précise vers 1252, que les droits que Trencavel tenuit et possedit quoddam burgum, quod dicitur Podius Sancti Stephani, in quo habebat plenum dominium, et jurisdiccionem et districtum, quod modo tenet G. de Podio miles. 9 MARTÈNE (Edmond), Thesaurus novus anecdotorum, t. 1, Paris, Lutetiæ Parisiorum, 1717, c. 986 (Narratio de illatis Arnaldo inquisitori apud Albiensem civitatem injuriis). 10 AD81, E 197. 11 Poncio Bernardi de Albia apparaît comme témoin lors d’un acte ratifié par l’évêque d’Albi en 1237. Cf. CABIÉ (Edmond) et MAZENS (Louis), Un cartulaire et divers actes des Alaman, des de Lautrec et des de Lévis, Paris, Picard, Toulouse, Marqueste et Salis, Albi, Tranier, 1883, p. 92-93. 12 VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), Nobiliaire universel de France, t. 5, Paris, Bachelin- Deflorenne, 1872, p. 33 : « de la maison des Trencavel, vicomtes de Carcassonne, de Béziers, d’Agde et d’Alby ». L’auteur se réfère à Doat, n° 105, f° 304. 13 « Glanures historiques », Revue du Tarn (désormais RDT), vol. 3, 1881, p. 135. Se référer par ailleurs à la transcription d’un acte daté de 1282 et donnée par COMPAYRÉ (Clément), Études historiques et documents inédits sur l’Albigeois, le Castrais et l’ancien diocèse de Lavaur, Albi, imprimerie de Maurice Papailhiau, 1841, p. 229, où il est fait allusion à Viernæ et Pontii Bernardi viri sui, parentum Guillelmi de Podio, pro hæresi condempnatorum. 14 VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), op. cit., p. 34. 15 AD81, H 674. 16 ROQUEBERT (Michel), L’épopée cathare, vol. 2 : l’Inquisition, Paris, Perrin, 2001, p. 1005. 17 PUY-MONTBRUN (Déodat du), « La famille du Puy en Albigeois », Cahiers d’Études cathares, n° 113, printemps 1987, p. 26. 18 AD81, H 676. 2 Revue du Tarn, Hiver 2019, n° 256 Revue du Tarn, Hiver 2019, n° 256 3 Cédric Trouche-Marty droits sur les tables du marché d’Albi, notamment sur la leude des pots et vases de terre, du poivre et du gingembre et de tous les ustensiles de bois de la valeur d’un denier. Amat et Pons del Pueg cèdent leurs parts à l’évêque d’Albi en 1286 contre le versement à leur profit de 60 livres tournois19. Si Guillelmus de Podio est miles (chevalier) en 125320, son fils Amat est damoiseau21 dans les actes de 1292. Frère d’Aimé et capitaine d’arbalétriers22, Pons est seigneur de Labastide. À Albi les membres du lignage embrassent la charge des dignitaires : vers 1252 Amatus de Podio est bajulus episcopi Albiensis (bayle de l’évêque)23. Après la croisade la maison Dupuy gravite en Albigeois autour de la sphère épiscopale. Spécialement depuis que Guillaume, père de Pons seigneur de Labastide, a racheté la légitimité de la lignée auprès du prélat albigeois par les « grands services qu’il avait rendus en faisant la guerre aux ennemis de l’Église24 ». Les liens d’intérêt qui unissent Dupuy au seigneur-évêque d’Albi semblent pour partie expliquer la coseigneurie à Labastide et la présence ponctuelle du prélat dans les lieux. Dominique de Florence y est en août 140225. Fuyant la peste en 1456, Bernard IV de Casilhac y fait ainsi transporter sa temporalité et son sceau26. Profitant vraisemblablement de la confiscation des terres albigeoises de Pons-Bernard pour cause d’hérésie, l’évêque d’Albi parvient à se faire attribuer des droits sur la seigneurie de Labastide que seules les démonstrations pieuses du fils, Guillaume, permettent à la lignée Dupuy de reconquérir pour partie.
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