lundi 27 avril 2020 LE FIGARO 12 L'ÉVÉNEMENT Vincent Montagne : « Les librairies auraient dû rester ouvertes, comme les pharmacies » Pour le président du Syndicat national de l’édition, la culture jouera un rôle essentiel dans la sortie de crise. PROPOS RECUEILLIS PAR EUGÉNIE BASTIÉ £@EugenieBastie VINCENT Montagne est président du Syndicat national de l’édition et PDG du Groupe Média-Participations. LE FIGARO.- Quel est l’état du monde l’édition après plus d’un mois de confinement ? Êtes-vous inquiet ? Fermées au public jusqu’au Vincent MONTAGNE.- C’est toute 11 mai, certaines librairies la chaîne du livre qui est touchée, et (ici, L’oiseau Siffleur, durement. Le constat immédiat est à Valence), distribuent aux effroyable, avec une perte jusqu’à clients les commandes prises au téléphone ou par 90 % du chiffre d’affaires pour cer- Internet. NICOLAS GUYONNET/ tains acteurs du livre, et probable- HANS LUCAS VIA AFP ment jusqu’à 30 % du chiffre d’af- faires de l’année. Les librairies sont à l’arrêt. Le Salon du livre de Paris tribuant de la nourriture. Je crois Le confinement a-t-il imprimé tive. Elle rassure, apaise, distrait. On 90 milliards d’euros de chiffre d’af- qui devait se tenir mi-mars et réu- qu’on a été trop rapide. Je ne veux de nouvelles habitudes culturelles ? se partage des goûts de lecture, des faires. L’annulation de tous les évé- nit habituellement 1 200 éditeurs, pas refaire le match mais je pense La lecture numérique (roman, do- morceaux de musique, des listes de nements, de tous les spectacles et la 3 200 auteurs et 1 100 journalistes que les librairies auraient dû rester cuments, bande dessinée…) a plus films et de pièces de théâtre, on as- fermeture des points de vente sont est toujours l’occasion de mettre en ouvertes, en respectant les exigen- que doublé. Mais elle représente une siste chacun chez soi, mais ensem- un désastre économique. Un plan avant de nombreuses parutions. ces sanitaires, comme les pharma- part très faible du chiffre d’affaires ble, à des concerts ou opéras virtuels, de 8 à 10 milliards d’euros pour la Nous totalisons déjà 6 000 reports cies ou les commerces alimentaires. (de l’ordre de 3 %), donc ce n’est pas on entend la voix des écrivains… culture est indispensable. Il ne doit de parutions sur 50 000 nouveautés déterminant. Je pense que le livre Évidemment, il y a eu une explosion laisser de côté aucun secteur, car ils par an. Beaucoup de livres ne paraî- Cette crise va-t-elle aggraver numérique restera l’apanage des du virtuel, mais le confinement nous sont tous liés. Les prêts répondent à tront jamais, car les librairies ne la puissance des grandes grands lecteurs. Les échanges cultu- fait aussi prendre conscience que la l’urgence, mais les saisons, les mois peuvent évidemment pas absorber plateformes au détriment rels quotidiens révèlent plutôt le dé- culture est un tout, à la fois physique perdus ne seront jamais rattrapés. une telle concentration de sorties, des petits acteurs de la culture ? sir d’offrir, de recevoir un livre phy- et immatériel, imaginaire et patri- Le minimum est que les reports de même échelonnées dans le temps, Les plateformes de ventes directes, sique, pas un téléchargement ! Des monial. Un peu comme l’incendie de charges se transforment en exoné- surtout avec une rentrée littéraire Amazon en tête, vont sortir ren- nouvelles pratiques vont sans doute Notre-Dame de Paris nous avait fait rations. Et que celles-ci soient pro- de septembre avec près de 600 forcées de cet épisode, mais si s’installer, mais les fondamentaux prendre conscience de la valeur de LUCIEN LUNG/RIVA PRESS longées jusqu’au retour d’une acti- nouveautés. Ce sera une perte sèche l’aide de l’État est efficace et adap- vont rester. Car la puissance de notre patrimoine. vité économique normale. pour beaucoup d’auteurs et d’édi- tée, il est possible d’inverser cette l’écrit demeure. Par la distance qu’il Un plan Au-delà de ces décisions de cir- teurs. Habituellement, un best-sel- tendance. Le confinement fait re- impose avec le réel, il est une source Concrètement qu’attendez-vous de 8 à constance, je pense qu’il ne faut pas ler permet de financer la publica- découvrir le besoin de proximité et d’imaginaire et d’expression des de l’État dans la sortie de crise ? 10 milliards seulement restaurer, mais donner tion de cinq à six livres. Donc un les avantages de la consommation sentiments qui enrichit et bien sou- Je salue la détermination du gou- une impulsion nouvelle et je comp- succès attendu qui ne trouvera pas locale. Notre réseau de librairies vent façonne la pensée humaine. vernement car de nombreuses me- d’euros pour te sur le ministre de la Culture sa place et se vendra moins bien, ce répond parfaitement à ces attentes sures d’urgence sont mises en la culture est Franck Riester pour porter cette sont aussi beaucoup de livres qui ne et doit être soutenu en priorité : li- Le confinement nous a-t-il fait œuvre pour nos entreprises, des indispensable. ambition. Il faut un plan culturel de sortiront pas. Sans soutien massif brairies, maisons de la presse, mais redécouvrir la culture ? PME pour la plupart, et nos artistes grande envergure qui lie la culture au secteur, cette crise pourrait por- aussi les grandes enseignes de pro- Pendant le confinement, la culture auteurs. En toute logique bien sûr, Il ne doit et toutes ses disciplines, le patri- ter atteinte à la diversité éditoriale duits culturels. Je compte sur le est plébiscitée comme une source puisque c’est sur son ordre que laisser moine, le tourisme et notre histoire et à l’émergence de jeunes talents. ministère de la Culture pour d’équilibre et de liberté intérieure. l’économie s’est arrêtée ! de côté nationale. Prendre ainsi conscience qu’aucune librairie ne soit laissée Les artistes auteurs font preuve Maintenant, il faut un plan d’action que la culture et l’art auront un rôle Le livre aurait-il dû être considéré sur le carreau. Le maillage des li- d’une grande inventivité sur les ré- de relance très ambitieux, car dé- aucun majeur à jouer dans la sortie de cri- comme un « produit essentiel » brairies et des bibliothèques est un seaux sociaux, qui maintiennent le brancher la prise est toujours plus secteur, se. Notre temps mérite une ré- pendant le confinement ? atout formidable de notre pays, un lien malgré la distance. La culture simple que de retrouver l’équilibre car ils sont flexion renouvelée. Comme le dit Dans la précipitation du mois de élément déterminant dans la crée de l’émotion, de l’humour, de la d’un secteur si fragile. Mais si im- tous liés François Cheng, « peut-être notre mars, on a pris la décision de ne lais- transmission de la culture qui ne dérision mais aussi de la profondeur portant : les principales industries » destin fait-il partie d’un destin plus ser ouverts que les commerces dis- doit pas être perdu. dans une période d’angoisse collec- culturelles et créatives représentent VINCENT MONTAGNE grand que nous ». ■ confidentielle de Jérôme Salomon, d’administration dans lequel l’État Victimes l’actuel directeur général de la Santé, est présent, celle-ci a minimisé le rédigée quand il était le conseiller rôle du masque. « On peut s’interro- santé d’Emmanuel Macron durant sa ger sur le fait que le recours du masque campagne présidentielle. Datant du ait été présenté comme une protection du Covid-19 : une 5 septembre 2016, elle démarre ain- marginale et négligeable », souligne si : « La France n’est pas prête. » Elle l’association, avant d’évoquer toutes se poursuit par : « Notre pays doit les professions qui, poursuivant leurs association porte adapter ses organisations aux spécifi- activités, ont été mal protégées. cités des crises majeures à venir (…). Il Alors que le déconfinement appro- faut se préparer à faire face aux situa- che, cette pénurie de masques ag- tions sans précédent (…), inconnues grave, selon la Fenvac, celle des tests plainte contre X jusqu’à aujourd’hui voire impensa- et s’accompagne d’une stratégie de bles, avec la réactivité nécessaire pour dépistage « à géométrie variable ». Il y a non-assistance à personne en danger conserver la confiance des Français. » Selon, Me Rosenthal, ces défaillances « conduisent au constat d’échec de la pour la Fenvac, qui dénonce « Constat d’échec » culture du risque en France ». « Face à cette crise, il y a eu un man- Cette plainte, qui s’ajoute à des di- l’impréparation du système de santé. que de réactivité en Europe comme en zaines d’autres déposées à ce jour, a France », déplore Me Étienne Rosen- justement pour vocation de mettre à ANGÉLIQUE NÉGRONI Alors que des milliers de person- thal, qui a rédigé la plainte. Les pou- plat notre système de santé, selon le [email protected] nes sont en réanimation et que le voirs publics n’ont pas, selon lui, re- président de l’association. « Notre nombre de morts ne cesse d’aug- lancé à temps le processus de plainte contre X n’a pas pour but de HABITUÉE à intervenir dans les ca- menter, la Fenvac dénonce « l’im- fabrication des masques sur notre mettre en cause tel responsable ou de tastrophes d’envergure auprès des préparation structurelle de notre sys- territoire. Quelques pages plus haut, viser exclusivement l’actuel gouver- personnes meurtries, la Fédération tème de santé à la survenance d’une dans la plainte, l’association pointe nement qui a hérité de mesures prises nationale des victimes d’attentats et crise sanitaire ».