La Dynastie Des Grailly : Une Famille Noble Au Cœur De La Guerre De Cent Ans

La Dynastie Des Grailly : Une Famille Noble Au Cœur De La Guerre De Cent Ans

Matthieu NICOLAS La dynastie des Grailly : une famille noble au cœur de la guerre de Cent Ans. Sous la direction de Sophie CASSAGNES-BROUQUET Mémoire de Master 2 Études Médiévales UFR Histoire, Histoire de l'art, Archéologie Septembre 2017 Université Toulouse II – Jean Jaurès 1 INTRODUCTION En janvier 1281, Marguerite de Provence, en conflit avec le roi de Castille, convoque ses partisans avec la bénédiction du roi de France Philippe III. Ils doivent se rassembler à Mâcon pour le mois de septembre. Son neveu, le roi d'Angleterre Édouard Ier lui envoie alors son sénéchal de Gascogne Jean de Grailly en tant que conseiller. Mais en septembre, Marguerite de Provence se rend compte qu'elle a encore besoin du sénéchal de Gascogne, elle demande donc à son neveu la permission de retenir auprès d'elle encore quelques temps « cet homme brave et prudent1». Ce que le roi d'Angleterre accepte. En 1282, alors qu'une armée au service de la reine de France est rassemblée, Marguerite de Provence demande une nouvelle fois à Édouard Ier de lui envoyé Jean de Grailly. Cet épisode est révélateur de la réputation militaire que se sont forgée les Grailly dès le XIIIe siècle et qui perdurera les siècles suivants. Les Grailly sont une famille de la noblesse de Savoie, originaire de la ville de Grilly, à côté du lac Léman. Ils reçoivent des terres en Gascogne lorsque Jean Ier part au service du roi d'Angleterre Édouard Ier. C'est à cette époque qu'ils obtiennent le captalat de Buch, la vicomté de Bénauges et la vicomté de Castillon. Le captalat de Buch est une seigneurie regroupant les terres sud du bassin d'Arcachon et le titre de captal de Buch sera porté par certains grands capitaines de la guerre de Cent Ans de la maison des Grailly. Le plus réputé de ceux-là est sans aucun doute Jean III de Grailly, l'arrière-petit-fils de Jean Ier (planche I), qui vécut de 1330 à 1376. Il s'illustra au service du roi d'Angleterre Édouard III et de son fils, Édouard de Woodstock, le Prince Noir, pendant la première partie de la guerre de Cent Ans. Il fut l'un des premiers chevaliers de l'ordre de la Jarretière, fut nommé connétable d'Aquitaine après John Chandos et jouissait d'une réputation de chevalier parfait. Son oncle, Archambaud de Grailly, le succède en tant que captal de Buch. Marié à Isabelle de Castelbon, il hérite en 1398 du comté de Foix. Lui et sa descendance (planche II), acteurs de la guerre de Cent Ans, vont donner une nouvelle dimension à la maison des Grailly. En effet, ils vont gagner en prestige et accroître leur influence jusqu'à arriver à la fonction royale à la fin du XVe siècle avec l'accession au trône de Navarre. Les études sur les Grailly sont rares. Nous pouvons les résumer à deux biographies du captal de Buch Jean III de Grailly. La première date de 1896 et a été publiée par le colonel et érudit 1 SIVERY Gérard, Marguerite de Provence. Une reine au temps des cathédrales, Paris, Fayard, 1987. 2 Léon Babinet2. La seconde plus récente (2011) est l’œuvre de Denis Blanchard-Dignac3, un notable de la Teste-de-Buch. Les ouvrages sur les comtes de Foix sont eux bien plus nombreux. Des historiens comme Pierre Tucoo-Chala ou Claudine Pailhès s'y sont grandement intéressés. Les Grailly sont bien sûr présents dans ces différents ouvrages mais uniquement en tant que comtes de Foix et jamais en tant que dynastie présente dans le sud de la France depuis le XIIIe siècle. Ce mémoire propose de revenir sur cette lacune historiographique. Pour cela nous allons nous intéresser à ce qu'est une famille princière au temps de la montée de l'état monarchique en prenant l'exemple de la maison des Grailly. Nous nous intéresserons tout d'abord au rôle des Grailly pendant la guerre de Cent Ans et leur rapport avec la chevalerie, puis à leurs gains de terres et au prestige qui y est associé. Et enfin nous verrons quelques considérations diplomatiques et politiques. 2 BABINET Léon, Jean III de Grailly Captal de Buch Connétable d'Aquitaine, Toulouse, Éditions des régionalismes, 2011. 3 BLANCHARD-DIGNAC Denis, Le captal de Buch, Bordeaux, Éditons Sud Ouest, 2011. 3 CHAPITRE I GRAILLY, GUERRE ET CHEVALERIE 4 A/ LE CAPTAL DE BUCH JEAN III DE GRAILLY (v.1330-1376) ET LA GUERRE Le captal de Buch Jean III de Grailly fut un « vaillant chevalier » et un « grant cappittaine de gens d'armes » selon les mots de Jean Froissart4 . En effet, Jean III de Grailly est décrit dans les sources comme étant un homme d'armes et un capitaine redouté mais aussi respecté, tant par ses alliés que par ses ennemis. Il s'est illustré par de nombreux faits d'armes. Il ne s'agit pas ici de faire une liste exhaustive de ces faits d'armes mais de faire une étude de quelques exemples représentatifs de la valeur de ce chevalier. Un des premiers qui nous sont connus, qui est aussi l'un des plus importants, fut son rôle lors de la bataille de Poitiers. 1. La bataille de Poitiers (1356) En août 1356, le Prince Noir, Édouard de Woodstock, se lance dans une chevauchée qui a initialement pour objectif, en plus de s'enrichir et de ruiner les terres françaises, de piéger l'armée du roi de France Jean II le Bon entre ses troupes et celles de son père Édouard III. Ce dernier a pour projet un débarquement dans le Nord-Ouest de la France. La chevauchée du Prince Noir traverse la moitié de la France, de Bordeaux elle se rend jusqu'à Tours (planche III) où son armée arrive le 8 septembre 1356. Mais Jean II le Bon a préparé une contre-attaque et depuis le passage des Anglais à Tours, ces derniers sont poursuivis par l'armée française. Le roi de France veut couper la route du Prince de Galles et d'Aquitaine, dont l'armée est chargée de butin, à Poitiers. Une première escarmouche a lieu le 17 septembre lorsque les Anglo- gascons se heurtent à l'arrière-garde française. Et une première victoire est remportée par les forces du Prince Noir. Le 18 septembre, la veille de la bataille, Édouard de Woodstock choisit son terrain, une position stratégique : il s'installe au sommet d'une colline sur la plaine de Maupertuis près de Poitiers, la rivière Miosson couvre ses flancs tandis que la forêt de Nouaillé couvre ses arrières. De plus, des haies et des taillis protègent naturellement le lieu, ils permettent d'embusquer les archers anglais et n'offrent qu'une seule voie aux forces françaises. Une ambassade pontificale, menée par le cardinal de Périgord, tente d'obtenir une trêve et un accord qui permettraient d'éviter l'inéluctable bataille. Mais le roi de France est en supériorité numérique : il oppose huit mille hommes d'armes, deux mille arbalétriers et cinq à six mille piétons face à trois à quatre mille hommes d'armes, deux mille cinq cent à trois mille archers et mille piétons. Il souhaite aussi prendre une revanche après le désastre de Crécy qui eut lieu 4 Jean Froissart, Chroniques, Georges T. DILLER (éd.), Genève, Librairie Droz, 1991-1993, Livre I, Tome IV, p. 317. 5 dix ans auparavant et ne veut pas laisser échapper les Anglais qui sont en manque de vivres5. Il refuse alors tout accord en soumettant des propositions inacceptables pour ses ennemis. De son côté, le Prince Noir fait de même et profite du répit qu'offre les négociations pour fortifier sa position. Le 19 septembre, la bataille commence. De chaque côté, trois batailles s'alignent, tous sont à pieds : les vétérans français ont retenus la leçon de Crécy où la chevalerie française s'est faite décimée par l'archerie anglaise à cause des chevaux mal protégés. De plus, les conseils de William Douglas, chef du contingent écossais allié aux Français, habitué aux techniques de guérilla contre les Anglais, renforce cette décision tactique innovante pour le camp des Lys. Les Français gardent tout de même, en plus des trois batailles, une escouade de cavalerie lourde composée d'une élite de trois cent chevaliers menés par les maréchaux de France Arnoul d'Audrehem et Jean de Clermont. Ils ont le rôle de fer de lance de l'armée française et doivent enfoncer les premières lignes anglaises, les archers notamment, pour ouvrir la voie au reste des troupes. Du côté anglais, le captal de Buch Jean III de Grailly est l'un des chefs de l'une des trois batailles, celle des Gascons6. Le Prince Noir bouge en premier et entame une manœuvre dont la nature est discutée par les historiens : un piège, une retraite, ou une tentative de retraite qui pourrait se transformer en piège au besoin. Face à cette manœuvre, les maréchaux de France sont partagés : Arnoul d'Audrehem pense que c'est le moment ou jamais de charger tandis que Jean de Clermont, plus prudent, flaire le piège. Le sens de l'honneur chevaleresque prend le dessus sur l'intelligence tactique et les maréchaux lancent la charge de cavalerie7 (planche IV). Celle-ci est brisée par les archers anglais tout comme à Crécy et malgré le panache de cette action, c'est un échec. En effet, Arnoul d'Audrehem est blessé et capturé tandis que Jean de Clermont est tué. Le peu de chevaliers français qui arrivent au contact avec les Anglais sont dépassés par le nombre. Les trois cents cavaliers finissent comme leurs maréchaux : blessés, capturés ou tués, alors que les archers anglais tiennent toujours leurs positions8.

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