- 1 - Histoire de Montmorency Du castrum au castellum A quinze kilomètres au nord-ouest de la capitale, s'ouvre une vallée dont le seuil est barré par une retenue d'eau. Dominée par un promontoire rocheux, son flanc nord est protégé par une colline boisée. Forêt, butte, vallée ont un point commun. Elles portent le nom d'une des familles les plus illustres de l'histoire de France, les Montmorency, qui furent jusqu'en 1632 les maîtres de céans. Pour être exact, le nom du lieu est antérieur à l'arrivée de son premier seigneur. Composé de deux éléments, un préfixe à caractère topographique Mons (le mont) et un anthroponyme Maurentius , il désigne probablement l'agriculteur Morency (forme germanisée de Maurentius ) qui cultivait, à l'époque carolingienne, un lopin de terre au pied du mont. Dès l'origine, Montmorency est surmonté d'un château primitif entièrement construit en bois, le castrum : une simple tour carrée protégée par une chemise circulaire, au sommet d'une motte naturelle dont la base est fermée par une seconde palissade circulaire. Cette fortification, hautement stratégique, s'imbrique dans un système défensif établi par Robert le Fort, ancêtre des Capétiens, pour contenir les incursions normandes. Lorsque le roi Robert II le Pieux, au tout début du XI e siècle, remet à Bouchard le Barbu le castrum , celui-ci est détruit. Le nouveau titulaire, qui, dès lors, s'intitule Bouchard de Montmorency, s'engage à le remettre en état. Fils de Bouchard de Bray, petit baron de Haute-Seine, et petit neveu de Gautier Ier, évêque de Sens, Bouchard le Barbu est chassé du Sénonais entre 959 et 968. Vers 975, il est au service de Hugues Capet. Le futur premier roi capétien, qui n'est encore que duc de France, lui donne un fief, la forteresse de l'Ile-Saint-Denis, et une épouse, la veuve du chevalier qui avait en garde ladite forteresse. Usant et abusant de la position stratégique de cette dernière, Bouchard détourne à son profit les péages sur les marchandises qui transitent sur la Seine pour alimenter la foire du Lendit, propriété de la puissante abbaye royale de Saint-Denis. Ses trop nombreuses exactions, auxquelles s'ajoutent des incursions de plus en plus nombreuses sur les terres abbatiales, finissent par indisposer l'abbé. Celui-ci se plaint auprès du roi et réclame son intervention. En 988 (ou en 997) Robert II, le successeur désigné de Hugues Capet, propose au bouillant chevalier l'attribution d'un territoire proche de la fontaine Saint-Valéry, c'est-à-dire la colline de Montmorency, s'il met fin à ses attaques contre l'abbaye. Bouchard, tout en acceptant la proposition, ne donne aucun engagement sur la condition émise par le roi. De fait, l'accroissement de la châtellenie de Montmorency se fera le plus souvent par incorporation des territoires dionysiens. Querelles, procès et coups de mains ne cesseront qu'en 1295, lorsque les deux parties auront échangé leurs enclaves territoriales respectives. Tel est le point de départ de la longue saga d'une famille qui donnera six connétables, douze maréchaux et quatre amiraux à la France et qui exercera sa suzeraineté sur un vaste domaine comprenant d'un seul tenant trente-et-une paroisses dont les limites sont l'Oise et la Basse forêt de Montmorency (forêt de l'Isle-Adam) au nord, Belloy-en-France et Puiseux-en-France à l'est, la Histoire de Montmorency - 2 - Seine et l'Ile-Saint-Denis au sud, Franconville et Taverny à l'ouest, et dont le chef-lieu est le « chastel de Montmorency. » Dès son arrivée, Bouchard réorganise son nouveau domaine. Tout d'abord simple résidence fortifiée ne pouvant abriter que le seigneur et sa mainie, le castrum de Montmorency est entouré d'une enceinte à l'intérieur et aux abords immédiats de laquelle les tenanciers peuvent en toute sécurité exploiter la terre. Au cours des XII e et XIII e siècle, le développement urbain de Montmorency est considérable. Des masures s'érigent peu à peu, dans et hors les murs, sur la partie septentrionale de l'éperon rocheux. A tel point que vers 1205 le castrum prendra l'appellation de castellum, indiquant la présence d'un village fortifié. Un grand marché régional Dans le même temps la fonction agricole et défensive du bourg s'amenuise au profit d'une nouvelle vocation à caractère commercial. A priori mal placé, au centre d'un étroit village aux rues pentues et peu accessible du fait de son éloignement de tous grands axes de communications - seule la voie reliant Argenteuil à Groslay, puis à la route de Beaumont, le traverse dans toute sa longueur d'ouest en est -, le marché de Montmorency attire néanmoins chaque mercredi de nombreux bourgeois de Pontoise, d'Argenteuil et de Villeneuve-la-Garenne. La raison en est que contrairement aux autres marchés, celui de Montmorency offre une extrême diversité de produits : alimentaires (pain, vin, légumes et fruits) ; manufacturés (outils et ustensiles viticoles, clous, faucilles, futailles) ; textiles (laines, draps) ; bétails (ovins, bovins, porcins). Montmorency devient un centre urbain régional de première importance qui abrite tous les corps de métiers : maçons, serruriers, forgerons, cerciers, tonneliers, cabaretiers, hôteliers… Le développement religieux De nombreuses congrégations religieuses s'y implantent. En 1257, les Templiers achètent une maison sise rue de l'Etang, devenue par la suite et de ce fait la rue du Temple. Les possessions de l'ordre, principalement des parcelles de vignes, s'étendront jusqu'à l'Etang-Vieil, rue de la Fosse- aux-Moines. Un Hôtel-Dieu, c'est-à-dire un hospice, est fondé en 1207. Pris en mains par les Mathurins- Trinitaires en 1601, c'est l'ancêtre de notre actuel hôpital intercommunal. Montmorency est aussi le siège de plusieurs juridictions. Le siège du bailliage de la baronnie (tribunal de justice) y est fixé en 1303, tandis que l'hôtel de la prévôté (hôtel de police) est érigé en 1369. De puissants remparts semblaient protéger la ville. Mais les nombreuses attaques qu'elle dut subir au cours de la guerre de Cent Ans (Jacques en 1356, Anglais en 1358 et 1381, duc d'Orléans en 1411), puis lors des guerres de religion (dernières campagnes des ligueurs en 1589), les mirent à mal. Les quelques vestiges encore visibles de nos jours semblent datés du XV e siècle. A l'origine le mur d'enceinte est percé de quatre portes : la porte Bague, dite encore des Feuillants ou Saint-Jacques, au débouché de l'actuelle rue Jean-Jacques Rousseau sur la place des Cerisiers (démolie en 1833) ; la porte Jonvelle donnant sur la place du Château-Gaillard (démolie en Histoire de Montmorency - 3 - 1810) ; la porte de la Geôle, à l'angle des rues du Temple et du Docteur Millet ; la porte Notre- Dame, à l'angle des rues Notre-Dame et Le Laboureur, qui protège l'église paroissiale. Cet édifice d'époque romane sera désaffecté pendant la Révolution puis reconverti en logements d'habitation. De la baronnie à la duché-pairie Malgré ses malheurs, Montmorency demeure une paroisse assez prospère et son terroir est bien mis en valeur. La vallée est consacrée à la culture du blé et du froment, les coteaux sont voués à la vigne et aux arbres fruitiers, pommiers poiriers, pruniers, bien évidemment cerisiers, mais aussi abricotiers, pêchers et figuiers. Sur les Champeaux, autrement dits petits champs conquis sur la forêt après essartage, on ne peut produire que du seigle, de l'orge et de l'avoine. L'industrie naissante est également présente puisque les premières plâtrières sont ouvertes et que la forêt est exploitée intensivement : bûcherons, charbonniers, cerciers, pâtres forment des communautés relativement nombreuses. La meunerie enfin, qui relève directement de l'autorité seigneuriale sous la forme du moulin banal, assure un revenu non négligeable puisque Montmorency possède au moins deux moulins, dont la construction est antérieure à 1368. Le plus ancien, le moulin de Clairvaux, a complètement disparu. Du second, le moulin de Jaigny, désaffecté vers 1855, il ne reste que le corps cylindrique de maçonnerie incorporé dans une maison d'habitation. Portait de Guillaume de Montmorency par Varcollier- Musée JJ Rousseau- Montmorency. Montmorency s’enrichit et s’embellit. Son seigneur, le baron Guillaume, tout en conservant la chapelle privée du château, veut remplacer la vieille collégiale familiale par un édifice digne de sa noble lignée et susceptible de recevoir leurs tombeaux. Les travaux sont entrepris vers 1520 et s’interrompent provisoirement dans la deuxième moitié du 17 e siècle avec l’élévation d’une façade sans style. Il faudra attendre 1910 pour que l’édifice, en recevant sa façade définitive, son clocher et sa nouvelle sacristie, soit entièrement achevé. Histoire de Montmorency - 4 - Collégiale Saint- Martin- Photo Plotard- Musée JJ Rousseau- Montmorency Restauration de la collégiale par L. Magne- Musée JJ Rousseau- Montmorency En 1617, la collégiale est confiée aux pères de l'Oratoire. Ils élèvent alors un immense collège qui assurera la formation des jeunes prêtres. Le père Cotte, "l'inventeur" des eaux sulfureuses d'Enghien et le père de la météorologie moderne, en sera l'élève puis le directeur. Seul le réfectoire de l'édifice démoli à la Révolution subsiste ; il a été transformé en maison d'habitation. Anne de Montmorency- Musée JJ Rousseau- Montmorency Avec le règne du roi Henri II, fils et successeur de François Ier, la puissance des Montmorency est à son apogée. En 1551, la baronnie du connétable Anne, le cinquième de la famille dans cette dignité, est érigée en duché-pairie. Histoire de Montmorency - 5 - Henri II, duc de Montmorency. Musée JJ Rousseau- Montmorency. Mais en 1632, avec la rébellion du duc Henri II, la famille connaît un déclin certain, déclin qui aura des conséquences sur le devenir de Montmorency.
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