Ita Wegman Disciples dans la lumière de Michel Textes sur l’histoire de l’humanité Essai introductif, traduction italienne et notes aux soins de Giancarlo Roggero Editions « TreUno » La première partie est tirée de : Ita Wegman, An die Freunde, Arlesheim 1960 (3ème édition, 1968). La seconde partie est tirée de: Aus Michaels Wirken, aux soins de Nora Stein von Baditz, Stuttgart 1929 (5ème édition, 1983) La traduction italienne de Giancarlo Roggero a été menée sur les éditions les plus récentes indiquées ci-dessus. La publication italienne advient avec l’autorisation de la Ita Wegman Nachlaß, Arlesheim (Suisse) (Traduit de l’Italien par Daniel Kmiécik) 1 En cas de citation, merci d’indiquer la source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad Essai introductif Sur les voies de l’Archange de l’époque dédié à Vittorio Vettori I. MICHEL OU BIEN LE SECRET DU CŒUR QUI PENSE L’époque de Michel est venue. Les cœurs commencent à avoir des pensées ; l’enthousiasme n’afflue plus seulement d’obscurités mystiques, mais bien plutôt de la clarté de l’âme soutenue par la pensée. Rudolf Steiner (Extrait des « Lettres aux Membres », 17 août 1924) 1. L’homme et le monde suprasensible. Parler aujourd’hui d’une réalité suprasensible est une entreprise ardue. Un préjugé plus ou moins net est en vigueur très souvent à ce sujet : le refus de prendre seulement en considération l’argument, ou d’un autre côté, une hypothèse facile, qui voudrait en circonscrire l’existence dans le domaine du paranormal, du magique, du suggestif. Une vision lucide et sereine, en accord avec une saine explication des forces humaines est au contraire plus rare à rencontrer, si nous faisons abstraction d’une tradition ecclésiastique par ailleurs négligée par ses propres interprètes et destinataires. Et pourtant il n’en est pas ainsi. Le plus simple concept que nous nous formons des choses, et même de celles matérielles, présuppose un contenu suprasensible, auquel nous ne prêtons cependant guère attention, celle-ci étant déployée sur les réalités matériellement conçues plutôt que sur la manière dont nous les concevons. Concevoir une chose signifie la considérer dans la permanence de son être, indépendamment des impressions singulières, temporaires, que nous en recevons au moyen des sens. Une telle permanence implique le non-soumission de notre intelligence aux conditions du monde sensible et sa capacité à puiser dans un domaine qui le transcende, donc au suprasensible. Dans la conception la plus élémentaire des choses, exprimée par l’immanquable prononcé intérieur « telle chose est », l’intelligence se réalise indépendante de la sensibilité, et justement par la grâce de cette liberté, elle peut percevoir les réalités sensibles dans leur aspect non transitoire, à savoir elle peut les « comprendre ». Ce type de considérations, inhabituel pour nos habitudes mentales actuelles, était au contraire évident pour une orientation de pensée précédente qui partait de la simple et universelle conception de l’être, en tant que présupposé à toutes les autres. La raison pour laquelle nous croyons devoir remiser cette orientation de pensée parmi les chose dépassées, réside dans la manière dont, en tant qu’hommes modernes, nous expérimentons la réalité. L’attitude de notre esprit, qui résulte non seulement de notre éducation, mais d’une impulsion formatrice plus profonde, nous amène à faire 2 En cas de citation, merci d’indiquer la source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad en sorte que toute réalité perçue par les sens soit admise par nous, au moyen d’un procédé si habituel qu’il passe inaperçu, au sein des catégories spatio-temporelles, essentiellement mathématiques. Nous n’accueillons pas le sensible dans le simple flux de ses apparences, mais nous le décomposons et le focalisons dans une dimension perspective non-naturelle — l’enfant, jusqu’à un certain âge ne saisit pas le monde en perspective — due à une élaboration intérieure déjà complexe. Cette élaboration est entièrement l’œuvre de notre esprit, elle n’est pas donnée par nature : c’est elle qui fait en sorte que nous nous expérimentons dans le monde sensible comme des esprits actifs, en nous résolvant toutefois à croire que toute réalité s’épuise avec lui. L’activité de notre esprit dans le sensible, qui peut aussi nous rendre intrépides et nous conférer une sensation presque démesurée de domination et de puissance, si elle n’est pas intégrée par une aptitude d’auto- observation sincère et posée qui la retourne sur elle-même et sur ses propres principes, risque de mener à un esclavage fatal, destiné à barrer toute issue de notre existence au-delà de la dimension apparente et transitoire. Une reconversion de l’intelligence sur elle-même l’amènerait à affirmer que, si l’activité au moyen de laquelle elle configure en perspective le monde est son œuvre, elle ne peut pas en dire autant du donné sensible lui-même et la lumière d’essence dans laquelle elle peut le concevoir comme une chose existante en soi. Dans l’expérience de cette lumière, elle discernerait l’abandon constant d’un donné suprasensible qui demande à être reconnu et intégré dans la plénitude de la vie cognitive. La précédente orientation de pensée, à laquelle nous avons fait allusion, avait l’habitude de définir l’intelligence humaine comme une faculté « non organique ». Elle entendait dire avec ceci qu’à la différence des autres facultés telles que les sens, l’imagination, la mémoire, elle n’est pas liée à un organe corporel. Avec l’intelligence et la volonté qui émanent d’elle, l’homme transcende sa propre condition sensible. Il est en mesure de se concevoir lui-même et tout autre réalité quelconque comme un aspect, une manifestation spéciale, de cet être dont la lumière resplendit universellement en lui. Grâce au caractère « non-organique » de son intelligence, l’homme est doté de liberté et il peut se sentir membre d’un monde suprasensible. Telle est le simple dicté linéaire de cette conception plus ancienne. Notre difficulté à nous en approprier dérive de la manière de se déployer de notre intelligence qui, tournée avec une surprenante vigueur et efficacité vers l’œuvre organisatrice de la réalité sensible, en est contrainte aussi sur le plan subjectif, en s’ancrant de fait à un organe corporel, le système nerveux, lequel, tout autre que d’en constituer le principe, n’en est que l’instrument temporaire. Celui-ci fait en sorte que l’activité, en soi suprasensible de l’intelligence, puisse rester conditionnée par des modalités sensibles subjectives à caractère émotionnel et instinctif, lesquelles en altèrent le processus originaire, en obscurcissant en lui la conscience de sa propre nature. Ce que l’homme peut faire aux objectifs d’une telle conscience, est alors celui de libérer l’activité pensante dont il fait habituellement usage dans le lien sensible temporaire, en l’exerçant à se retourner sur les processus de formation du concept sur lequel elle se fonde. En se liant au sensible, elle s’est éveillée comme œuvre d’un esprit actif. Ce même esprit a maintenant la tâche de la reconduire à la plénitude de ses fonctions. Maints exercices indiqués par les écoles qui cultivent l’intériorité de l’homme — nous nous référons ici en particulier à l’orientation anthroposophique de Rudolf Steiner — visent précisément, comme ascèse préliminaire, à une libération de l’intelligence comme elle est comprise ici. Tout comme pour remonter au suprasensible, on part de l’activité pensante, en scindant en elle ce qui est sensible de ce qui ne l’est pas, on pourrait, par une opération analogue, intervenir sur les autres activités de l’âme, sur le sentir et sur le vouloir. Si, à partir de la vie jaspée de notre sentir, nous parvenions à discerner le courant qui l’imprègne de l’atmosphère environnante et des saisons, nous aurions accompli un pas important vers l’acquisition d’une conscience suprasensible. On peut dire la même chose de l’activité volitive et motrice, dont la contrepartie intérieure est, par ailleurs, plus occulte, en s’estompant presque entièrement dans la sensation obtuse et profonde de la corporéité. Si ce n’est qu’en opérant d’abord dans le penser, les autres activités de l’âme peuvent être temporairement éloignées de l’horizon de la conscience, en nous permettant de nous dévouer 3 En cas de citation, merci d’indiquer la source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad imperturbablement au contenu suprasensible du penser lui-même, la même chose n’advient pas quand, aux fins d’une ascèse, on part de la conversion du sentir et du vouloir. Dans ce cas, en effet, les représentations sensibles du penser non libéré s’entremettent continuellement dans la conscience, en perturbant l’opération intérieure que l’on entend accomplir. Raison pourquoi il est conseillable que la conversion du penser précède, ou au moins se déroule parallèlement, à celle du sentir et du vouloir. Cela est requis par la constitution de l’homme moderne, dont personne parmi nous ne peut faire abstraction. Quand à partir du contenu suprasensible du penser, du sentir et du vouloir, commence à ruisseler une vie qui n’est pas celle du Je propre, surgit une situation qui peut être perçue comme une grâce. Celle-ci fait en sorte que là où l’homme parvient à la limite de sa transcendance, se présente un monde, d’abord de forces et ensuite d’entités spirituelles, dans l’accord merveilleux duquel il sent reposer et se mouvoir son être propre. L’ascèse intérieure se réalise alors dans une révélation. Les forces de l’âme, reconverties à leur principe, ouvrent l’accès à un domaine de spiritualité vivante, dans lequel est supprimé l’événement entier qui se déroule sur le plan sensible.
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