HISTOIRE DES CHEVALIERS ROMAINS CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LES DIFFÉRENTES CONSTITUTIONS DE ROME DEPUIS LE TEMPS DES GRACQUES JUSQU'À LA DIVISION DE L'EMPIRE ROMAIN PAR ÉMILE BELOT. PROFESSEUR D'HISTOIRE AU LYCÉE CORNEILLE. DÉLÉGUÉ À LA FACULTÉ DE LYON PARIS - DURAND PEDONE-LAURIEL - 1873 INTRODUCTION. LIVRE PREMIER. — Les chevaliers romains depuis le tribunat des Gracques jusqu'à la dictature de César. CHAPITRE PREMIER . — Antagonisme de la noblesse urbaine du patriciat et de l'aristocratie municipale des chevaliers romains. CHAPITRE II . — La noblesse urbaine du patriciat. CHAPITRE III . — La noblesse municipale des chevaliers romains equo privato. CHAPITRE IV . — Les publicains. CHAPITRE V . — Les chevaliers romains dans les tribunaux. Histoire des lois judiciaires, depuis le temps des Gracques jusqu'à la dictature de César. LIVRE II. — Les chevaliers romains depuis la dictature de César. CHAPITRE PREMIER . — Décuries judiciaires sous l'empire. CHAPITRE II . — Les chevaliers romains au théâtre et au cirque. Loi Roscia de l'an 67 av. J.-C. L'anneau d'or. CHAPITRE III . — Les chevaliers dans les carrières administratives et dans l'armée de l'empire. CHAPITRE IV . — Les dix-huit centuries des chevaliers equo publico au dernier siècle de la République. Les six escadrons sacrés (sex turmæ) sous l'empire. CONCLUSION. INTRODUCTION. I Toutes les nations modernes qui, sur le continent de l'Europe, sont arrivées à la grandeur, ont été troublées dans leur développement par quelque force étrangère. Tantôt les hasards des alliances féodales séparaient des territoires faits pour être unis ; tantôt un ennemi puissant ou une coalition arrêtait la croissance naturelle d'un peuple ou l'accomplissement des projets d'un souverain ambitieux. Seule, Borne put fonder un immense empire et parcourir tout le cercle dévolu à sa domination, sans jamais se heurter à un obstacle invincible. Jamais elle n'éprouva de revers sans les réparer, excepté dans les déserts lointains et dans les pays sauvages où la victoire était inutile et la conquête impossible à maintenir. La guerre d'Annibal fut la seule crise dangereuse pour son existence : et elle n'éclata que lorsque déjà son empire était solidement fondé en Italie et sa constitution achevée par l'union intime des deux parties du peuple romain, c'est- à-dire de la ville dominante des patriciens et du grand territoire plébéien admis au droit de cité. Mais il ne suffisait pas pour que Rome devînt maîtresse du monde que les circonstances extérieures rendissent ses conquêtes plus faciles. La petitesse des républiques civilisées, les divisions des tribus barbares, la décadence des royaumes qu'elle rencontra n'auraient pas fait sa grandeur, si elle eût été aussi faible que chacun de ses voisins, si elle n'eût renfermé en elle un germe de puissance qui manqua aux autres cités antiques. Cette cause qui l'éleva progressivement jusqu'à la domination universelle, dut agir d'une façon continue et uniforme, puisque Rome ne cessa de croître, et que jamais un danger permanent ne l'obligea à briser sa tradition ou à se donner une constitution moins conforme à son génie, mais plus utile à son salut. Cette cause si simple 1 et si active, nous avons essayé de la déterminer dans le premier volume de l'histoire des Chevaliers Romains . Ce fut l'extension graduelle de la plèbe rustique, composée des cultivateurs libres qui formèrent autour de Rome trente-et-une tribus sur trente-cinq. Jamais la stérile Attique ne put nourrir une population si serrée de laboureurs et de soldats; jamais la riche Béotie ne réunit tant de petites villes et de bourgs sous les lois égales d'une cité dominante. Thèbes ne sut que détruire Orchomène et Platée qui furent rebâties avec ses ruines. Sparte aima la guerre, mais méprisa l'agriculture. Pour elle les Laconiens et les Ilotes ne furent que des sujets et des esclaves, jamais des citoyens. Ainsi dans les états de la Grèce, quelle que fût la forme plus ou moins populaire du gouvernement, ce fut toujours la ville qui prévalut, et qui imposa au pays soit la volonté d'une aristocratie militaire ou commerçante, soit celle d'une populace urbaine d'ouvriers et de matelots. 1 Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances , 52. Plus une loi nous paraît simple, mieux elle nous semble » satisfaire à la condition de relier systématiquement des faits épars, d'introduire l'unité dans la diversité, plus nous sommes portés à admettre que cette loi est douée de réalité objective, n'est point simulée par l'effet d'un concours de causes qui, en agissant d'une manière indépendante sur chaque fait isolé, auraient donné lieu fortuitement à la coordination apparente. Rome, surtout depuis la constitution de l'an 940 av. Jésus-Christ, fut un exemple unique dans l'antiquité, d'un gouvernement placé sous l'influence de la propriété rurale et des classes moyennes, et ces classes étaient dirigées par celle des chevaliers romains. Les Grecs eurent, comme le patriciat de Rome, les goûts élégants et raffinés, les idées et les moeurs changeantes d'un peuple de citadins. Au contraire, les pères de famille plébéiens, qui s'étaient partagé le sol de l'Italie centrale, furent un peuple de propriétaires ruraux attachés aux vieilles mœurs, aux traditions du culte, aux formalités de la loi. Aussi les philosophes de la Grèce, comme la noblesse patricienne 1, s'appliquaient à restreindre le nombre des citoyens: les politiques italiens, les tribuns de la plèbe ne cessaient de le multiplier. Alexandre, chef de la confédération Hellénique, n'emmenait à la conquête de l'Asie que trente-cinq mille soldats, et Rome, qui, au temps de la guerre d'Annibal, avait près de trois cent mille citoyens en état de porter les armes, mit en campagne pour se défendre, si l'on compte les alliés latins, plus de deux cent cinquante mille hommes. Les républiques de la Grèce restèrent des cités ; Rome la première devint une nation. La même cause qui rendit les Romains assez forts pour la conquête, les rendit aussi capables de liberté. A. mesure que Rome augmenta son territoire quiritaire et acquit de nouveaux soldats, elle accrut le nombre de ses citoyens et la force de sa plèbe. Les droits politiques des plébéiens furent reconnus au siècle où se formèrent quatorze nouvelles tribus rustiques, et l'annexion des deux dernières, la Velina et la Quirina (241 ans av. Jésus-Christ) , qui comprenaient le pays Sabin, fut la cause déterminante de la révolution plébéienne de l'an 240. Ainsi chaque conquête de Rome dans l'Italie centrale déplaça dans l'état romain la prépondérance et la fit passer peu à peu de la ville à la campagne et du patriciat à la plèbe. Chaque formation d'une nouvelle tribu rustique était à la fois un progrès de Rome vers l'empire et un pro grès des citoyens vers l'égalité. Les chevaliers eurent la plus grande part à tous ces changements. Chevaliers romains, nobles les plus riches des municipes, des colonies et des préfectures, chefs de la plèbe rustique, hommes nouveaux 2 qui cherchent à sortir de leurs petites localités pour prendre rang dans la noblesse de Rome par la conquête d'une magistrature curule, ce sont là les termes le plus souvent synonymes dans l'histoire des deux derniers siècles de la République. Du moins ceux qu'ils désignent forment un même parti politique, auquel s'oppose le patriciat de la ville, constitué avant la bataille du lac Régille, et la vieille noblesse plébéienne, formée depuis les lois de Licinius Stolon jusqu'aux guerres puniques. C'est pourquoi la lutte des chevaliers romains contre la noblesse de Rome, après lo temps des Gracques, est la véritable suite de la lutte de la plèbe contre le patriciat. Au siècle des Gracques, de Marius et de César, comme au siècle des Licinius et des Terentillus Arsa, c'est toujours la campagne qui s'affranchit de la domination de la ville, l'Italie qui force l'enceinte du Pomœrium, la nation qui succède à la cité. La dualité originelle du peuple romain est marquée dans les cadres de la chevalerie primitive, partagée en deux groupes égaux de douze cents hommes, 1 Salluste, Première lettre à César , V et VI. 2 Tite-Lire, IV, 3, appelle hommes nouveaux Titus Tatius, Tarquin l'Ancien et Servius Tullius, rois originaires, d'après lui, de Cures, de Tarquinies et de Corniculum. Les chevaliers des municipes sont quelquefois appelés Domi nobiles , par opposition à la grande noblesse sénatoriale, de Rome. Cicéron, pro Cluentio , VII, VIII, XXXIX et LVII ; Tite-Live, VIII, 19. aussi bien que dans les cadres de l'infanterie, partagée en quatre légions urbaines et quatre légions rustiques. Elle a laissé des traces ineffaçables dans la division symétrique que fit Servius Tullius de la campagne romaine en vingt-six districts appelés pagi , et de la ville de Rome en vingt-sept districts appelés vici , dans les doubles élections où le vote des centuries assemblées au champ de Mars hors de Rouie, était confirmé à l'intérieur de la ville sur le comitium par le vote des trente curies, et surtout dans la grande opposition de la dictature patricienne et du tribunat de la plèbe. Les deux souverainetés égales du peuple de la ville et de celui de la campagne se résumaient dans ces deux Magistratures investies du droit de vie et de mort. Elle n'était certes ni vile, ni faible, ni sans orgueil cette plèbe qui, en 493, fit capituler le patricial, rendit la majesté tribunitienne inviolable, exila Coriolan, exclut les patriciens de l'assemblée des tribus et dès 490 av. Jésus-Christ, vota la loi Icilia par laquelle il était défendu, sous peine de mort ou d'exil, d'interrompre un tribun parlant, aux plébéiens.
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