Marie-Claudine Papadopoulos « L'oeuvre pour violon de Camille Saint-Saëns » Directeur de mémoire : Emmanuel Ducreux 2020 1/136 2/136 L'oeuvre pour violon de Camille Saint-Saëns Sommaire Introduction............................................................................................................................4 Première partie : L'École franco-belge de violon ..................................................................6 I. Le développement du violon moderne ..........................................................................6 I. 1. Aux origines de l'École franco-belge de violon, l'École italienne.........................6 I. 2. Viotti, père de l'École moderne de violon...........................................................11 I. 3. Une méthode pour un enseignement moderne....................................................12 I. 4. Trois élèves emblématiques : Baillot, Rode et Kreutzer.....................................13 II. Diffusion de l'École française en Europe....................................................................14 III. « Ancien régime-temps modernes », aspects organologiques...................................16 IV. La littérature pour violon en France : un « art en attente ».......................................21 V. Camille Saint-Saëns, biographie.................................................................................22 Deuxième partie : L'oeuvre pour violon de C. Saint-Saëns.................................................27 I. Deux grands dédicataires.............................................................................................27 I. 1. Le concerto en France..........................................................................................27 I. 2. Pablo de Sarasate et Eugène Ysaÿe.....................................................................32 II. Diffusion à travers le monde par les violonistes.........................................................58 II. 1. Sarasate et l'Allemagne......................................................................................58 II. 2. Diffusion par de fidèles interprètes....................................................................66 III. L'art à Paris au XIXe siècle : peinture , littérature et musique..................................73 III. 1. Salons musicaux................................................................................................73 III. 2. La Sonate de Vinteuil........................................................................................75 III. 3. Peintres violonistes...........................................................................................80 III. 4. Oeuvres pour têtes couronnées et personnages politiques................................81 III. 5. Dédicaces à la Reine de Belgique.....................................................................83 IV. Ecrits sur les musiciens.............................................................................................84 IV. 1. Connaissance du violon....................................................................................84 IV. 2 . Correspondance avec Durand - « notes d'interprétation »...............................86 IV. 3. Problèmes d'éditions.........................................................................................88 V. Un « répertoire pour une école »................................................................................93 Troisième partie : Utilisation des œuvres de Saint-Saëns aujourd'hui...............................101 I. Utilisation du répertoire pour violon de Saint-Saëns à travers différentes Écoles.....101 II. Saint-Saëns chez les jeunes violonistes et professeurs.............................................111 III. L'Édition monumentale des œuvres instrumentales de Camille Saint-Saëns aux éditions Bärenreiter........................................................................................................118 III. 1. Les œuvres pour violon...................................................................................119 III. 2. Une édition au service des musiciens.............................................................127 III. 3. Saint-Saëns vu par Stegemann........................................................................127 Conclusion..........................................................................................................................128 3/136 4/136 Introduction J'ai depuis toujours eu une affection particulière pour la musique de Saint-Saëns, particulièrement certaines de ses œuvres pour violon qui ont marqué ma formation et qui font partie intégrante de mon répertoire aujourd'hui. L'idée d'écrire ce mémoire a germé il y a deux ans, alors que je devais choisir une pièce pour violon, violoncelle et orchestre pour une tournée de concerts à travers l'Allemagne. L'organisateur souhaitant une pièce française comme pendant à un double concerto du compositeur allemand Hugo Schuncke1(1823-1909), La Muse et le Poète op. 132 de Saint-Saëns s'est imposée. Le succès rencontré auprès du public de cette œuvre assez peu connue a éveillé ma curiosité, et m'a poussée à me pencher de plus près sur le répertoire pour violon de Saint- Saëns, me faisant prendre conscience de sa richesse ; les pièces communément jouées et utilisées dans l’apprentissage du violon me sont apparues comme une représentation très « réduite » de l’étendue de cette littérature. Par ailleurs, le clivage entre l'utilisation pédagogique très fréquente de certaines œuvres et leur faible représentation sur scène donne matière à réflexion. Est-ce uniquement la tradition qui fait de son Troisième concerto op. 61 un passage quasi obligé de l'apprentissage en conservatoire ? Son répertoire permet-il d'aborder des notions spécifiques ? Si oui, quelles sont-elles et pourquoi, à part peut-être le célébrissime Introduction et Rondo capriccioso, les œuvres pour violon de Saint-Saëns sont-elles si peu représentées en concert ? Serait-ce lié à une certaine « déconsidération » du compositeur en France ? La vie de Saint-Saëns (1835-1921), exceptionnellement longue, a vu l'essor de l'École franco-belge de violon et il a côtoyé et travaillé avec nombre des violonistes acteurs de ce développement. « Si l'on veut approfondir un art, il faut, autant que possible, chercher à en connaître l'origine et suivie [sic] tous les changements que le temps doit y avoir apportés afin d'en observer la marche progressive. C'est ainsi que l'on apprend à choisir la route la meilleure et à mesurer la distance qui reste à parcourir pour atteindre au plus haut degré de perfection2 », nous dit Pierre Baillot dans L'Art du violon. 1 Johan Gottfried Hugo Schuncke, Concertante pour violon, violoncelle et orchestre. 2 Baillot, P. L'art du violon. Nouvelle méthode dédiée à ses élèves, Paris, Imprimerie du Conservatoire de musique, 1834, p. 4. 5/136 Nous retracerons tout d'abord l'histoire de l'École franco-belge en revenant à ses origines, puis en suivant son cours à travers les grandes figures édificatrices de ses principes, Giovanni Battista Viotti (1755-1824) et ses trois élèves Pierre Rode (1774-1830), Rodolphe Kreutzer (1766-1831) et Pierre Baillot (1771-1842). Nous observerons l'influence de cette école à l'étranger et les changements organologiques qui ont accompagné son évolution pour arriver à l'époque de Saint-Saëns, dont nous dresserons le portrait. Une deuxième partie nous mènera au cœur du XIXe siècle, qui voit l’apogée des violonistes fondateurs de la technique moderne, dont de nombreux seront les inspirateurs des pages pour violon de Saint-Saëns. Revenant en premier lieu sur la place du genre du concerto en France, qui aidera à la compréhension de l'apport de l'œuvre du compositeur dans le paysage musical français, nous étudierons ensuite le lien entre compositeur et interprète, à travers notamment l'abondante correspondance que Saint-Saëns nous a léguée, preuve d'échanges constants entre les musiciens. Ses relations avec de nombreux acteurs-clés de l'époque, artistiquement mais aussi politiquement, permettront de relier son œuvre à d'autres arts, et d'évoquer des moments importants de l'Histoire que recouvre sa vie. À travers le travail pédagogique des violonistes contemporains de Saint-Saëns, et en « enjambant » les siècles, nous verrons comment ce répertoire s’est transmis de générations en générations, avant d’en venir à notre époque. Dans une troisième partie, une étude de l’utilisation de ces pièces aujourd’hui permettra de discerner mieux sa place dans l'enseignement de nos jours. Pour cela, je donnerai la parole à des représentants importants de la pédagogie du violon, et j'aurai recours à un questionnaire distribué à la jeune génération de (futurs) professeurs. Des entretiens avec Michael Stegemann, directeur scientifique de l'édition complète des œuvres instrumentales aux éditions Bärenreiter, amorcée en 2015, permettront d'avoir une vue d'ensemble de la richesse de ce répertoire, la publication comportant de nombreuses œuvres inédites. Le point de vue de ce spécialiste de la musique de Saint-Saëns achèvera de relier ce répertoire à la pratique d'aujourd'hui. 6/136 Première partie : L'École franco-belge de violon I. Le développement du violon moderne I. 1. Aux origines de l'École franco-belge de violon, l'École italienne « Les grands violonistes sont presque tous du même pays qui a produit les grands chanteurs, c'est-à-dire de l'Italie, berceau de la mélodie vocale. C'est à Corelli que commence la chaîne des violonistes célèbres dont Geminiani, Locatelli, Vivaldi,
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