Dossier Film (Les N° Entre Parenthèses Renvoient Aux Ouvrages Cités En Bibliographie)

Dossier Film (Les N° Entre Parenthèses Renvoient Aux Ouvrages Cités En Bibliographie)

iufm d’Auvergne / sauve qui peut… le court métrage dossier Film (les n° entre parenthèses renvoient aux ouvrages cités en bibliographie) PALE RIDER en classe de français Le choix… Clint Eastwood s’impose assez facilement comme un réalisateur essentiel, d’autant plus, on pourrait se demander pourquoi, dans le milieu enseignant. Néanmoins, le choix d’un film à destination des élèves peut s’avérer difficile : A PERFECT WORLD (un monde parfait – 1993) paraît évident pour un niveau collège, ou BIRD (1988) peut-être, davantage pour le lycée, malgré sa durée ; c’est pourtant HONKYTONK MAN (1982) qui participe du dispositif ‘collège au cinéma’ ; c’est le seul film de Clint Eastwood qui apparaisse dans les dispositifs CNC à destination de l’école. Que représente Clint Eastwood, en tant que personnage, en tant que réalisateur ? Quel est son rapport aux genres (western, certes, mais aussi policier, film de guerre) ? Comment son personnage, hérité d’autres univers (Eastwood est avant tout un acteur), contamine ses créations ? Au cœur de la carrière d’Eastwood, au centre de ces questions, PALE RIDER s’impose dès lors afin de mieux comprendre la carrière de ce réalisateur, et de proposer une approche du genre western à des élèves, approche distanciée, ironique parfois, mais toujours révérencieuse. Eastwood et le western Eastwood naît comme acteur avec le western ; c’est dans le western qu’il se forge un personnage, d’abord dans les séries télévisées DEATH VALLEY DAYS (1956) 1, WEST POINT (1957), MAVERICK (1959) 2, puis RAWHIDE, qui le fait connaître : il est alors le jeune premier, un cowboy fringant et joli-cœur, enchaînant plus de deux cents épisodes entre 1959 et 1965. Il tourne alors pour Sergio Leone dans la trilogie des dollars (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus…, Le Bon, la Brute et le Truand, 1964 – 1966), interprétant un personnage qui le marque à jamais, dont on retrouve les traces jusque dans UNFORGIVEN (Impitoyable, 1992), en passant par HIGH PLAINS DRIFTER (L’Homme des hautes plaines, 1973), THE OUTLAW JOSEY WALES (Josey Wales hors-la-loi, 1976) et PALE RIDER (Pale Rider, Le Cavalier solitaire, 1985). Si Eastwood choisit de partir tourner en Europe, c’est parce que le scénario de POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS, dit-il, lui rappelle très fortement YOJIMBO (Le garde du corps – 1961) d’Akira Kurosawa. 1 source imdb.com 2 l’épisode figure sur l’édition dvd de IMPITOYABLE. Depuis son apparition en tant que « l’homme sans nom » dans POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS de Sergio Leone, Clint Eastwood n’a eu de cesse de redéfinir l’identité de son personnage en éliminant les traits superflus. C’est un maître du minimalisme. La caméra ne renvoie rien de vain, elle recherche l’aspect mythique du héros. Vincent Canby, New York Times, 28 / 06 / 1985 Traduit par nos soins MAVERICK (1959) HIGH PLAINS DRIFTER (1973) IMPITOYABLE (1992) Le succès de ces films est énorme, et Eastwood se voit proposer plusieurs projets, qu’il refuse ; il fonde alors Malpaso, sa boîte de production et produit, et joue dans HANG’EM HIGH (Pendez-les haut et court), un western réalisé par Ted Post, et très influencé par les westerns de Leone. Eastwood est arrivé au western quand ce genre en est à ses derniers soubresauts. Eastwood boucle la boucle, accomplissant pour le western ce que Jerry Lewis a fait pour le burlesque : ces réalisateurs-acteurs maintiennent vivant ce qui est mort. Jean-Louis Leutrat, Le Western, découvertes Gallimard Cité par Nicolas Chemin (4) L’âge d’or du genre est loin, la profusion des années cinquante s’est peu à peu tarie, les idoles ont vieilli. Eastwood reconnaît être arrivé trop tard (« j’avais une génération de retard », dit-il dans directed by… publié dans le n°400 de la revue positif). Son approche du western est fortement marquée, dès lors, par ce qui se passe en Italie, et par les westerns dits révisionnistes 3 des années 70. La trilogie de Sergio Leone façonne un nouveau héros, “L’Homme sans nom” : laconique, il n’existe que par sa haute silhouette aux déplacements d’une lenteur mesurée, masquant tension et fébrilité, et par un regard inquisiteur, foudroyant, teinté de mépris. Encyclopedia universalis, citée dans la fiche film Honkytonk Man (12) Quand Eastwood en vient à la réalisation, il se lance dans un thriller, très à la mode au début des années soixante dix (PLAY MISTY FOR ME – Un frisson dans la nuit, 1971), puis il réalise HIGH PLAINS DRIFTER, son premier western, qui hante toute sa carrière. 3 qui développent un propos critique, une vision contestataire de l’histoire des Etats-Unis (Little BIG MAN, JEREMIAH JOHNSON… ; néanmoins la vision critique ne date pas d’hier, font remarquer Suzanne Liandrat Guigues et Jean Louis Leutrat (8), et « les films ‘critiques’ de John Ford, comme LE MASSACRE DE FORT APACHE ou L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE sont par avance révisionnistes ». Le rapport aux sources PALE RIDER se nourrit de deux sources principales, à savoir SHANE de George Stevens, dont le film de Clint Eastwood est un remake non avoué, et HIGH PLAINS DRIFTER, le premier western de Clint Eastwood (1973). SHANE (George Stevens, 1952) Le western classique vieillit et au début des années cinquante, quelques réalisateurs vont renouveler le genre (notamment Anthony Mann, Robert Aldrich). SHANE, de George Stevens (GIANT, A PLACE IN THE SUN) se trouve à la lisière. Le film raconte la lutte entre les jeunes éleveurs, aux méthodes modernes, et les ‘anciens’, qui ont sécurisé la terre, et qui s’en croient les propriétaires. La morale de SHANE peut paraître datée, voire contestable : en effet, les jeunes propriétaires développent un système individualiste, fondé sur la propriété. Ryker, l’ancien, paraît dépassé, usé, incapable de contenir cette avancée sinon par la force, avec l’aide d’un mercenaire (interprété par Jack Palance). Shane, interprété par Alan Ladd, intervient en faveur de Starett (noter la proximité des noms Starett – Barrett 4) ; il est arrivé un beau matin, de nulle part, pour le plus grand plaisir du fils de Starett, qui lui voue une admiration sans bornes. Même la femme de Starett tombe sous le charme. On voit très clairement les liens qui unissent les deux films. Eastwood avoue ces liens bien sûr, en admettant que les thèmes développés par SHANE sont des thèmes classiques du western, qu’il se réapproprie. Certes, néanmoins la proximité entre les deux films tient plus du remake que de l’hommage ou de l’emprunt thématique ou narratif. Eastwood s’empare de la progression générale de SHANE, ainsi que des scènes clefs : les intimidations, la collaboration entre Starett et Shane, la concertation entre les paysans pour faire face à Ryker… Mais si Eastwood propose un remake de SHANE, il s’en écarte sur plusieurs points. Evidemment, l’enfant devient une jeune fille dans PALE RIDER, mais ça reste assez anecdotique. En revanche, Eastwood renverse complètement les valeurs défendues par SHANE. D’un film qui se range du côté des petits certes, mais qui exalte des valeurs conservatrices, le ‘chacun pour soi’, Eastwood utilise une toile de fond écologique contre la production à outrance, dans laquelle l’union des prospecteurs est la clef de leur réussite. 4 Starett, Charles, est un des cowboy heroes des années 30 à 50, ayant tourné dans plus d’une centaine de films (http://www.imdb.com) Le tronc dans SHANE Le caillou dans PALE RIDER Joey Starett Megan L’écho le plus étonnant entre les deux films reste les plans finals dans lesquels les deux ‘enfants’ appellent leur fantasme qui s’évanouit au loin, fantasme du héros dans SHANE, fantasme plus charnel dans PALE RIDER. Les deux ‘enfants’ se mettent à appeler à tue-tête Shane et le preacher. Cette scène est reprise quasiment telle quelle dans PALE RIDER, et elle renvoie à une autre séquence du film, la plus fantastique, dans laquelle le héros est appelée par « une voix venue du passé ». C’est une voix d’homme, lointaine, qu’on ne peut attribuer à aucun personnage (Stockburn ? l’option est peu passionnante !), un véritable acousmêtre 5 ! Que dire de cette voix qui seule ancre le film dans le fantastique ? un repli du temps (« voice from the past »), un écho du passé, mais de quel passé ? De celui du preacher, ou plus encore, de celui du film ? En effet, ne peut-on pas voir dans cet écho le retour de Joe Starett, qui 32 ans après, appelle encore Shane, devenu le preacher ? HIGH PLAINS DRIFTER (Clint Eastwood, 1973) Si l’influence de SHANE est bien plus importante que ne semble vouloir le laisser paraître Eastwood, les westerns de ce dernier entretiennent tous un lien entre eux, dans la mesure où ils semblent tous issus d’un même terreau constitué des influences du western classique, mais aussi des westerns italiens, et de ce que Don Siegel a aussi pu apporter au personnage d’Eastwood. 5 Personnage invisible que crée pour l'auditeur l'écoute d'une voix acousmatique hors-champ ou dans le champ mais dont la source est invisible, lorsque cette voix a suffisamment de cohérence et de continuité pour constituer un personnage à part entière - même si ce personnage n'est connu qu'acoustiquement, pourvu que le “porteur” de cette voix soit présenté comme susceptible à tout moment d’apparaître dans le champ. http://www_lampe-tempete_fr_ChionGlossaire.pdf Nourris de ces diverses influences, les quatre films se répondent, l’un reprenant les thèmes de l’autre, ou en dérivant les motifs. Dans ce canevas, PALE RIDER est en lien avec les trois autres bien sûr, mais il entretient une relation forte avec le premier (HIGH PLAINS DRIFTER).

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