INRAE Prod. Anim., Caractérisation du lait 2021, 34 (1), 29-46 de deux races locales de vaches : la Bretonne Pie Noir et la Froment du Léon Catherine HURTAUD1, Rim CHAABOUNI2, Rémi RESMOND1, Guy MIRANDA3, Benoît GRAULET4, Clémence MORINIÈRE2 1PEGASE, INRAE, Institut Agro, 35590, Saint-Gilles, France 2Fédération des races de Bretagne, GIE Élevages de Bretagne, 35000, Rennes, France 3Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, GABI, 78350, Jouy-en-Josas, France 4Université Clermont Auvergne, INRAE, VetAgro Sup, UMR Herbivores, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France Courriel : [email protected] Moutons des landes de Bretagne, vaches Bretonne Pie Noir, vaches Nantaises, chèvres des Fossés, porcs blancs de l’Ouest, moutons d’Ouessant, etc. Depuis plusieurs siècles, de nombreuses races animales existent en Bretagne. Elles ont bien failli disparaître avec l’intensification de l’élevage. Deux races de vaches laitières, Bretonne Pie Noir et Froment du Léon, connaissent un regain d’intérêt de la part des éleveurs et des restaurateurs en recherche de conduites alternatives. Introduction par les industriels qui profitent de cette 1907, 35 000 vaches Froment du Léon biodiversité génétique. ont été recensées. Puis leur nombre a Les races locales d’élevage repré- diminué très fortement jusqu’en 1978, sentent pour l’élevage de demain une Dans cette étude, nous nous sommes date à laquelle ne subsistaient qu’une ressource unique tant sur le plan géné- intéressés à deux races locales de quarantaine de vaches et quatre tau- tique, qu’environnemental (Verrier et al., vaches laitières, la Bretonne Pie Noir reaux. En 1980, un code race a été créé 2015). Ces races adaptées à leur milieu et la Froment du Léon (encadré). Le pour la vache Froment du Léon. Au de vie traditionnel valorisant les res- berceau de la Bretonne Pie Noir est le début de l’année 2020, il y avait 517 sources locales parfois peu abondantes sud-Finistère et le Morbihan. En 1900, femelles Froment du Léon réparties correspondent à de nouveaux systèmes 700 000 vaches de cette race ont été dans environ une centaine de fermes agricoles basés sur peu d’intrants et recensées. Puis leur nombre a progres- dont 12 professionnelles. Ces races, répondent à des défis tels que le chan- sivement diminué et elles auraient com- moins productives, sont valorisées aux gement de demande du consommateur plètement disparu sans le lancement du dires d’une typicité de produits encore vers plus de produits locaux ou encore programme de sauvegarde de la race peu connue et reconnue. Elles offrent la valorisation des paysages. Selon en 1976. Depuis 1999, le syndicat des donc des perspectives attrayantes Philippe Chemineau (2020), président éleveurs de Bretonne Pie Noir a adopté dans un contexte de relocalisation de la World Association for Animal un programme de relance et de valori- d’une alimentation de qualité et d’une Production (WAAP), la meilleure façon sation de la race et a pu faire de cette agriculture appliquant les principes de préserver ces races locales est de vache l’égérie du Salon de l’Agriculture de l’agroécologie. Les exploitations les maintenir dans leur environnement en 2017. Au début de l’année 2020, il qui utilisent ces races locales sont de initial, là où elles ont été sélectionnées y avait 3 100 femelles Bretonne Pie dimension petite à moyenne, majori- et élevées pendant des millénaires. La Noir réparties dans environ 450 fermes tairement en Agriculture Biologique, préservation de ces races locales est pri- dont 70 professionnelles. Quant à orientées vers la transformation et les mordiale pour la diversité génétique et la Froment du Léon, son berceau se circuits courts qui permettent la valo- devrait être soutenue financièrement situe entre Paimpol et Saint-Brieuc. En risation locale de produits et d’autres https://doi.org/10.20870/productions-animales.2021.34.1.4648 INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1 30 / Catherine hurtaud et al. Encadré 1. Caractéristiques des vaches Bretonne Pie Noir et Froment du Léon. du lait des races locales de vaches, Bretonne Pie Noir et Froment du Léon La Bretonne Pie Noir mesure 1,17 m au garrot (plus petite race bovine fran- dans toutes leurs composantes : qualités çaise) et a un poids vif moyen de 350-450 kg. Elle a une robe pie noir. Elle intrinsèques mais aussi nutritionnelles et produit 2 231 kg de lait/lactation avec un taux butyreux de 43,6 g/kg et un technologiques. taux protéique de 32,6 g/kg (résultats du Contrôle laitier 2019 in Institut de l’Élevage, 2020). Le berceau de cette race est le Sud Finistère et le Morbihan. 1. Démarche de l’étude C’est une vache qui vêle facilement, qui est fertile (IA/IAF = 1,3), qui a de bonnes capacités maternelles et une bonne longévité. Elle est rustique : qualité et solidité des aplombs, résistance aux maladies, adaptation aux 1.1. Les fermes laitières conditions difficiles et aux amplitudes thermiques. Elle s’adapte très bien aux En concertation avec les éleveurs de ressources alimentaires disponibles et valorise bien des fourrages grossiers. la Fédération des Races de Bretagne, https://www.races-de-bretagne.fr/decouvrez-les-races/vache-bretonne-pie-noir/ 10 exploitations ont été choisies La Froment du Léon mesure jusqu’à 1,40 m environ au garrot et a un poids dans les Côtes d’Armor, le Finistère, vif moyen de 500 kg environ. Elle a une robe zain froment, clair ou foncé le Morbihan, l’Ille et Vilaine et la Loire Atlantique : 6 pour la Bretonne Pie Noir et parfois pie et des cornes en croissant relevé. Elle produit 2 453 kg de et 4 pour la Froment du Léon (tableau 1 lait/ lactation avec un taux butyreux de 44,0 g/kg et un taux protéique de et figure 1). Les effectifs de vaches en 32,6 g/kg (résultats du Contrôle laitier 2019 in Institut de l’Élevage, 2020). lactation varient de 2 à 3 vaches pour Sa période de lactation est assez courte (228 jours). les plus petites à 35 pour la plus impor- Le berceau de cette race est la région comprise entre Paimpol et Saint-Brieuc tante. La plupart de ces exploitations dans les Côtes d’Armor. Cette vache a une fertilité correcte (IA/IAF = 1,6), sont conduites selon les principes de mais il y a beaucoup de variabilité entre élevages. Elle a une bonne longévité. l’Agriculture Biologique et transfor- C’est une vache très douce et docile, appelée « vache à madame » ou « vache des châteaux » car particuliè- ment tout ou partie de leur lait (beurre, rement appréciée des châtelains autrefois. Elle est rustique et très bien adaptée au plein air. yaourts, Gwell®…). Les systèmes de https://www.races-de-bretagne.fr/decouvrez-les-races/vache-froment-du-leon/ traite varient en fonction de la taille de l’exploitation : pots trayeurs pour les plus petites, système de transfert pour activités spécifiques (Couix et al., 2016). des animaux d’élevage appartenant les moyennes et salle de traite pour les Certains éleveurs cherchent ainsi à aux races bretonnes. Si les 40 dernières plus grandes (tableau 1). Quatre exploi- développer un élevage alternatif basé années ont permis la sauvegarde du tations (2 de chaque race) pratiquent la sur ces races adaptées au climat et aux capital génétique de ces races, l’heure monotraite (tableau 1). L’alimentation ressources locales, gages de rusticité et est à leur valorisation par la production, des vaches est basée sur le pâturage de facilités d’élevage qui permettent facteur essentiel de leur pérennisation durant une grande partie de l’année des systèmes herbagers très économes, et contribuant également au dévelop- (7 à 9 mois, voire plus) et se compose à forte valeur ajoutée et respectueux de pement économique des territoires. Les en période hivernale, d’herbe conser- l’environnement. connaissances techniques sur la produc- vée sous diverses formes avec peu d’ap- tion laitière de ces races font cependant port de concentré (80 g à 1,8 kg/j) et de En Bretagne, l’intérêt pour les sys- défaut. Concernant la caractérisation minéraux (tableau 2). tèmes d’élevages alternatifs, motivé des laits de vaches de ces races locales, par un contexte très critique envers seule une étude sur la composition des 1.2. Les prélèvements le modèle économique et les impacts globules gras en Froment du Léon a été environnementaux de l’élevage, est réalisée (Couvreur, 2006). Aujourd’hui, Trois prélèvements de lait par exploi- une réalité perceptible. En effet, dans les éleveurs comme les restaurateurs se tation associés à une enquête alimen- une région réputée pour ses pratiques posent la question de la qualité des pro- taire ont été réalisés en avril, juillet et d’élevage intensives, le contexte actuel duits laitiers issus de ces races de vaches. novembre 2017. Ces périodes de col- amène à se pencher sur des modèles Si elle est empiriquement reconnue, elle lecte étaient en lien avec l’alimentation plus économes en ressources et davan- n’a jamais été précisément décrite. Les du moment (tableau 2) : printemps (fin tage soucieux du milieu naturel. Ainsi, éleveurs s’interrogent sur les qualités avril) caractérisé par le foin et le pâtu- la Région Bretagne a fait de l’Agriculture intrinsèques de ces laits (fromageabi- rage, été (juillet) caractérisé également Écologiquement Performante (AEP) lité, crémeux du lait…), sur leurs qua- par le pâturage associé à d’éventuels un projet phare de son plan d’Avenir. lités organoleptiques, et de façon plus apports de fourrages complémen- La Fédération des Races de Bretagne, générale, sur la notion de qualité globale taires en cas de sécheresse, et la fin de créée en 2011, fédère dix associations des produits, qui inclut les pratiques de l’automne (novembre) caractérisée par de races locales bretonnes à faibles production.
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