stratégies d’implantation la fin de l’âge du Bronze dans les Avant-Monts âge du Bronze est une période qui marque l’entrée des L’communautés humaines dans « l’âge des métaux » et dans ce que l’on a coutume d’appeler la Protohistoire au sens large du terme. Elle débute vers 2200 av. n. è.1 et s’achève vers 750 av. n. è. pour laisser place à l’âge du Fer2. Comme son nom l’indique, l’âge du Bronze voit l’apparition et la maîtrise de la métallurgie du bronze, alliage de cuivre et d’étain, dont les premières attestations en France se retrouvent à Cabrières dès la fin du IIIe millénaire av. n. è. Ceci étant, une grande partie de l’âge du Bronze demeure mal documentée en Languedoc central, malgré certaines découvertes isolées ; on évoquera ainsi celle d’une pointe de flèche du Bronze ancien ou moyen (2200 – 1500 av. n. è.) à Margon, au lieu-dit Les Piles. Page prédécente : Vue par drone de la fouille de la zone 1 Pour ces raisons, inhérentes à l’état de la du plateau des Devèzes (Montesquieu) (photo Vincent Lauras) documentation, nous n’aborderons ici Ci-dessus : Localisation des sites de la fin de l’âge du Bronze que l’extrême fin de l’âge du Bronze pour sur le territoire des Avant-Monts (cartographie Ghislain Bagan) laquelle le corpus de sites archéologiques Ci-dessous : Pointe de flèche en bronze de l’âge du Bronze ancien/moyen découverte aux Piles (Margon) est plus fourni. La zone géographique (http://artefacts.mom.fr/) embrassée correspond à l’interfluve formé par la moyenne vallée de l’Hérault à l’est et la moyenne vallée de l’Orb à l’ouest, une mention particulière étant accordée aux sites du territoire de la communauté de communes des Avant-monts. La fin de l’âge du Bronze couvre le début du premier millénaire av. n. è. Pour l’archéologue, cette phase chronologique est notamment caractérisée par un décor incisé dit « au double trait » qui orne les céramiques non tournées. Par ailleurs, l’âge du Bronze final marque en Languedoc central, et plus généralement dans l’ensemble du Midi de la France, une augmentation sensible du nombre de sites. Témoignage probable d’un accroissement démographique, ce constat incite à intégrer mémoires 2 POP Communauté 06 © Les Arts Vailhan d’une communauté la notion d’occupation de l’espace dans L’étang de Saint-Preignan une analyse raisonnée. A bien des égards, (Abeilhan-Coulobres-Pouzolles) e e l’intervalle chronologique du X -VIII s. av. L’étang de Saint-Preignan est située dans le n. è. est synonyme d’accélération du Temps, nord du Biterrois, à cheval sur les communes à la croisée de modes de vie séculaires hérités d’Abeilhan, Coulobres et Pouzolles. Le cadre de la Préhistoire et de nouvelles logiques géographique correspond à un écosystème empreintes de progrès technique et de particulier mais fréquent dans cette partie dynamique méditerranéenne croissante. du Languedoc, formé par tout un ensemble Stratégies d’implantation : d’étangs aujourd’hui asséchés et entourés de collines miocènes (pechs ou puechs selon la milieu géographique dénomination régionale). L’étang de Saint- et topographie Preignan fait partie d’un groupe de trois L’installation d’un groupe humain à un anciens étangs – avec l’étang de la Prade/ endroit peut être choisie en toute souveraineté Pouzolles au nord et l’étang de Coulobres par le groupe lui-même ou bien être en au sud – qui forme une zone délimitée à partie, voire entièrement, imposée par des l’est par la Thongue et à l’ouest par l’un de éléments d’ordre démographique, politico- ses tributaires, la Lène. territorial, économique, environnemental… Sur un léger replat en bordure de l’ancien Mais quelle que soit la part de contrainte et étang, une nécropole a été anciennement de libre arbitre, l’implantation d’un habitat découverte, puis fouillée au début des s’exprime toujours selon deux échelles années 1990. Le cimetière, dont l’effectif est spatiales distinctes : tout d’abord un certain estimé à une soixantaine de tombes, couvre type de milieu géographique ou unité de une période allant du IXe siècle au milieu paysages (montagnard, semi-montagnard, causse, piémont, plaine, littoral…), puis L’étang de Saint-Preignan (Abeilhan) à la fin de dans un second temps et dans un cadre plus l’âge du Bronze et au début du premier âge du Fer (cartographie Ghislain Bagan) resserré, un lieu disposant d’une topographie particulière (colline, dépression, versant, plateau, éperon, vallon, grotte…). Entre le Xe s. et le VIIIe s. av. n. è., peut-on dégager dans la zone étudiée des milieux géographiques et des topographies ayant eu les faveurs des communautés humaines ? 1. Les cuvettes hydromorphes En Languedoc occidental (mais également en Roussillon et en Ampurdan), on se plaît à reconnaître à la fin de l’âge du Bronze une certaine attirance pour les abords de zones hydromorphes situées à l’intérieur des terres, c’est-à-dire saturées régulièrement en eau. Que ce soit aux Pradines à Causses-et Veyran, à Saint-Preignan à Abeilhan ou près de l’ancien étang de Pézenas, l’implantation humaine s’établit prioritairement aux abords d’une cuvette hydromorphe. mémoires d’une communauté © Les Arts Vailhan POP Communauté 06 3 du VIIe siècle av. n. è. Les prospections de surface ont par ailleurs révélé des traces d’habitat contemporaines de la nécropole, dont certaines pourraient se rattacher à la fin de l’âge du Bronze. Nous sommes en présence d’une unité paysagère originale, en l’occurrence les bords d’un ancien étang entouré d’une couronne de collines, qui semble avoir attiré les communautés protohistoriques. La nécropole, occupée pendant plusieurs siècles, marque indéniablement l’enracinement d’un groupe humain sur ce terroir. Dans la majorité des cas, nous ne connaissons pas l’habitat associé à ce type de cimetière. Or, à Saint-Preignan, nous possédons une documentation supplémentaire qui permet d’envisager la présence d’installations. Certes, il reste à mieux définir les caractéristiques (habitat groupé/habitat dispersé) et à affiner la chronologie de ces traces d’habitat afin de mieux les replacer par rapport aux différentes phases de la nécropole. Mais cet exemple montre en tout cas qu’avec le développement de prospections systématiques (au demeurant prolongées par des fouilles de sauvetage) aux abords des nécropoles, l’habitat Tombes de la fin de l’âge du Bronze de la nécropole correspondant pourrait apparaître plus de la Fenouille (Abeilhan) fréquent que le suggère l’apparent isolement (photo Thierry Janin) de la plupart des cimetières. mètres ; au nord-ouest, se dresse à plus de La nécropole des Pradines 400 mètres d’altitude l’imposant massif (Causses-et-Veyran) calcaire du Mont Peyroux. Le cimetière a À Causses-et-Veyran, au lieu-dit des fait l’objet entre 1998 et 2002 d’une fouille Pradines a été découverte vers le milieu du programmée ; plus d’une soixantaine de XXe siècle une nécropole de la fin de l’âge tombes ont été mises au jour, dont une du Bronze et du début du premier âge du quinzaine ont été datées de la fin de l’âge Fer. La nécropole est implantée dans une du Bronze. Ces dernières forment le noyau cuvette hydromorphe, drainée par le cours originel de la nécropole à partir duquel elle d’eau des Aubres Blancs au sud et par celui se développera au début du premier âge du de Ricounels au nord. Ces deux ruisseaux Fer. Bien que les traces d’habitat ne soient alimentent le Rieutord qui coule à l’est et pas véritablement reconnues, l’ensemble qui rejoint l’Orb quelques kilomètres plus funéraire des Pradines semble s’inscrire dans au sud. La zone des Pradines est bordée un espace de vie plus large auquel on peut par tout un chapelet d’éminences dont rattacher l’occupation à la fin de l’âge du l’altitude est comprise entre 150 et 200 Bronze de la grotte de Mont Peyroux. mémoires 4 POP Communauté 06 © Les Arts Vailhan d’une communauté 2. Investissement des hauteurs A partir du Xe s. av. n. è., à côté des lieux d’occupation habituels de l’âge du Bronze (grotte, vallon, plaine…), l’habitat languedocien commence à s’implanter également sur les hauteurs, phénomène relativement nouveau comparativement aux phases antérieures et généralisable à d’autres régions. La croissance démographique dont témoigne en partie l’augmentation du nombre de sites de hauteur, associée au fait que nombre d’entre eux sont à l’origine des oppida de l’âge du Fer, est souvent perçue comme le premier jalon de la Protohistoire méridionale stricto sensu. La topographie des hauteurs investies est diverse et tous les sites ne peuvent être placés sur un même plan. Les terrasses difficilement accessibles, sortes de plateformes intermédiaires dans des massifs au paysage souvent ruiniforme, sont convoitées au Xe s. av. n. è. (Bronze final IIIa) à l’image des sites des Courtinals à Mourèze et du Pont-du-Diable à Aniane. A partir du IXe s. av. n. è. (Bronze final IIIb), le perchement est surtout perceptible à travers l’occupation des bords de plateau (Minerve, Le Grézac à Lodève ou bien encore le Pioch De haut en bas Arras à Neffiès), des sommets de collines ou Céramique du Picoh Arras (Neffiès) d’éperons émergeant nettement de la plaine (Garcia et al., Fouille de sauvegarde urgente sur (Pioch du Télégraphe à Aumes, Saint- le Pioch Arras, Neffiès, rapport dactylographié, 1987) Siméon à Pézenas, Fourquos Esquinos à Hache à douille Cessenon), des versants de collines (Malvieu de la Grange de Cassou (Neffiès) à Saint-Pons) et des terrasses en forme de (Archéologie en Languedoc, 1986-4) promontoire d’accès facile surplombant un fleuve (Roquemengarde à Saint-Pons de Mauchiens, Le Fort à Saint-Thibéry, la Monédière à Bessan ou Mus à Murviel-lès- Béziers).
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