5 Le château de Lassus à Hamoir Situé dans un hameau de la commune de Hamoir 1, à environ 25 km au sud-est de Huy et 40 km au sud de Liège, le château de Lassus, lové dans un écrin de verdure, le long de l’Ourthe, se compose d’un ensemble architectural intéressant qui a, en outre, le mérite de refléter l’évolution historique de nos châteaux. Il vient La chapelle castrale d’être partiellement aménagé en gîte. Située à une centaine de mètres à l’ouest du château, la chapelle Saints Pierre et Paul, construite par la famille Par Jean-François Ranscelot *, Jean-Louis de Schaetzen ** de Maillen en 1633, aurait succédé à e 1 et François-Emmanuel de Wasseige *** un oratoire du XIII siècle . En 1848, elle fut reconstruite par les Donnea en moellons calcaires. De part et d’autre de l’entrée, on peut hameau de Lassus dès le XIIe siècle. À admirer deux pierres tombales inté- cette époque, cela faisait déjà près de ressantes tant sur le plan historique cinq siècles que les habitants vivaient que du point de vue esthétique : la sous la férule de la principauté première représente Walthère de abbatiale de Stavelot. Au XIIIe siècle, Maillen et son épouse Jeanne de Bajart_PubA5_02.pdf 1 7/03/16 15:21 Hodister (XVIIe siècle) et la seconde les mayeurs héréditaires de Hamoir les armes de François-Gaspard et de Xhignesse 3 y possédaient une de Donnea (1702-1768) et de son « maison forte » ; peut-être s’agit-il du épouse Dieudonnée de Hardenne donjon qui subsiste de nos jours. (1703-1765). Nous manquons cruellement de Le petit cimetière attenant à la cha- documents relatifs à l’occupation de pelle continue à abriter les sépultures ce donjon : il est pourtant établi qu’au des familles de Donnea et Ranscelot. XVIe siècle, il ait appartenu à la famille 1 Voir la description détaillée dans de Hodister. Le Patrimoine monumental de la Belgique. Notre entreprise familiale, fondée en 1890, a toujours œuvré à la restauration de biens classés Wallonie, vol. 16.1, Liège, 1992, p. 503-504. appartenant tant au domaine privé que public. Elle dispose encore, au sein de son propre personnel, de Les Maillen spécialistes de la restauration de bâtiments: tailleurs de pierre, maçons (vieilles briques, moellons), En 1580, le bien passa à la puissante charpentiers, menuisiers, coffreurs « traditionnels », plafonneurs (chaux, plâtre, terre), … maison de Maillen par le mariage de Marie de Hodister avec Walthère de —————— Restauration —————— Maillen. Cette illustre famille a tenu une place importante dans l’histoire médiévale de nos contrées : à la fin du XIIe siècle, Guillaume de Maillen fut en effet le grand écuyer de Baudouin, ~ Ill. 1 – La pierre tombale de Walthère de comte de Flandre et de Hainaut, Maillen et de son épouse Jeanne de Hodister – qui trépassèrent respectivement en 1603 et et empereur de Constantinople. en 1630 – dans la chapelle castrale de Lassus Guillaume prit pour armes, comme (photo F.-E. de Wasseige). marque distinctive de sa charge : « d’or, à trois peignes de chevaux de Les occupants gueule, posés deux et un » 4. À Lassus, les armoiries des Maillen figurent à Origines trois endroits différents : sur le superbe On sait fort peu de chose de l’his- gisant sis dans la chapelle castrale rue de l’innovation 7 tél. 081 45 05 05 entreprise certifiée toire ancienne du château de Lassus 2. (ILL. 1) ; sur une dalle insérée dans la www.bajart.be 5020 suarlée [email protected] ISO et VCA Une communauté villageoise vivait au tour nord-ouest et qui porte l’ins Demeures historiques & Jardins ¬ 204 ¬ décembre 2019 6 | Ill. 3 – La pierre armoriée retrouvée au fond de l’Ourthe (Photo F.-E. de Wasseige). Ill. 5 – L’oratoire aménagé vers la fin du XVIIIe siècle (photo F.-E. de Wasseige). Ill. 4 – Le chanoine Hubert-Joseph de ~ Ill. 2 – La pierre portant les armes des Maillen Donnea, vers 1760 au plus tard (coll. privée). (Photo F.-E. de Wasseige). Durant près de deux siècles, le château et le domaine de Lassus restèrent aux mains des descendants de Walthère : Jehan puis son frère Paul (1647) ; Walthère II (1666) de Maillen, époux de Marie de Laverne, à partir de 1682 ; leur fils Jean-Claude, chanoine (1698), puis son frère Jacques-François de Maillen (1722), époux de Marie-Eli- sabeth de Brant. Le fils de ces derniers, Claude-Walthère de Maillen, époux de Marie de Savary, vendit la mayeurie de Hamoir et Xhignesse le 3 février 1751 5. Les Donnea Originaires de la Hesbaye liégeoise, les Donnea 6 émigrèrent, au début du XVIIe siècle, à Liège pour se lancer avec (1702-1768), Donnea s’investit dans château, le domaine et sa charge de succès dans la métallurgie. Ils gérèrent la restauration du vieux domaine, mayeur héréditaire revinrent à son leur usine de Saudheid (faubourg de par exemple en remettant l’ensemble fils, le chanoine Hubert-Joseph (1731- Liège) avec un talent avisé et réussirent des toitures au goût du jour. Après 1801 – ILL. 4). Ce dernier améliora à commercialiser leurs produits – avoir fait relief auprès de la princi- encore le château en y aménageant, clous, barres de fer, boulets de canon pauté de Stavelot dont dépendait entre autres, un remarquable oratoire etc. – dans l’Europe entière, ce qui leur toujours Hamoir, François-Gaspard de (ILL. 5) et en installant dans les combles permit, au fil des ans, de se constituer Donnea prit fort au sérieux sa charge un mécanisme d’horloge relié à un une fortune considérable. de mayeur héréditaire qui lui conférait cadran et à deux cloches (1776) dû au C’est donc un François-Gaspard de de nombreux droits et devoirs. Point maître artisan liégeois Mathieu Boty Donnea (1703-1765) au sommet de d’orgue de son ascension sociale, il fut (voir encadré). sa puissance qui acheta, en 1751, la anobli en 1763 par le comte de Zeyll Malgré quelques problèmes liés à la mayeurie de Hamoir. Secondé par son avec l’octroi du titre de chevalier 7. Révolution, le château ne souffrit pas épouse, Dieudonnée de Hardenne Au décès de François-Gaspard, le vraiment du changement de régime Demeures historiques & Jardins ¬ 204 ¬ décembre 2019 7 L’horloge Fabriquée en 1776 pour Hubert-Joseph de Donnea, l’horloge située sur la façade Est a été conservée lors des deux grandes transformations (années 1850 et 1897) de cette partie du château. Abrité dans un des greniers du château, le mécanisme est dû à Mathieu Boty ; il se compose de plusieurs éléments : un rouage pour le mouvement avec pendule ; un autre rouage pour la sonnerie des heures et demi-heures ; deux poids avec poulie. L’horloge mécanique entraînait une aiguille de l’heure située sur un cadran en tôle d’acier d’un diamètre de 1m28, installé dans une ouverture de la façade est du château : les chiffres romains ainsi que l’aiguille étaient recouverts d’une dorure à la feuille d’or. Au-dessus de l’horloge, sur le faîte du toit, se trouvent deux cloches suspendues à une poutre de bois recouverte d’une petite toiture de zinc formant clocheton. Cette horloge, qui fonctionnait encore jusque dans les années 1960, rythmait alors la vie du hameau de Lassus lorsque sonnaient ses deux vieilles cloches. Un projet de restauration sous la houlette de l’ASBL « Association campanaire wallonne » vient d’être introduit auprès de la Région wallonne. Puisse-t-il aboutir … Les Boty, une dynastie de maître-horlogers liégeois Mathieu Boty, actif à Liège en 1788 Nicolas Boty (1771-1788) Mathieu-Joseph Boty (1799-1816) En parcourant la Gazette de Liège du 4 En 1771, Nicolas Boty est maître-horlo- Fils de Nicolas, il épouse Marie-Ida avril 1788, on peut lire « Mathieu Botty ger à Liège « sur le pont d’Isle ». Le 21 Lefebvre en 1816. En 1799, il tient un ate- (sic), horloger » et dans celle du 6 août décembre 1774, il demeure en Vinâve lier d’horlogerie « en Neuvice n° 960 » et 1788, on y lit « Mathieu Botty (sic), horlo- d’Isle, où les badauds peuvent venir déménage le 7 janvier 1803, rue Neuvice ger en Vinâve d’Isle, son fils Nicolas ». admirer une horloge astronomique à n° 941 à Liège. Il signe également « Boty carillon. Son fils Mathieu-Joseph, et son M.-J., fils ». Ses œuvres, ainsi que celles gendre Joseph Lacroix, étaient aussi hor- de son père Nicolas, sont exposées au logers. Goud- Zilver- en Klokmuseum à Schoon- (Source : Eddy Fraiture, Belgische Uurwerken en hun Makers – Horloges et horlogers belges hoven et au musée François Duesberg à AZ, Louvain, 2009, 638 p.) Mons. Demeures historiques & Jardins ¬ 204 ¬ décembre 2019 8 ~ Ill. 6 – Georges Chaudoir (1847-1923), qui acheta le château de Lassus en 1897 ~ Ill. 7 – Léopold Ranscelot (1864-1936) et son épouse née Jeanne Bormans (1874-1945), portraits (coll. Famille Chaudoir). par Charles Joseph Watelet (1867-1954), huiles sur toile, 55 cm x 65 cm (coll. château de Lassus). et les Donnea – André (1733-1807) puis son fils Charles-Alexis (1776- Ourthe 1857), bien organisés et bien servis, continuèrent à mener leur vie de châtelain. On notera toutefois qu’en raison des difficultés de communi- cation, ils ne résidaient à Lassus que F de juin à novembre, après les chasses, et passaient le reste de l’année dans G I leur hôtel particulier, à Liège. Le dernier ménage à donner du lustre A au domaine fut celui du fils de Charles- J H Alexis, Hubert de Donnea (1822-1891) et son épouse née Julienne de Spirlet C D (1822-1870) : dans les années 1850, B E ils transformèrent en effet la façade Est et créèrent un magnifique parc à l’anglaise (en reprenant la bagatelle de cinq hectares au censier), toujours C visible actuellement et dont plusieurs XIII-XIVe arbres remarquables sont d’ailleurs 5 10 15 20 m XVIIe recensés dans l’inventaire de la région XVIIIe wallonne.
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