MARINA VLADY ©DR Lina Wertmüller Une Oeuvre Singulière

MARINA VLADY ©DR Lina Wertmüller Une Oeuvre Singulière

JEUDI 17 OCTOBRE Le journal du Festival « Le Cinématographe amuse le monde entier. Que pouvions-nous faire de mieux et qui nous donne plus de fierté ? » Louis Lumière # 06 10 ANS L'AVENTURIÈRE MARINA VLADY ©DR Lina Wertmüller Une oeuvre singulière PAGE 4 Marché du film ©DR classique Le patrimoine et la presse Conversation secrète Conversation PAGE 4 Sur le tournage de Sur le tournage ©Jean-Luc Mège Francis Ford Coppola J-1 Marco Bellocchio Quiz Astérix Le temps des expérimentations Retour sur sa master class Sont-ils fous ces Gaulois? PAGE 2 PAGE 2 PAGE 3 CHOUETTE VIE 10 ans en Italie. J’y ai vécu jusqu’à mes d’un récit de Kouprine. Le tournage a 17 ans et mon mariage avec Robert duré près d’un an et demi, parce qu’on Marina Vlady : Hossein. J’avais avec moi ma mère et une respectait le rythme des saisons. J’avais de mes sœurs. J’ai eu des premiers rôles, une suite dans un hôtel et j’y ai accueilli comme Jours d’amour, avec Mastroianni, tout ce que Moscou comptait comme « je ne suis pas la un très beau film. J’étais une grande ado- créateurs et comme personnages inté- lescente, à 13 ans je faisais 1m70, physi- ressants. Et c’est à cette période que j’ai quement j’étais déjà une jeune femme. rencontré Vladimir Vissotski [acteur, L’un de mes premiers rôles en Italie était poète et chanteur, toujours au bord de la Princesse de Clèves ! » celui d’une fille mère, alors que je n’avais dissidence, une star dans l’URSS des aucune notion de ce qu’était le sexe ou la années 70]. Nous nous sommes mariés, Elle a choisi les films qu'elle présente Au téléphone, on reconnaît sa voix entre maternité ! j’ai vécu en URSS pendant douze ans. au festival Lumière. Ils témoignent toutes : claire, un peu chantante, un sou- Mon souvenir de Cayatte ? Un aigle. Il rire au bout du (sans) fil. Marina Vlady avait une gueule d’aigle, des yeux très Elles deux, d'une carrière riche et audacieuse. est une aventurière : elle l’a été dans sa perçants. Il était très autoritaire, mais de Marta Meszaros carrière au cinéma et au théâtre, elle l’a il nous aimait beaucoup, on était ses Un de mes plus beaux rôles, très concret. été aussi dans sa vie personnelle, qui l’a « petits ». Un premier grand rôle en fran- Et puis Marta Meszaros a écrit au débotté trimbalée d’Afrique en URSS, bien avant çais, j’ai eu beaucoup de mal. En Italie, une petite scène pour que Vladi Vissotski la chute du régime soviétique. Elle est la il n’y avait pas de son direct, je pouvais vienne me rejoindre en Hongrie et jouer fille cadette d’une famille de Russes émi- bafouiller mes répliques, là il fallait qu’on avec moi. Une scène superbe, il neigeait, grés avant la Révolution, les Poliakoff. entende ma voix. L’ingénieur du son avait sur la route de grands réverbères se Deux de ses sœurs, Odile Versois et une baguette et me tapait sur les fesses balançaient. C’est la seule fois où l’on a Hélène Vallier, étaient également comé- pour que je parle plus fort ! joué ensemble. Les autorités soviétiques diennes, ce qui leur a permis de jouer avaient toujours fait interdire nos projets ensemble, sur scène, Les Trois sœurs, Le Lit conjugal, communs. Il reste ça, au moins. de Tchekhov. La carrière de Marina de Marco Ferreri Vlady est à la fois prodigieuse, riche de Un film magnifique, d’une drôlerie, d’un Le Temps de vivre, près de cent films, et mystérieuse : il y a anticléricalisme délirant ! Marco Ferreri de Bernard Paul les incontournables, Godard, Welles, et était un homme charmant, un copain Que la fête commence, cette Princesse de Clèves version Jean avec lequel je me suis tout de suite mer- de Bertrand Tavernier Delannoy qui exaltait sa beauté. Mais veilleusement entendue. Je me souviens Bertrand Tavernier était l’attaché de aussi des œuvres plus rares, des « films de cette fois où, de façon impromptue, presse de ce film militant de Bernard orphelins », qui sont parfois les sommets après qu’on avait tourné sur la plage d’Os- Paul, sur la classe ouvrière, que j’aime de parcours de cinéastes moins célébrés. tie, il s’était déshabillé et avait plongé beaucoup. Nous l’avons fini pendant les « C’est toute l’histoire de ma carrière, dans la mer. Je l’avais suivi ! Il m’avait grandes grèves de mai 68, on nous avait j’ai toujours privilégié les textes et les raconté qu’il avait fait partie des plon- permis de continuer à cause du sujet. On rôles, sauf quand j’avais vraiment besoin geurs d’attaque de l’Italie fasciste. Lui, l’a présenté dans toute la France, avec d’argent ! » En témoignent les films rares l’anarchiste ! des débats. On était une bande formi- qu’elle a choisis pour cet hommage lyon- Le film m’a valu le Prix d’Interprétation dable : Bernard Paul, Françoise Arnoul nais. « Je suis heureuse de l’invitation du au Festival de Cannes 1963. Je ne m’y qui était sa compagne, Michel Cournot. Et festival Lumière. Généralement, on me attendais pas du tout. On m’a prévenue Bertrand. Je crois que c’est le souvenir de ©DR dit : tiens, tel film a été restauré, peux-tu la veille, je suis tombée de ma chaise, j‘ai nos gueuletons, ces soirées où l’on rigo- Que la fête commence (1974) venir le présenter ? A Lyon, j’ai choisi les vite enfilé une petite robe noire ! lait et chantait, qui lui a donné l’idée de films que je voulais montrer. » Elle nous LES FILMS DU JOUR me faire jouer la favorite du Régent dans explique ses choix. Un amour de Tchekhov, Le Temps de vivre Que la fête commence. Il a senti quelle > PATHÉ BELLECOUR, 16h30 de Sergueï Youtkevitch bonne femme j’étais réellement : au fond, Un amour de Tchekhov Avant le déluge, J’y tiens beaucoup. Un film sur Tchekhov, je ne suis pas la Princesse de Clèves, je > LUMIÈRE BELLECOUR, 17h15 d’André Cayatte mon auteur préféré ! En russe ! J’étais suis plutôt la Marquise de Parabère ! Que la fête commence C’est mon premier grand rôle français une star en Russie depuis le succès de > CINÉMA COMŒEDIA, 19h30 après dix films en Italie. J’ai débuté à La Sorcière, en 1956, un beau film tiré — Propos recueillis par Aurélien Ferenczi PRIX LUMIÈRE J-1 LUCIDITÉ Coppola, « Je n’ai jamais cinéaste fait de films réalistes » joueur ©DR Coup de coeur (1982) Lors de sa Master class, A la période des grands succès succède celle des expérimentations, Marco Bellocchio a parlé plus fécondes esthétiquement que financièrement. avec modestie de sa méthode de cinéma. Au tournant des années 80, Francis Ford le succès est mitigé mais ces deux pépites Coppola entame une période paradoxale et restent des bornes importantes dans la filmo passionnante de sa carrière. Il sort triomphant du cinéaste. Outsiders est un teenage movie Une œuvre modérée de la décennie 70, avec une enfilade de chefs- à la patine vintage où des rebelles sans cause « Je suis un anarchiste non violent, un révolu- d’oeuvre qui furent aussi des succès, parfois gribouillent les graffitis américains des bandes tionnaire modéré. Je me suis parfois trompé, énormes : Le Parrain 1 & 2, Conversation secrète adolescentes. mais j'ai toujours réalisé ce qui me passait par et Apocalypse now, ces deux derniers récol- Rusty James est resté culte auprès des ciné- la tête, sans jamais faire attention à la cohé- tant chacun la palme d’or cannoise. Coppola philes français. Coppola y fait feu formaliste rence de mon travail. Je suis contre l'autorité était alors le roi de la critique et du box-office, de tout bois, déployant un somptueux noir des pères mais je suis contre la violence. Je l’un des nababs du Nouvel Hollywood. En pas- et blanc parfois piqueté de couleurs, jouant suis contre le terrorisme et ceux qui tuent au ©Jean-Luc Mège sant les années 80, sa fortune commerciale va avec les cadrages et les focales, compensant nom d'un symbole. » dévisser non sans produire quelques étincelles par une fête sensorielle totale la légèreté des Le réel artistiques. enjeux dramaturgiques. Pendant trois ou Le pouvoir du cinéma « Je ne suis pas historien et je ne fais pas du Il va d’abord s’attacher à développer son studio quatre années, Coppola aura risqué sa fortune, « A mes débuts, on était tous convaincus que le cinéma pour rester fidèle à la réalité. Je n'ai Zoetrope en produisant les films de réalisa- sa place au sommet et son crédit hollywoodien cinéma pouvait changer les choses. Mais je me d'ailleurs jamais réalisé de films réalistes. teurs amis ou protégés. Hormis Kagemusha pour expérimenter de nouvelles façons de pro- rends compte que c'était un peu naïf de penser Parfois, des images qui ne sont pas dans mes (autre Palme d’or), ces films n’ont pas marqué duire et de réaliser : pour un cinéaste de cette qu'il pouvait être une arme. Il y a eu toutefois scénarios me viennent et je procède alors à leur époque et se sont avérés des échecs finan- envergure et de ce statut, le geste fut aussi rare une période, dans le cinéma italien, où tous les de petites corrections. J'aime souligner des ciers. Sous sa casquette de cinéaste, Coppola qu’admirable. — Serge Kaganski films se positionnaient en opposition au pou- choses de façon provocante, en sortant des a envie d’expérimenter.

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