D'artagnan Capitaine Des Mousquetaires Du

D'artagnan Capitaine Des Mousquetaires Du

D'ARTAGNAN CAPITAINE DES MOUSQUETAIRES DU ROI HISTOIRE VÉRIDIQUE D'UN HÉROS DE ROMAN PAR CHARLES SAMARAN PARIS - CALMANN-LÉVY - 1912 CHAPITRE PREMIER . — LA LÉGENDE DE D'ARTAGNAN. CHAPITRE II . — AU PAYS NATAL DE D'ARTAGNAN. CHAPITRE III . — LE MIRAGE DE PARIS. CHAPITRE IV . — D'ARTAGNAN AUX GARDES. CHAPITRE V . — D'ARTAGNAN AUX MOUSQUETAIRES. CHAPITRE VI . — D'ARTAGNAN EN MÉNAGE. CHAPITRE VII . — D'ARTAGNAN ET FOUQUET. CHAPITRE VIII . — VERS LE BÂTON DE MARÉCHAL. CHAPITRE IX . — D'ARTAGNAN, GOUVERNEUR DE LILLE. CHAPITRE X . — LA MORT DE D'ARTAGNAN. APPENDICE . — HOMONYMES ET PARENTS DE D'ARTAGNAN. DOCUMENTS. CHAPITRE PREMIER. — LA LÉGENDE DE D'ARTAGNAN. Alexandre Dumas, les Trois mousquetaires et la popularité de d'Artagnan. — Le père du roman historique en France : Gatien Courtils de Sandras, sa vie, ses œuvres. — Les Mémoires de M. d'Artagnan. — Leur mérite littéraire et leur valeur historique. — Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan devant l'histoire. De tous les noms nimbés de gloire que la légende et l'histoire nous ont transmis, peut-être n'en est-il pas de plus populaire, en France et même ailleurs, que celui de d'Artagnan 1. Qu'il serve à désigner les lions les plus redoutés des ménageries ou les larges chapeaux de feutre que le négociant astucieux place sous cette protection illustre, ce nom prestigieux n'est jamais invoqué en vain. Il fait recette. D'Artagnan, c'est le Gascon, disons mieux le Français par excellence, à l'esprit juste et alerte, au corps souple et vigoureux, au cœur bon et compatissant, qu'aucune difficulté ne trouve en défaut, que n'effraie aucun danger, qu'aucune infortune ne laisse insensible, habile enfin au jeu de la finesse comme au jeu de la force, mais toujours loyal et brave comme son épée. Cette renommée universelle, Charles de Batz-Castelmore, dit d'Artagnan — ce sont les seuls noms et titres que notre héros ait le droit de porter devant l'histoire — n'en a joui ni de son vivant ni même longtemps après sa mort. Ce fut assurément un brave gentilhomme, un homme de guerre expérimenté, à l'occasion un adroit diplomate, et, en toutes circonstances, un Gascon souple et délié sans être courtisan. Il sut gagner la sympathie de tous, même de ceux dont il fut obligé, par devoir professionnel, d'assumer la garde dans les prisons du roi : Fouquet et Lauzun par exemple. Quand il mourut, en valeureux soldat, chacun exalta à l'envi la conscience, le zèle, la bravoure, la générosité du parfait galant homme qu'il était. Mais là s'arrêta sa gloire, car — il faut bien le dire — c'est à des chances fort imprévues que d'Artagnan a dû son immense fortune posthume. Et d'abord, quelque trente ans après sa mort, un publiciste de talent s'avisa de fabriquer et d'imprimer sous le nom de d'Artagnan de prétendus Mémoires 2, où le capitaine-lieutenant des grands mousquetaires du roi était censé raconter beaucoup de choses qu'on n'osait guère dans ce temps-là imprimer qu'en Hollande ; et qui tiraient de cette circonstance l'attrait, toujours irrésistible, du fruit défendu. Ensuite, beaucoup plus tard, un exemplaire de ces Mémoires 1 Il faudrait dire Artagnan , sans particule, ou monsieur d'Artagnan . Le mousquetaire signait soit Charles de Castelmore d'Artagnan , soit Artagnan tout court, conformément à l'usage de son temps. Nous avons perdu, pour la plupart, le sentiment de ces nuances, et d'ailleurs la petite erreur de Dumas père s'est tellement répandue que ce serait jeter, sans raisons sérieuses, le trouble dans l'esprit de nombreux lecteurs que de ne pas laisser à d'Artagnan le nom sous lequel il est universellement connu. 2 Mémoires de monsieur d'Artagnan, capitaine-lieutenant de la première compagnie des mousquetaires du roi, contenant quantité de choses particulières et secrètes qui se sont passées sous le règne de Louis le Grand , 1re édition Cologne, Pierre Marteau, 1700-1, 3 vol. in-12. — 2e éd. Amsterdam, Pierre Rouge, 1704, 4 vol. in-12, avec, en tête, un portrait gravé. — 3e éd. Amsterdam, Pierre de Coup, 1715, 3 vol. in-12. apocryphes, le premier volume tout au moins, vint à tomber sous la main d'un romancier, dont les dons merveilleux d'imagination, de vie, et — c'est une justice à lui rendre — d'intuition historique plaisaient tout particulièrement et n'ont pas, d'ailleurs, cessé de plaire au public français. L'auteur des Trois mousquetaires en fit son livre de chevet et en tira, avec Auguste baquet, la matière de nombreux volumes. Sous couleur de conter les aventures plus ou moins authentiques d'un personnage bien placé pour pénétrer les secrets de la cour du grand Roi, Gatien Courtils de Sandras avait peint de couleurs vives, mais un peu suspectes, l'époque de Mazarin et de Louis XIV adolescent. Alexandre Dumas, lui, se dégagea plus délibérément encore des scrupules de l'historien. A meilleur titre que les Mémoires fabriqués par Courtils, son œuvre est du roman beaucoup plus que de l'histoire. Sans doute, il a narré assez exactement des épisodes tout à fait réels, brossé, non sans vérité, le portrait de personnages connus de tous, mis très habilement en œuvre quelques bonnes sources contemporaines, comme par exemple les curieux Mémoires du jeune Brienne pour l'évasion du duc de Beaufort, la maladie et la mort de Mazarin. Mais il est clair que c'est à Dumas, et à lui seul, que d'Artagnan doit d'être devenu comme une manière de héros national. Grâce à lui, ce nom magique, sonnant clair et haut, vibrant comme un appel aux armes et claquant comme un drapeau, séduira longtemps encore, j'imagine, les bonnes gens de France. De ces deux promoteurs de la gloire du Mousquetaire, le second, c'est-à-dire l'auteur des Trois mousquetaires , de Vingt ans après et du Vicomte de Bragelonne , n'a pas besoin d'être présenté. On n'en saurait dire autant du premier. Gatien de Courtils était, au dire du Père Lelong qui paraît l'avoir connu, un homme de grande taille et de haute mine, et qui avait de l'esprit, mais tourné du côté : de l'intrigue. Sa biographie présente bien des obscurités. Il naquit vers 1641 à Paris 1, et s'il se dit lui-même dans divers actes de la paroisse de Chuelles (Loiret) , c'est seulement parce qu'il y possédait le petit château du Verger, où le peintre Girodet vécut après la Révolution, et qui existe encore 2. Il était fils de Jean de Courtils, seigneur de Tourly, et de Marie de Sandras, dont il prit aussi le nom quand elle fut morte 3. Gatien de Courtils fut marié trois fois. On ne sait rien de sa première femme. La seconde, qu'il prit vers l'âge de trente-quatre ans, le 14 mars 1678, s'appelait Louise-Barbe Pannetier. La troisième et dernière, épousée à Paris, le 4 février 1711, était veuve comme lui. Elle avait nom Marguerite Maurice, veuve d'Amable Auroy, libraire 4. Courtils ne survécut guère à cette union. Il mourut le 8 mai 1 Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres , II, 1729, p. 165-177, et surtout les corrections au t. X, 1re partie, p. 86-87. Il y a aussi quelques bons renseignements sur Courtils dans Lelong, Bibl. hist. de la France , 1re éd., 1719, p. 980 et s. ; 2e éd., III, 1771, p. XLII -XLIII . 2 Pignard-Péguet, Histoire générale illustrée des départements. Loiret , 1910, p. 696. 3 Niceron (X, 1re partie, p. 86-7) dit qu'à Paris il s'appela toujours Courtils de son nom de famille, et Sandras du nom d'une terre de Normandie que son père aurait perdue au jeu. Niceron ne croit pas à ce détail, que la veuve de l'écrivain, interrogée par lui, ne put démentir ni confirmer. 4 Jal, Dictionnaire critique d'histoire et de la littérature , 442-3. — Sur la famille de Courtils, voir principalement le volume 909 des Pièces originales à la Bibliothèque nationale. C'est probablement un de ses parents que Charles de Courtils, écuyer, 1712 à Paris, rue du Hurepoix (quai des Augustins) , chez M. de Billy, libraire à l'Image Saint-Jérôme, gendre de sa femme, et le lendemain on le porta en terre au cimetière de Saint-André-des-Arcs, sa paroisse 1. La carrière militaire et littéraire de Gatien de Courtils ne paraît pas avoir été moins agitée que sa vie conjugale. D'abord cornette au Royal-Étranger, il avait, lors de son second mariage, en 1678, le grade de capitaine au régiment de Beaupré-Choiseul, et Beuchot, dans la Biographie Michaud, dit qu'il fut aussi capitaine au régiment de Champagne. La paix de 1678 lui ayant procuré des loisirs, il lui vint à l'esprit de les utiliser en commençant la série des innombrables ouvrages qui lui valurent, en même temps que de réels succès de librairie, quelques exils et au moins deux emprisonnements à la Bastille 2. Courtils de Sandras, ou Sandras de Courtils, qu'on a appelé un des primitifs du roman moderne 3, fut un des auteurs les plus féconds et, semble-t-il, un des pamphlétaires les plus redoutés de son époque. Dans une série de volumes, bien entendu anonymes, il s'attaque Louis XIV lui-même, publiant successivement : Les conquestes amoureuses du grand Alcandre dans les Pays-Bas, avec les intrigues de sa cour (Cologne, Pierre Bernard, 1681) , Les dames dans leur naturel, ou la galanterie sans façon sous le règne du grand Alcandre (Cologne, Pierre Marteau, 1686) , Le grand Alcandre frustré (Cologne, Pierre Marteau, 1696) , Les annales de la cour et de Paris pour les années 1697-1698 (Cologne, Pierre Marteau, 1701) .

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