ATLAS DE LA PROVINCE EXTRÊME-NORD CAMEROUN Planche 9 La structure du commandement indigène avait été conçue sur le modèle peul. Le canton correspondait au lamidat et le groupement au lawanat. Dans le reste de la plaine, chez les Fulbe comme chez les Mandara, leur organisation politique traditionnelle avait été plus ou moins entérinée. Des rectifications dues aux fron- tières ont été apportées, car une chefferie ne pouvait déborder les frontières coloniales, ni d’ailleurs les limites de subdivision. Le canton de Mokolo fut ainsi créé pour détacher de Madagali les Fulbe de la région. Les lamidats de Doumrou et de Guidiguis ont été instaurés afin que les Fulbe ne soient plus rattachés à leur centre de Binder (au Tchad). Kalfou ne régnait plus que sur son aire de peuplement peul et des zones de no man’s land et la tenta- tive d’installation de son lamido à Domo fut éphémère. La circonscription de Maroua comptait encore trois lamidats : Maroua, Bogo et Mindif. ÉVOLUTION DE L’ORGANISATION Petté, ingouvernable, avait été rattaché à Maroua. Chacun d’eux était subdivisé en lawanats relativement homogènes. Le statut des chefs fut promulgué le 4 février 1933, il ne sera complété que bien plus POLITICO-ADMINISTRATIVE tard par un texte sur l’« organisation des chefferies traditionnelles » du 15 juillet 1977. Les chefs, présentés comme « auxiliaires de l’administration » sont notamment chargés : « 1. de transmettre à la population les directives des autorités administratives et d’en assurer l’exécution; « 2. de concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, au main- tien de l’ordre public et au développement économique, social et culturel de leurs unités de commandement; Olivier I YÉBI-MANDJEK, Christian S EIGNOBOS « 3. de recouvrer les impôts et taxes de l’État et des autres collectivités publiques, dans les conditions fixées par la réglementation. » La hiérarchie des « chefs indigènes » comprend des chefs supérieurs, éventuellement assistés de chefs de groupement et de chefs de villages. L’arrêté confirme les chefs dans leurs prérogatives traditionnelles. Il prévoit, en son article 4, un salaire pris sur les impôts de capita- tion collectés, qui prendra la forme d’une ristourne jamais tout à fait officialisée. Ce système n’affecte en rien la perception des redevances coutumières, dont la fameuse zakkat. Parmi leurs domaines de compétences, un tribunal coutumier est maintenu pour le règlement de délits mineurs. Ses décisions sont soumises à l’approbation des chefs de L’évolution de l’organisation administrative de la Province suit une constante, celle de se Les Allemands n’eurent guère le temps d’aménager l’espace conquis. Séduits par l’orga- Le statut militaire de Mokolo lui permet de disposer de cadres européens nombreux et de subdivision. superposer aux encadrements politiques traditionnels. Elle a d’abord entériné les grands nisation politique des peuples musulmans, ils confirmèrent dans leur pouvoir une dizaine de détachements de gardes. Elle prend alors l’appellation de Margui-Wandala, associant le nom Par ailleurs, l’instauration du régime de l’indigénat (cf. Glossaire) accroît la puissance ensembles, sultanats et lamidats, puis les découpages administratifs ont repris des principau- sultans et de lamidos (Goulfey, Kousseri et Logone-Birni pour les Kotoko; le sultan du Wan- du royaume du Wandala à celui de Margui, terme par lequel se désignent les populations des chefs traditionnels et leur permet des exactions, contre lesquelles le pouvoir colonial ne tés musulmanes secondaires ou des sous-groupes ethniques. dala ; les lamidos de Maroua, Mindif, Bogo, Binder, Kalfou et Madagali dont dépendait Kapsiki au sud de Mokolo. sévissait que lorsqu’elles engendraient des troubles. Dans le cadre des pratiques tradition- Jusqu’à nos jours, même en les morcelant pour mieux les contrôler, le découpage admi- Mokolo). Cette période est dominée par la politique d’« apprivoisement » des kirdis. Les solutions nelles, certaines, pourtant proscrites, ont perduré. Ainsi, jusqu’à la fin du régime militaire, un nistratif s’est déterminé en fonction des chefferies traditionnelles ou des entités ethniques. Ce découpage territorial ignorait l’existence des groupements païens demeurés indépen- apportées au problème furent diverses selon l’administration mandataire, militaire, puis civile. grand nombre de chefs furent arrêtés pour « faits de traite » ou connivence avec des bandes Ainsi, les chefferies ont perduré et subsistent aux côtés des rouages de l’administration; dants et placés de facto sous l’autorité des musulmans. Le lamido de Bogo commandait ainsi Il s’agissait en fait de l’application de deux méthodes radicalement différentes. de voleurs. mieux, elles en sont les rouages ultimes, les relais en direction des populations. les Musgum de la rive gauche du Logone. Les limites du lamidat de Kalfou atteignaient à l’est Les militaires, surtout au début, poursuivirent la politique allemande et la solution au Toutefois, la hiérarchie des pouvoirs traditionnels connut bien des vicissitudes, comme en virtuellement les confins du Baguirmi, incorporant des groupes masa et viri. Binder et Mindif problème païen résidait dans une certaine conformation aux us et coutumes politiques des témoigne le rapport semestriel n° 2 du chef de circonscription de Maroua en 1932 : « À la se partageaient le commandement des Mundang, des Giziga et des Tupuri. Maroua prétendait peuples musulmans. Cette politique n’a fait que renforcer la fronde des groupements païens suite de multiples circonstances, dont la principale est la vente des charges, le nombre de L’organisation politique précoloniale régner sur les Giziga Nord et les Mofu. Entériner les prétentions peules et wandala à gouver- envers l’administration. Jusqu’en 1923 et même au-delà, les opérations de police se succé- chefs s’était multiplié au point où le laouane n’était plus qu’un chef de village, le djaouro un ner les groupes haa’be voisins avait pour les Allemands, outre l’intérêt de réduire leur enca- daient contre les païens. De Midjivin-Boboyo jusqu’en pays musey, en passant par les monts chef de quartier et l’ancien djaouro fatoude un chef de famille agrandie. Le commandement Les systèmes politiques traditionnels sont très variés. On a toutefois l’habitude de les drement administratif, celui de pousser à l’assimilation des populations dont ils tenaient les Mandara, les campagnes de pacification se justifiaient toutes par le non-paiement de l’impôt, ainsi éparpillé devenait difficile, l’autorité s’affaiblissait. Les inconvénients du système ne tardè- classer schématiquement en deux groupes : les groupes politiquement structurés et les sys- cultures en piètre estime. les coups de main contre les musulmans, l’attitude de méfiance et d’évitement envers l’admi- rent pas à apparaître : recrutement pénible des travailleurs, difficulté de les maintenir sur les tèmes dits acéphales. Les pouvoirs musulmans avaient rapidement collaboré avec l’administration militaire alle- nistration. L’incident qui déclenchait le cycle agression-répression était souvent l’attaque de chantiers, rentrée tardive de l’impôt, opération de recensement malaisée, etc. ». Les Fulbe eux- Ils sont corrélés à des modes d’occupation des terres et à la religion. Aux densités mande qui, grâce à leur concours, leur permettait d’obtenir ce qu’ils n’avaient pu avoir en un l’émissaire du chef de subdivision, choisi parmi les notables du lamido. mêmes faisaient la différence entre les lamidos ou lawans lesdi (de la terre, sous-entendu issue modérées et à la présence de l’islam correspondent les systèmes politiques centralisés, alors siècle de lutte sur le terrain. Pour asseoir cette domination, les Allemands avaient distribué Il fallut, par exemple, plus de trois campagnes successives, des moyens importants en de la conquête), et les lamidos ou lawans gomna (du gouvernement). qu’aux fortes densités et à la pratique des religions traditionnelles correspondent des organisa- aux chefferies musulmanes un armement symbolique (parfois plus redoutable comme dans le hommes et en armement, et des centaines de morts pour ramener un semblant d’ordre chez cas du lamidat de Madagali). Ils leur prêtaient le concours de colonnes de miliciens pour les Giziga Sud et les Mundang (BEAUVILAIN, 1989 : 316) ; autant de moyens et de pertes tions de type acéphale. Les encadrements politiques centralisés intéressent les plaines Les administrateurs civils, de 1932 à 1950 ouvertes, tandis que les groupes refoulés sont « retranchés » dans les montagnes et les zones mener des opérations de pacification. humaines pour briser la résistance des montagnards, Mofu et Uldeme. Les campagnes contre amphibies à végétation touffue. Les lamidos invoquaient le fait que les païens refusaient de payer (souvent en presta- les Musey furent encore plus nombreuses pour une pacification sans cesse remise en ques- L’administration civile s’est mise en place à des époques différentes selon les régions de Les formations politiques islamisées se caractérisaient par une organisation hiérarchisée tions) ce qu’ils considéraient comme un tribut; qu’ils étaient réfractaires aux levées d’impôts, tion. Les Musey du Tchad, de l’autre côté de la frontière, ne commenceront à payer l’impôt la province (5). Elle sera la plus tardive pour les monts Mandara où elle contribuera à l’éman- reposant sur une lignée dynastique assistée par des conseils souvent spécialisés. Les charges lesquelles s’apparentaient davantage à du brigandage. Cette situation entretenait un état de qu’en 1936. cipation des païens. En plaine, elle va parfaire le travail des commandants. de notables étaient héréditaires ou laissées à la discrétion du prince. L’ensemble de ces insti- révolte endémique chez les haa’be de plaine, comme chez ceux des monts Mandara. L’accord Tactiquement, l’administration française reprit la théorie des « postes mobiles » en pays Le plus grand changement en plaine est la création du poste de Kaélé en 1937 suivi de tutions reposaient sur les prélèvements de taxes, de tributs et sur la razzia qui, idéologique- franco-allemand de 1911, en modifiant les frontières, notamment par la cession du Bec-de- païens que préconisaient, dès 1912 les Allemands (capt.
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