Jean GOURBIL VIEILLES CROIX DU PAYS DE DINAN REMERCIEMENTS - Pour les documents concernant les communes :S. de Pontbriand (maire de Trégon), P. Legemble (Fréhel), Mme Fixot (Plouasne), G. Le Pannetier de Roissay (Guenroc), P. Guguen (Ploubalay), Culture et Loisirs (Pluduno), R. Briand (Vildé Guingalan), L. Durand (Bourseul), E. André (Languédias), M. Mauffret (Plouër). - Pour leur concours photographique : A. Robert (couverture et pages de garde), Ph. Mayonobe, Y. Arcelin. - Pour les dessins IX, 13 et IX, 14 : M. Réauté. - Pour la dactylographie : M. Harivel Une gratitude particulière à l'abbé E. Royer qui a volontiers accepté de préfacer cet ouvrage et à l'abbé Y.-P. Castel dont les conseils éclairés ont fait de ce livre ce qu'il est. Un merci particulier à L.-R. Vilbert, bibliothécaire de la ville de Dinan. Légendes Couverture : Croix de la Mettrie en Saint-Juvat. Pages de garde : Croix de la Noë en Calorguen, Croix de la Jeannais en Saint-Méloir-des-Ondes. e Ed. Jean-Marie PIERRE et Jean GOURBIL ISBN 2 903999 10 4 A Maëla, Suliac et Laouig Avec la participation : du "Pays de Dinan" de la "Rue des Scribes" et du Conseil général des Côtes d'Armor LIMINAIRE Immuables, apparemment impassibles, les croix de Bretagne vivent. Elles regardent sans stupeur, défiler la foule bigarrée des peuples qui passent, venus des quatre horizons du monde. Le message qu'elles portent, secret pour tant d'entre eux, ne demeure pas totalement caché. Qui ne perçoit, au moins confusément, la fidélité robuste de ceux qui les ont dressées dans la simplicité de leur coeur ? Les images de Jean Gourbil rendent intensément présents trois cent cinquante monuments, d'un riche patrimoine qui en compte plus de mille. Ainsi, l'atlas, complet et rêvé, des croix et cal- vaires de Bretagne s'enrichit considérablement. Les initiatives se multiplient. Ici, au pays de Dinan, les croix immémoriales, au travers des vicissitudes temporelles, ressuscitent. Yves-Pascal Castel, Croix Saint-Hubert en Landébia Vice-président de la Société archéologique du Finistère. ARRONDISSEMENT DE DINAN PRÉFACE Un jardin public, aux frontières de la Bretagne. Un Savoyard en vacances. Je le rencontre au cours d'une promenade matinale. "Vous habitez un beau pays", lui dis-je. L'homme détourne la tête, regarde ailleurs. De ses lèvres tombent ces paroles tristes comme feuilles mortes : "La montagne, c'e3t comme le reste. On s'y habitue. On finit par ne plus la voir". Cette phrase m'atteignit comme un coup de fouet au visage. Bien sûr, "on" peut s'habituer à tout. Devenir sourd au chant de la mer, aveugle aux mouvances saisonnières des monts et des plaines. Arpenter les chemins de Bretagne sans apprécier l'éclat des ajoncs ni la discrétion de la bruyère. Sans poser un regard sur l'une, sur quelques unes des milliers de croix qui depuis des siècles jalonnent l'espace breton et singulièrement les terres de l'Eglise celtique. Jean Gourbil a exploré le Penthièvre, le Méné, le Poudouvre, les territoires des anciens diocèses de Saint- Brieuc, de Saint-Malo, de Dol même, de part et d'autre de la Rance, avec une attention privilégiée pour le pays de Dinan. Il a visité les placîtres d'églises et les "champs des morts", il a fureté dans les chemins, scruté les talus, identifié de nombreuses anciennes croix de pierre. Il les a répertoriées, situées sur des cartes, canton par canton. Il a assorti chaque croix d'un bref commentaire pour parfaire notre initiation. Chaque croix est dessinée à points très fins. C'est pour nous un avant-goût qui suscite le désir de la vision directe. Car Jean Gourbil nous invite à marcher sur ses traces. En sa compagnie, allons à la rencontre de ces anciennes croix, repères sur les itinéraires terriens de jadis, lieux sacrés pour la prière familiale ou collective, oraisons lapidaires dispersées à travers la campagne ou croix J'aimerais brièvement évoquer trois étapes célèbres sur processionnelles illustrées de personnages, dressées (et cet itinéraire. jadis uniques) dans le champ du repos, invitant les croyants La croix dite du "Saint-Esprit", dans un quartier de d'hier et d'aujourd'hui à progresser dans l'espérance. Léhon qui porte ce nom. Ce panneau finement ouvragé, de Stèles à peine dégrossies, dont les bras ne sont que l'époque gothique, a subi l'usure du temps mais nous protubérances de granit, comme celles de la Peyronnais apprécions la qualité de l'ouvrage. Comme dans toutes les (Le Minihic sur Rance) ou du Bos de l'Iff (Plénée-Jugon). croix normalement disposées, le Christ, tourné vers Vielles croix monolithes, témoins d'une foi millénaire, l'occident, accueille la prière des chrétiens qui le prient en voisinant avec les herbes et les ronces sur le talus de la Ville regardant vers le soleil levant. C'est aussi "l'orientation" Morvan (Yvignac) ou solidement dressée devant l'église des églises. Au verso, nous voyons le triomphe de la de Brusvily. Cette croix massive est ornée d'un triple cercle Vierge. à la croisée des bras. A Landébia, jaillissant d'un socle dont les quatre faces Croix à double traverse qui n'ont pas encore révélé sont illustrées chacune d'un évangéliste représenté par son l'intention qui en inspira le dessein. L'une d'elles est érigée symbole, un fût élancé est dressé au milieu d'une table non loin de l'église de Trébédan. A La Noë, elles sont deux, d'offrande. Cette disposition est assez fréquente dans la associées sur un même socle. Naissance ou mort d'un région de Dinan. Tout en haut se découpe dans le ciel un couple humain ? panneau ajouré habité par une douzaine de personnages. Croix dont les bras sont reliés par un cercle de pierre, Les croyants du XVe siècle et du XVIe siècle semblaient dans le cimetière de Tressaint ou au lieu-dit "Le Paradis" refuser de laisser Jésus dans la solitude amère d'une dolente en Saint Juvat. mort. Croix historiées d'un Christ crucifié. Il a fallu des siècles Sur le placître de Saint Maudez est érigée une merveille. pour que l'iconographie chrétienne accepte la représentation Un soubassement et un socle imposants portent très haut la du Christ mourant sur une croix. La crucifixion était un naissance du fût. Sur le socle, un tore ouvragé est habité de supplice réservé aux esclaves. Dans l'ensemble de la personnages à genoux qui semblent entraînés dans un Bretagne, le visage de Jésus en croix est toujours empreint incessant mouvement circulaire. Le costume de quelques- de sérénité. Une exception (due peut-être à la naïveté du uns a fait donner à cette croix le nom de "Croix des ciseau de l'artiste) est le Christ grimaçant et torturé de chevaliers". Le fût, -il serait plus exact de dire la hampe- douleur de la croix de Saint Juvat, (près de l'église). jaillit de cet ensemble et porte en son sommet un bloc Sur la petite croix à panneau, proche de l'église de Ruca, sculpté à deux étages : un chapiteau où des personnages se la courbe des bras de Jésus semble l'élever vers le ciel dans tiennent dans l'attitude de la louange, et un panneau dont un élan d'allégresse. Non loin, au lieu-dit Le Fays (en l'auvent abrite à l'ouest une crucifixion et face à l'est, Hénanbihen), en haut d'un élégant fût cannelé, la croix éclairée parle soleil levant, une Vierge couronnée présente principale est surmontée d'une autre petite croix invitant le sur son bras l'Enfant de la re-naissance. regard à se laisser emporter dans une mystérieuse ascension. Je vous le disais, Jean Gourbil nous propose un Tournez les pages du livre de Jean Gourbil. Suivez son merveilleux voyage à l'écoute des pierres silencieuses, conseil. Avancez sur "les chemins de croix" qui s'offrent à mais chargées d'âme. vous. Vous connaîtrez des moments de bonheur. Pardonnez- moi le jeu de mots : les croix, c'est une vraie passion ! Eugène ROYER HOMMAGE AUX CROIX DU PAYS DE DINAN Croix de bois éphémères, croix de fer croix de granit défiant les siècles, toutes dignes de notre respect. Croix-menhirs du milieu des ajoncs, croix rustiques du Haut Moyen Age, nouveaux bétyles des croyants, Croix des Pestiférés de Merdrignac, croix des Défas de Guenroc, mémoriaux des pestes si funestes. Croix pieusement fleuries des carrefours croix couronnées d'épines des talus et croix victimes de la tempête ou de l'oubli. Croix celtiques au nimbe irréprochable de Mégrit, de Tressaint... et croix curieuses à double traverse. Calvaires ouvragés de Landébia, de Saint-Juvat... des Templiers en Saint-Maudez et du Saint-Esprit en Léhon. Croix toitées aux rampants fleuronnés abritant le Crucifié et la Vierge à l'Enfant. Croix légendaires : dix croix de Plouër croix des sept loups en Médréac croix des sept crimes en Plélan. Croix des gibets de Plouër, de Languédias, croix centrales des champs des morts, pierres d'attente d'une résurrection future. Croix votives des terre-neuvas, amers attendus Placître de l'église de Trévron au retour de leurs dures campagnes, et croix des amoureux de Plélan. Croix des chemins, croix-repères sur les chemins creux des chemineaux et sur les chemins chaussés des pèlerins. Croix honorées les jours de fête croix hosannière du matin des Rameaux et croix stations des Rogations. Croix écotée, tel le tétard son compagnon, arbre mort désormais mais aux racines si anciennes. Croix armoriée, croix pattée, croix tréflée, croix enterrée sous la Révolution et ressurgie en des temps meilleurs. Croix, témoins muets des générations passées croix lourdes des peines et des espoirs des hommes du terroir.
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