Document generated on 09/30/2021 8:48 a.m. Ciné-Bulles Le cinéma d’auteur avant tout Le choc des certitudes Redacted de Brian De Palma Jozef Siroka Volume 26, Number 1, Winter 2008 URI: https://id.erudit.org/iderudit/60811ac See table of contents Publisher(s) Association des cinémas parallèles du Québec ISSN 0820-8921 (print) 1923-3221 (digital) Explore this journal Cite this review Siroka, J. (2008). Review of [Le choc des certitudes / Redacted de Brian De Palma]. Ciné-Bulles, 26(1), 63–64. Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 2008 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ ginalisée à cause de ses origines. Ses pro­ aux personnages, des figures très atta­ caméra vidéo opérée par un soldat qui rêve blèmes d'adaptation, vécus dans la solitude, chantes. de joindre une école de cinéma. accentuent sa crise d'adolescence entre ses relations amicales douteuses, la déception Récit inspiré du quotidien, Persepolis évo­ Si le concept est intellectuellement hono­ d'un premier amour et la consommation que certains films d'Abbas Kiarostami et rable, sur le plan visuel, le résultat tombe abusive de drogues. Après ses années d'étu­ donne de l'Iran un visage beaucoup plus à plat. L'esthète en De Palma semble empê­ des à Vienne, Marjane revient en Iran où nuancé, livrant un message de paix et de cher toute intrusion naturaliste : la qualité elle peine également à s'intégrer. Ses an­ tolérance. • de l'image (celle de la caméra vidéo) est ciennes amies la jugent et elle accepte mal trop définie et le cadre trop stable pour les atteintes à ses libertés. donner l'impression d'un travail d'amateur. Persepolis Mais le principal problème se situe dans Persepolis est d'abord une bande dessi­ 35 mm / coul. et n. et b. / 95 min / 2007 / l'interprétation. On semble parfois assister née en quatre tomes de Marjane Satrapi. anim. / France à une séance de casting de groupe où cha­ Dans l'adaptation cinématographique, on Réal., scén. et image : Marjane Satrapi et Vincent cun tente d'attirer l'attention en parlant y retrouve la même identité visuelle, ces Paronnaud plus fort que l'autre. traits simples en noiret blanc. En revanche, Mus. : Olivier Bernet le regard neuf apporté par le bédéiste et Mont. : Stéphane Roche Prod. : Xavier Rigauld et Marc-Antoine Robert Les scènes les plus intéressantes provien­ coréalisateur du film, Vincent Paronnaud, Dist. : Métropole Films nent d'un pastiche du documentaire fran­ offre d'intéressants ajouts stylistiques. Une çais qui décrit le quotidien de soldats sur­ partie du film est consacrée à des récits veillant un barrage. De Palma semble se historiques iraniens qui sont créés dans un Redacted moquer des prétentions artistiques de ce univers rappelant celui des ombres chi­ de Brian De Palma type de projet; le commentaire transcen­ noises. Ces segments, de véritables pare­ • dant de la narratrice et les images léchées nthèses oniriques, offrent une dimension mythologique intéressante, inspirée de la sont complètement décalés de la réalité culture perse. De plus, l'humour, déjà pré­ Le choc décrite. Toutefois, il profite de cet inter­ sent dans la bande dessinée, s'affiche des certitudes lude stylistique pour insérer des référen­ d'une manière plus éclatante dans le film. ces cinématographiques qui donnent un C'est ainsi que Marx discute avec Dieu et peu plus de profondeur à son propos. La JOZEF SIROKA qu'une interprétation grotesque de la Grande Sarabande de Haendel, conjuguée chanson Eye of the Tiger par Chiara Mas­ à l'utilisation abondante de zooms lents, troianni nous est offerte. rian De Palma revient aujourd'hui rappelle bien sûr Barry Lyndon. Comme au film de guerre, plus en colère Kubrick, De Palma examine dans cette séquence le caractère répétitif et mono­ Les deux cinéastes ont choisi des tech­ B que jamais. En 1989, il signa niques traditionnelles. Voulant s'assurer Casualties of War, l'histoire d'une bande tone des rituels de ses personnages. Les que chaque dessin soit repassé au feutre de soldats américains qui violent et tuent zooms servent aussi à aplatir les soldats par une équipe spécialement formée, ils une jeune Vietnamienne sous les yeux contre leur environnement, évoquant ainsi ont réintroduit le métier de traceur, dis­ impuissants d'un jeune militaire idéaliste. leur déshumanisation en zone de guerre. paru du territoire français depuis une ving­ Redacted est en quelque sorte un remake De plus, un plan calquant le prologue de taine d'années. Le résultat de ce travail de son film sur le Vietnam avec, comme l'ultra-violent The Wild Bunch, où des patient se sent dans la pureté du dessin et différences notables, une autre guerre, l'ab­ fourmis rouges dévorent un scorpion, dans l'élégance de la ligne. Le style épuré sence de vedettes et une nouvelle appro­ présage l'horreur à venir. La séquence du permet une identification facile aux per­ che formelle. Exaspéré par les médias viol, filmée du point de vue du soldat sonnages. traditionnels qu'il considère comme des cinéphile avec une caméra en mode night outils de désinformation, De Palma réplique vision vissée sur son casque, contient assez Persepolis se distingue également par la avec un docudrame bien personnel qui se d'éléments pour déstabiliser le public, mais richesse de la bande sonore. Marjane et sa veut une vision épurée de la situation demeure dans le domaine de la violence mère, par exemple, sont doublées par une irakienne. Redacted prend les allures gratuite. Il n'y a pas de doute, la priorité mère et sa fille : Catherine Deneuve et d'un « dossier visuel » composé d'images du réalisateur est de choquer. Pour les Chiara Mastroianni. Ces deux voix don­ issues des médias du monde arabe, d'Inter­ réflexions existentielles sur les enjeux de nent un ton pince-sans-rire qui colle bien net, de moniteurs de surveillance et d'une la guerre, on repassera. CINF3L/Z.Z.ES VOLUME 26 NUMÉRO 1 .63 CRITIQUES Malgré ses nombreux défauts, il y a tout lui rappeler qu'il « n'a pas de couilles ». réveiller les esprits à sa cause dépasse les de même moyen d'apprécier Redacted en Passons maintenant de la table de poker considérations artistiques. le plaçant dans l'optique du cinéma com­ au Conseil de sécurité des Nations unies, mercial auquel De Palma a été associé il quelques semaines avant le début de la Si Redacted est assuré de ne pas entrer y a plusieurs décennies. Rappelons-nous guerre. Hans Blix, responsable des inspec­ dans le panthéon des classiques du genre, qu'avant les fades projets hollywoodiens teurs des stocks d'armes envoyés en Irak, il reste à savoir si ses qualités de contre- tels The Black Dahlia, Mission to Mars implore l'administration Bush de reconsi­ propagande porteront leurs fruits. L'objectif et Snake Eyes, il y a eu d'intrigants déri­ dérer son plan d'invasion, qu'il juge illé­ de toute propagande qui se respecte est vés de films d'horreur tels Sisters, Carrie gal. Le diplomate sera vilipendé pour ses d'indigner le public. S'attaquer principa­ et The Fury. Ces films empruntaient beau­ propos jusqu'au jour de sa démission. À la lement aux soldats et à leurs bas instincts coup à la culture subversive de la série B fin, la force l'a emporté sur le droit et les n'est peut-être pas le meilleur moyen où le deuxième degré porte bien plus de Américains ont bel et bien réussi à « bai­ d'identifier les vrais responsables de la sens que l'interprétation littérale du sujet ser l'Irak ». tragédie irakienne. • abordé. Manichéen, réducteur, violent, bourré de Cette prédisposition au récit métaphori­ stéréotypes, Redacted est un produit con­ Redacted que est bien illustrée dans la scène de la çu pour attirer la masse, pour passer un planification du viol. Des soldats assis message clair. L'intention n'est pas de 35 mm / coul. / 90 min / 2007 / fict. / États-Unis autour d'une table complotent leur som­ réaliser un Apocalypse Now ou un The Réal. et scén. : Brian De Palma bre dessein pendant une partie de poker. Deer Hunter et de méditer sur la perte Image : Jonathon Cliff Un dénommé Blix s'oppose, invoquant la des repères moraux. De Palma vise davan­ Mont. : Bill Pankow loi et l'inhumanité de l'entreprise. Le sol­ tage l'esprit de la certitude morale si bien Prod. : Mark Cuban, Jason Kliot, Simone Urdl, dat dissident, se démarquant du lot par ses exploitée dans les films militaristes de l'ère Joana Vicente, Todd Wagner et Jennifer Weiss imposantes lunettes et son appétit pour la Reagan (pensons à Commando ou à la série Dist. : Les Films Seville littérature, sera ridiculisé pour son man­ des Rambo). La fin justifie les moyens : Int. : Patrick Carroll, Rob Devaney, Izzy Diaz, Mike Figueroa, Ty Jones, Kel O'Neill, Daniel Stewart que de virilité et l'on ne manquera pas de l'acte politique du cinéaste, cet espoir de Sherman, Bridget Barkan, Zahra Kareem Alzubaidi Redacted 64 • VOLUME 26 NUMÉRO 1 CINFSULLES .
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