N° 374 ____________ SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004 Annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 2004 RAPPORT D’INFORMATION FAIT au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) par le groupe de travail (2) sur la délocalisation des industries de main-d’œuvre, Par M. Francis GRIGNON, Sénateur. (1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, M. Francis Grignon, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Gérard Cornu, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, MmeMarie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard Claudel, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial. (2) Ce groupe de travail est composé de : M. Christian Gaudin, président ; MM. Jean-Pierre Bel, Gérard Cornu, vice-présidents ; MM. Yves Coquelle, Bernard Joly, secrétaires ; M. Francis Grignon, rapporteur ; André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean-René Lecerf, Philippe Leroy, Max Marest, Jacques Moulinier, Bernard Piras, Daniel Raoul, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel. Emploi. PRÉFACE Rien n’est permanent, sauf le changement Héraclite d’Ephèse Délocalisations, désindustrialisation, mondialisation, moindre attractivité du territoire, déclin de la France, décollage économique de la Chine et de l’Inde… Le débat public se nourrit depuis plusieurs mois de ces thèmes, dans un climat anxiogène. Controverses d’experts, inquiétudes syndicales, souffrances populaires et appels aux pouvoirs politiques locaux et nationaux se renouvellent à chaque annonce de plan social et de mesures de restructurations. Doctes ouvrages et pamphlets passionnés, épais dossiers journalistiques, points de vue d’économistes, d’industriels, de représentants syndicaux et d’élus de tous bords se succèdent pour analyser la profonde mutation que connaît depuis quelques années l’économie-monde. Face à ce maelström d’informations, à cette avalanche de statistiques, à ces cris d’alarme auxquels répondent comme en écho des propos rassurants, il est difficile de faire la part des choses et de se forger une opinion. Les sénateurs que nous sommes, représentants constitutionnels des territoires, souvent investis en outre de mandats locaux, se trouvent trop fréquemment confrontés aux difficultés économiques et aux drames humains résultant de la fermeture d’une usine. Nous en connaissons le prix collectif, le coût social et économique : désarroi des familles frappées par le chômage, effets immédiats sur le tissu local du commerce et de l’artisanat, voire des sous-traitants industriels lorsqu’il s’agit d’un établissement d’une certaine importance, dangereux déséquilibres auxquels se trouve soudain exposée la collectivité tout entière. Souvent, nos concitoyens nous interpellent pour exprimer leur incompréhension et leur colère, nous recherchant comme ultimes recours pour tenter de s’opposer à des événements qui les écrasent. Mais comment agir, si l’on ne connaît les forces qui déterminent les mouvements de l’économie ? Quelles réponses apporter pour apaiser les angoisses sociales si l’on ne comprend les mécanismes qui forgent les décisions des entrepreneurs ? Quels outils de politique économique privilégier dans ce cadre historique doublement nouveau, constitué à la fois par le processus d’intégration européenne et par l’émergence de formidables puissances économiques, si l’on n’analyse les enjeux et les raisons qui conditionnent ces mouvements ? Elu d’un bassin d’emplois, le Choletais, dont les entreprises traditionnelles de la chaussure et du textile sont cruellement touchées depuis plusieurs décennies par la désindustrialisation et les délocalisations, il m’a semblé nécessaire de prendre le temps de la réflexion et d’inviter le Sénat à contribuer au débat. C’est dans cette perspective que la commission des affaires économiques, grâce à l’intérêt que le Président Gérard Larcher a bien voulu alors accorder à ma démarche, a créé en décembre 2003 le groupe de travail sur la délocalisation des industries de main d’œuvre, dont j’ai eu l’honneur de présider les travaux pendant six mois et dont mon collègue et ami Francis Grignon a été désigné rapporteur. Une inquiétude prégnante en France … Je l’ai dit, notre propos s’inscrit dans un très vaste champ de questionnements témoignant de l’ampleur des craintes que suscitent dans les pays développés les mutations économiques actuelles. En France, la problématique des délocalisations a déjà été analysée, il y a quelque dix ans, par notre collègue Jean Arthuis. Dans un rapport d’information qui a fait date (1), il sonnait l’alerte sur les conséquences auxquelles les différences de coûts salariaux exposaient l'économie française, industrie et services confondus. La place grandissante des Etats du Maghreb et de la Turquie dans les secteurs de l’habillement, du cuir et du textile, la chute du Mur de Berlin et l’ouverture des pays de l’Est à l’économie de marché, ou encore le devenir industriel et technique des colosses en puissance qu’étaient déjà l’Inde ou la Chine, constituaient selon lui autant de signes annonciateurs d’un dramatique affaiblissement de notre tissu économique. Au-delà de la prise de conscience de ces dangers, il préconisait une réaction des pouvoirs publics afin de donner aux entrepreneurs les moyens de lutter contre cette concurrence nouvelle. Force est hélas de constater que bien peu d’actes ont suivi cette alarme. Pas plus en France qu’au niveau européen n’ont été engagée une politique industrielle, définies des priorités sectorielles et forgés des outils structurels permettant d’anticiper et de réagir, à moyen terme, aux évolutions qu’il annonçait. Bercées par une croissance mondiale d’une incontestable vigueur et tout occupées par la création de la monnaie unique, les autorités nationales et communautaires ont négligé, dans les dernières années du siècle, de s’interroger sur la redistribution mondiale des facteurs de production qui avait cours. Bien pire, pour des raisons parfois doctrinaires, les unes ont diminué le temps de travail et alourdi les charges de nos entreprises tandis que les autres faisaient de la concurrence, entendue dans son acception anglo-saxonne résolument libérale, l’alpha et l’oméga de l’intégration européenne et la clef de voûte de l’édification du marché intérieur. (1) L’incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service – Groupe de travail de la commission des finances du Sénat présidé par M. Jean Arthuis, rapporteur général – Rapport d’information du Sénat n° 337 (1992-1993) – 1993. Aussi n’est-il pas surprenant qu’avec le retournement de cycle advenu en 2002, les questions de la désindustrialisation, des délocalisations et de l’attractivité du territoire français soient brutalement revenues sur le devant de la scène. La multiplication des réflexions menées sur ces thèmes, et dont ne témoigne que partiellement la bibliographie figurant en annexe à ce rapport, en apporte la preuve. Qu’il me suffise ici de citer les travaux entrepris par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’aménagement et le développement durable du territoire (DADDTAN) sur la désindustrialisation du territoire (1), l’étude prospective menée par la DATAR sur la compétitivité du territoire (2) ou encore le cycle de conférences organisé par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales sur les délocalisations (3). Tout naturellement, ces interrogations se sont également exprimées au niveau politique. Le thème des délocalisations a bien souvent été placé par les différents candidats au cœur des campagnes pour les élections régionales et européennes. Le 19 février dernier, le Président de la République a réuni à l’Elysée une table ronde d’économistes, de chefs d’entreprises et de syndicalistes pour réfléchir aux moyens de défendre les emplois industriels. Le 2 mars suivant, l’Assemblée nationale a examiné une proposition de loi de M. Maxime Gremetz et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains tendant à instaurer des mesures d’urgence pour lutter contre les délocalisations. Une proposition de loi identique a été déposée au Sénat par notre collègue Yves Coquelle et les membres du groupe Communiste républicain et citoyen (4), tandis que notre collègue Claude Biwer et les membres du groupe de l’Union centriste déposaient, le 30 avril, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur le rôle des centrales d’achat dans la fixation des prix à la consommation et les délocalisations
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