© VILLE DE SERVIAN, 1980. HISTOIRE DE SERVIAN JACQUES ASTOR avec le concours de la ville de SERVIAN éditrice de l'ouvrage HISTOIRE DE SERVIAN 5 dessins, 3 cartes, 7 fac-similés et 61 photos (dont 48 dues à M. ARNAUD, photographe à Servian) Avant-propos Il y a longtemps que nous désirions faire un livre sur SERVIAN. Nous avons tenté, à plusieurs reprises, de constituer un groupe de vieux Servianais, amoureux de leur village et de son histoire. Nous avons quelquefois failli réussir, avec M. René BOUSQUET, père de notre ami Jean BOUSQUET, avec M. AIGUESVIVES, père de Joseph AIGUESVIVES, adjoint, avec M. Paul BOUSQUET, père de Henri BOUSQUET (conseiller municipal pendant 30 ans) qui, j'en suis sûr, auraient appuyé notre présente initiative. Mais, dans une commune, avec la crise actuelle qui dure depuis 1953, il y a tant à faire avec le présent que le temps manque pour s'occuper du passé. Et pourtant, à la lecture de la brochure très intéressante de M. l'abbé BOUSQUET, nous avons maintes fois évoqué ce projet. Il nous manquait un maître d'œuvre. Nous l'avons trouvé avec notre ami Jacques ASTOR. Jacques ASTOR qui est d'abord pour moi un ancien élève, est devenu, en poursuivant ses études d'abord, et par goût ensuite, un spécialiste compétent en onomastique, cette science qui a pour but de rechercher l'origine des noms de lieux et des noms de familles. Il a déjà à son actif des recherches qui lui permettraient d'éditer plusieurs livres sur ce sujet intéressant. Mais cette science le conduit fatalement à s'intéresser à l'histoire. Cependant, il n'est pas historien; et, malgré sa culture remarquable, il est trop modeste pour empiéter sur une spécialité qui n'est pas la sienne. Il est un des rédacteurs très appréciés de cette revue passionnante qui fait revivre nos traditions et connaître les mœurs et l'histoire de notre région, « Connaissance du Pays d'Oc ». Grâce à lui, nous pouvons présenter à nos lecteurs un ouvrage de valeur. Vous remarquerez que sur certains points litigieux, il n'impose pas sa vérité, car il sait à quel point la vérité est difficile à atteindre. Il se limite parfois à des remarques mettant en cause des opinions contestables. Il présente ses hypothèses, ceci tout en étant très respectueux de toutes les opinions. Jacques ASTOR a suffisamment avancé dans la connaissance pour savoir que plus on avance dans le savoir, plus on mesure l'immensité de ce qui reste à apprendre. Il ne fait pas partie de ceux qui, ayant atteint un certain niveau, se gonflent d'orgueil, méprisent leurs semblables, ou les dominent tout en affectant une fausse simplicité derrière laquelle perce la suffisance. Jacques ASTOR, amoureux du passé, nous aide à mieux comprendre ce que fut SERVIAN, quelle a été son histoire, ce qu'elle est devenue par la suite, et comment elle s'intègre aujourd'hui dans l'ensemble des communes viticoles qui luttent pour survivre et pour que ses enfants ne soient pas tous dans la triste obligation de l'abandonner pour trouver ailleurs des moyens d'existence qui se raréfient dans l'ouest du Languedoc-Roussillon accablé par une crise viticole d'abord, à laquelle se superpose une crise économique nationale et internationale extrémement sévère. Nous souhaitons donc que cet ouvrage apporte à tous ceux qui le liront, des idées sur le passé d'autant plus claires qu'elles permettront de mieux comprendre le présent. Alfred CROUZET Maire de Servian Conseiller Général Vice-président du Conseil Régional REMERCIEMENTS DE L'AUTEUR Après M. Alfred CROUZET qui nous a fait confiance, c'est ici pour nous le lieu de remercier tous ceux qui, de l'habitant servianais à l'imprimeur, ont participé, d'une manière ou d'une autre, à l'élaboration du présent ouvrage. Nous remercierons particulièrement M. Jean-Luc ESPEROU et Pierre ROQUES du Groupe Archéologique Servianais. Nous sommes redevable à M. Jean-Luc ESPEROU de nous avoir exposé oralement et par écrit toutes les découvertes récentes sur Servi an antique et préhistorique. Remercions aussi M. Franck HAMLIN, de l'université de Vancouver (Colombie britanique) qui a généreusement ouvert devant nous le manuscrit de son Dictionnaire Toponymique de l'Hérault, fruit de longues années de travail qui doit paraître dans les années à venir. Véritable mine de formes anciennes à laquelle nous avons parfois puisé. CHAPITRE 1 Genèse servianaise Genèse géologique Histoire des trois sols servianais : L'élaboration du sol servianais est comprise dans la période de peaufinage du continent par le grand maître de la Création : la mer. Dans une période comprise entre - 25 000 000 d'années et - 10 000 000, la mer s'est retirée en inaugurant un paysage marneux. C'était la mer molassique de l'ère tertiaire, à laquelle on doit la terrasse de tuf qui porte Servian et se prolonge vers le nord-ouest avec les hauteurs fossilifères du Pioch et de Coulobres. A la période finale du Tertiaire, - 10 000 000 et - 3/- 1 000 000 d'années, la mer revenue a laissé une plage de galets et du sable sur terrain argileux. Il nous reste de cette période (le Pliocène) toutes les hautes terrasses de la rive gauche de la Thongue (L'Hermitage, Pierras, La Drosie,...) Ces deux sortes de terrains se trouveront partout ailleurs masquées par les alluvions du Quaternaire où les cycles glacières font alterner des périodes de froid (basses eaux) et des périodes de réchauffement (hautes eaux) Cette période voit la mer et les rivières aménager les vallées avec un riche terrain alluvionnaire dérobé aux Causses. Voilà comment, en 3 temps, et très schématiquement, s'est constitué le sol servianais, portion d'une plaine languedocienne qui, en fait, comme l'a fait remarquer Maurice Chauvet, est une pénéplaine 2 : - la vallée de la Lène et de ses ruisseaux affluents a une largeur de 5 km, passant de 92 m d'altitude aux Monts à 50 m au creux de son lit pour remonter à 84 m au Pioch et 102 m au Moulin à Vent d'Abeilhan; 1. Contrairement aux alternances de sécheresse et de pluies correspondant aux fortes chaleurs et aux baisses de température en climat tempéré, les cycles de grands froids et de grandes chaleurs qui affectent le début du Quaternaire, engendrent le gel des eaux (sécheresse dite « physiologique ») alternant avec de monstrueux dégels : grossissement des cours d'eau et élévation du niveau de la mer. 2. Maurice Chauvet, « Le Languedoc méditerranéen », Ed. France-Empire. - et pareillement pour la Thongue dont la vallée plus étroite (3 km) est dominée également par la cote 102 d'Abeilhan et 93 de Cantaussels. Un épisode volcanique à Servian : La carte géologique de la France met enfin en évidence une zone volcanique peu connue des Servianais eux-mêmes, au sud de la confluence de la Lène et de la Thongue, dans la contrée de Saint-Adrien. Elle est un jalon sur la ligne de fracture volcanique que l'on peut suivre de l'ouest d'Agde jusqu'à Bédarieux-l'Escandorgue en passant par Montblanc et Gabian-Fouzilhon. Si nous ne sommes pas dans les plaines flamandes, nous n'en sommes pas moins dans un pays ouvert, zone favorable au passage, à l'im- plantation des premiers hommes. « Zone de passage entre le Rhône et l'Aquitaine, entre les Alpes et les Pyrénées », ainsi que la définit excellemment M. Chauvet, notre région voit transiter, il y a un million d'années, quelques-uns de nos premiers ancêtres qui prouvent leur humanité dans le bassin du Libron (à Boujan), en taillant des galets tranchants sur leurs deux faces (civilisation abbevillienne) et les taillant toujours plus régulièrement avec finition au percuteur de bois (civilisation acheuléenne). Par un froid sibérien... L'étude de l'humanité primitive, de son habitat, des reliefs de ses repas, a permis de faire connaissance avec des climats qui n'avaient rien de « méditerranéen ». L'humanité néandertalienne (civilisation moustérienne), apparue il y a 160 000 ans, avec un climat tempéré, meurt 40 000 ans av. J.C. dans les rigueurs de la glaciation de Würm. Notre région est alors totalement inhospitalière par un climat sibérien : steppe glacée, elle est parcourue par des troupeaux de rennes, de mammouths 3 et de bisons. L'homo sapiens lui préférera les régions montagneuses du Languedoc, où il trouve, dans les grottes naturelles, abri et sécurité. C'est ainsi que notre préhistoire se trouve amputée de tout l'héritage aurignacien et de ses avatars (solutréen, périgordien), par contre fort bien représenté dans le proche Minervois (grotte de Bize, grotte d'Aldène). 3. A notre connaissance, aucune découverte de restes de mammouths n'est à signaler dans la région de Servian; par contre, les « Mémoires de la Société archéologique de Montpellier » (tome XIII) rapportent le compte rendu par J. Blayac de la découverte d'une mâchoire de mastodonte (Mastodon arvernensis, mastodonte d'Auvergne), aux environs de Servian, à la faveur du creusement d'un puits. Réchauffement et éveil de civilisations nouvelles : Avec le 7 millénaire av. J.C., les beaux jours reviennent : le cerf et le chevreuil ont remplacé le renne. Les 6 5 et 4 millénaires av. J.C., chauds et humides, voient une végétation arbustive déjà méditerranéenne remplacer la végétation steppique, avec, toutefois, le maintien du pin (toujours chez nous aujourd'hui...) arbre typique de la période boréale (7e millénaire) chaude mais sèche. Notre région retrouve sa vocation de lieu de transit et d'expériences civilisatrices, en participant pleinement à l'acquisition de la culture néolithique qui se caractérise par la connaissance de l'agriculture et de l'élevage.
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