In Girum Imus Nocte Et Consumimur Igni (1978-81)

In Girum Imus Nocte Et Consumimur Igni (1978-81)

1 In girum imus nocte et consumimur igni (1978-81) Guy Debord et le deuil de l’engagement Mémoire soumis dans le cadre des travaux pour le Diplôme d’études approfondies Esthétique et sciences de l’art de l’Université de Lille III sous la direction de Monsieur Noël Burch Pierre-Emmanuel FINZI Berlin octobre 2002 2 Mes remerciements à Noël Burch, Alain Deneault, Jean-Marc Génuite, David Perronno, Armando Lo Monaco et, surtout, Daniela. 3 Liste des abréviations des œuvres de Guy Debord les plus citées Toutes les citations sans indication de source sont extraites du texte dit en voix off par Guy Debord dans le film In girum imus nocte et consumimur igni. In girum, abréviation du titre, sera utilisée, de même que Réfutations pour le film Réfutations de tous les jugements, tant élogieux qu’hostiles, qui ont été jusqu’ici portés sur le film “La Société du Spectacle”. IS12,/54 Internationale Situationniste, Paris : Librairie Arthème Fayard, 1997, 707 pages. Edition en fac-similé des 12 numéros parus de juin 1958 à septembre 1969. Sont indiqués le numéro de la revue puis (/) le numéro de page original. SdS §221 La Société du Spectacle, Paris : Folio Gallimard, 1992, 211 pages. Est indiqué le numéro de la thèse (§221) dont la citation est extraite. VS §69 La Véritable Scission dans l’Internationale, Paris : Librairie Arthème Fayard, 1998, 176 pages. Est indiqué le numéro de la thèse (§69) dont la citation est extraite pour les “Thèses sur l’Internationale Situationniste et son temps” ou le numéro de page (176) dont la citation est extraite pour les autres textes. OCC 103 Œuvres cinématographiques complètes (1952-1978), Paris : Gallimard, 1996, 295 pages. Est indiqué le numéro de page (121) dont la citation est extraite sauf pour le film In girum imus nocte et consumimur igni dont les citations apparaissent sans références. Cons. 71 Considérations sur l’assassinat de Gérard Lebovici, Paris : Gallimard, 1993, 92 pages. Est indiqué le numéro de page (71) dont la citation est extraite. Com §33 Commentaires sur la société du spectacle (1988) suivi de Préface à la quatrième édition italienne de La Société du Spectacle, Paris: Folio Gallimard, 1992, 147 pages. Est indiqué le numéro de la thèse des Commentaires (§33) dont la citation est extraite. PanI 71 Panégyrique, tome premier, Paris : Gallimard, 1993, 86 pages. Est indiqué le numéro de page (71) dont la citation est extraite. Rep 101 “Cette mauvaise réputation...”, Paris : Folio Gallimard, 1993, 111 pages. Est indiqué le numéro de page (101) dont la citation est extraite. InG 149 In girum imus nocte et consumimur igni, édition critique augmentée de diverses notes de l’auteur suivi de Ordures et décombres, Paris : Gallimard, 1999, 154 pages. Est indiqué le numéro de page (149) dont la citation est extraite, sauf pour le film In girum imus nocte et consumimur igni dont les citations apparaissent sans références. Cor-1 381 Correspondances, volume 1, juin 1957-août 1960, Paris : Arthème Fayard, 1999, 381 pages. Est indiqué le numéro de page (381) dont la citation est extraite. Cor-2 317 Correspondances, volume 2, septembre 1960-décembre 1964, Paris : Arthème Fayard, 2001, 317 pages. Est indiqué le numéro de page (317) dont la citation est extraite. Martos 320 MARTOS Jean-François, Correspondance avec Guy Debord, Paris: Le fin mot de l’Histoire, 1998, 320 pages. Est indiqué le numéro de page (320) dont la citation est extraite. 4 SOMMAIRE Introduction page 6 CHAPITRE I : LE FILM ET SON CONTEXTE Page 24 A) Le film page 25 B) Les crises page 28 Crise économique et sociale, page 28 - Rupture de l’Union de la Gauche et déclin du Parti Communiste, page 29 - L’anticommunisme, fondement (infantile ?) du gauchisme, page 31 C) Les échecs page 34 Portugal : le film précédent, page 34 - Désillusions et haines : le reflux des clercs et le dissident, page 37 D) Gérer le chaos ? page 40 Survivre, page 40 - Terrorisme et flou institutionnalisé en Italie, page 41 - Emergence des théories postmodernistes, page 45 - Voisinages intellectuels, page 46 CHAPITRE II : S’ELOIGNER DES MASSES Page 49 A) Le mépris du peuple page 53 Cracher sur Billancourt en crachant sur la Défense, page 53 - Le mépris, l’insulte et la tentation de l’anarchisme de droite, page 58 B) Une esthétique Sadienne page 62 “Voix 4 (jeune fille) : Mais, on ne parle pas de Sade dans ce film”, page 62 - Des affinités électives ?, page 64 - “Holding the other end of the stick”, page 66 - Une bruyante descendance applaudie, page 67 C) L’ésotérisme bon teint page 70 Le titre : In girum imus nocte et consumimur igni, page 70 - Aboutissement du mouvement d’ésotérisation du marxisme occidental, page 72 - Correction et distinction, les justifications théorico-esthétiques de l’ésotérisme, page 76 - L’aristocratisme, page 83 CHAPITRE III : LE REPLI SUR SOI Page 87 A) L’échec consubstantiel de la néo-avant-garde page 90 Mécanique de la frustration : un cinéma “déceptif” ?, page 91 - Eloge de l’échec, page 94 B) Du romantisme au narcissisme page 98 L’assassinat de Paris, page 98 - Equation narcissique et conscience critique, page 103 Conclusion Page 105 Bibliofilmographie page 109 Table des illustrations page 117 5 ... Mais le grand-duc est tout nu, s’écria l’enfant... Hans-Christian Andersen, Les habits neufs du grand-duc 6 INTRODUCTION 7 Voix 1 : Quel printemps ! Aide-mémoire pour une histoire du cinéma : 1902 - Voyage dans la Lune. 1920 - Le Cabinet du docteur Caligari. 1924 - Entr’acte. 1926 - Le Cuirassé Potemkine. 1928 - Un Chien andalou. 1931 - Les Lumières de la ville. Naissance de Guy- Ernest Debord. 1951 - Traité de bave et d’éternité. 1952 - L’Anticoncept. - Hurlements en faveur de Sade. Voix 5 : “Au moment où la projection allait commencer, Guy-Ernest Debord devait monter sur la scène pour prononcer quelques mots d’introduction. Il aurait dit simplement : Il n’y a pas de film. Le cinéma est mort. Il ne peut plus y avoir de film. Passons, si vous voulez, au débat.” Hurlements en faveur de Sade, Guy Debord, 1952 8 Peut-être est-ce la clameur si unanime pour louer “l’absolue cohérence”1 entre la vie et l’oeuvre cinématographique de Guy Debord, ou pour assurer que “une des choses les plus belles dans son oeuvre, c’est [...] sa cohérence”2, qui fait naître l’envie d’aller voir de plus près “le plus majestueux de ses films”3, “son meilleur film”4, voire même “son testament cinématographique” (ibid.). Un film qui rassemble tant d’éloges n’est pas nécessairement “cohérent”, il n’est même pas improbable qu’il porte en lui quelques ambiguïtés ou contradictions contribuant à l’ampleur de son succès. De même que la cohérence entre la vie de Debord et son oeuvre, aujourd’hui assénée comme vérité première à qui veut bien l’entendre - c’est-à-dire beaucoup de monde, puisqu’il est à la mode -, semble plus répondre à un besoin grandissant de modèle de vie épanouie mais impossible puisque révolu, qu’à une réalité établie par l’analyse comparée de ses oeuvres et de sa vie. Dans un après-guerre encore rationné, un fils de la bourgeoisie cannoise s’entiche de cinéma et de la sulfureuse fréquentation d’une bruyante avant-garde artistique. Les lettristes participent aux coulisses du Festival de Cannes de 1951 par des projections hors- cadre de leur films parfois sans pellicule ou sans images. Guy Debord y rencontre Maurice Lemaître, Gil J. Wolman et Isidore Isou et monte à Paris les rejoindre. En 1952, il publie le scénario de Hurlements en faveur de Sade5 avant d’en réaliser le film - film uniquement composé d’écrans noirs et blancs, avec des voix en bande-son telles l’épigraphe à cette introduction.6 Et si l’on voulait se fondre dans cette perspective de “la théorie des exceptions”7 qui est celle de ce même épigraphe, on pourrait dire : vivant à Paris dans “un quartier où le négatif tenait sa cour”, suite aux carré blanc sur fond blanc de Malevitch, aux tentatives de destruction de l’art de Dada, à celles de réalisation de l’art des surréalistes, à l’impossibilité d’écrire un poème après Auschwitz, et aux scandales de la scène lettriste, c’est la mort du cinéma que Guy Debord proclame dans son premier film. Fort de cette déclaration nécrologique, Debord n’en réalise-t-il pas moins un court- métrage en 1959 (Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps), un autre en 1961 (Critique de la séparation), puis un long métrage en 1973 (La Société du Spectacle), un court en 1975 (Réfutations de tous le jugements, tant élogieux 1 ASSAYAS Olivier “L’opera nascosta” in GHEZZI Enrico et TURIGLIATTO Roberto (commissaires), Guy Debord - (contro) il cinema, la Biennale di Venezia, Milan : Editrice Il Castoro, 2001, pp. 123. 2 KAUFMANN Vincent, Guy Debord, la révolution au service de la poésie, Paris : Fayard, collection “Histoire de la pensée”, 2001. 3 AZOURY Philippe, “Debord à l’abordage. A Bobigny, projection rarissime des six films de la figure situationniste.”, Libération, 10 avril 2002. 4 JOUSSE Thierry, “Guy Debord, un cinéma du temps perdu”, Le magazine littéraire, n°339, juin 2001. 5 Ce premier scénario de Hurlements en faveur de Sade, contenant alors des images et des dialogues, est inclus dans le premier et unique numéro de la revue Ion, Centre de Création, n°1, avril 1952. 6 (OCC 11). Extrait du scénario de Hurlements en faveur de Sade (1952), avec la voix de Gil J Wolman (Voix 1) et d’Isidore Isou (Voix 5) lisant un extrait de son ouvrage “Esthétique” qui ne sera jamais publié.

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