INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 1 Hitler, l’irrésistible ascension? Essais sur le fascisme INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 2 LES EDITIONS ADEN Les Editions Aden Titre original: Aufsätze zum édition Gilles Martin 44 rue A. Bréart Faschismus © Pahl-Rugenstein Verlag, Köln, graphisme Atelier 1060 Bruxelles 1988 des grands pêchers Belgique ([email protected]) Tél.00 32 2 5344661 Traduit de l'allemand par Bruno assistance éditoriale Fax. 00 32 2 5344662 Vannechel et Fabien Rondal Marie David, Julie Matagne [email protected] © Kurt Gossweiler et Éditions et Patrick Moens www.aden.be Aden, 2006 impression EPO (www.epo.be) En collaboration avec l'Institut d'Etudes Marxistes (INEM asbl) Études Marxistes n°67-68 Rue de la Caserne 68, 1000 Bruxelles Tel: 32 (0)2/504 01 44 Fax: 32 (0)2/513 98 31 www.marx.be INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 3 Kurt Gossweiler Préface d’Annie Lacroix-Riz HITLER L’IRRESISTIBLE´ ASCENSION? Essais sur le fascisme collection epo aden INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 4 INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 5 Préface Pourquoi faut-il lire ou relire Kurt Gossweiler? Par Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine, université Paris 7 On ne peut que saluer la décision de livrer au public fran- cophone quelques travaux de Kurt Gossweiler couvrant près de trois décennies (de 1953 à 1980) et consacrés à l’analyse du fascisme allemand. L’historien marxiste est- allemand y traite des conditions de son installation depuis les années vingt, recensant ses soutiens de classe préco- ces, des Junkers au grand capital, de l’industrie lourde à l’IG Farben, tous secteurs de l’économie confondus. Il décrit ses adversaires les plus résolus, les communistes du KPD, qui menèrent «une lutte réelle et active contre le capital monopolistique». Il étudie, contre la vieille thèse du «gauchisme» du KPD responsable de la défaite de la classe ouvrière allemande en janvier 1933, le rôle joué par « la direction du SPD»: hantée par la transformation INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 6 6_Hitler, l’irrésistible ascension? révolutionnaire éventuelle de la société, elle avait depuis la naissance de la République de Weimar beaucoup lutté contre le jeune KPD mais fort peu contre le nazisme; puis elle avait résolument décliné l’offre communiste de résis- tance unie tant en juillet 1932, contre le coup d’État fasciste en Prusse, qu’en janvier 1933. Le dernier texte examine la précoce mise du fascisme en ordre de marche au service de la vieille ligne expansionniste, commerciale et militaire, de l’impérialisme allemand dans les Balkans –zone de fracture des années trente (et de l’avant 14) vouée au même sort dans la longue crise contemporaine. Ces thèmes et la façon de les traiter vont à contre-cou- rant des orientations historiographiques qui ont triom- phé dans l’Europe soumise au processus d’unification: d’abord dans celle de la sphère d’influence américaine d’après 1945, puis, après la chute de l’URSS, dans le reste du continent que le sort des armes avait soustrait à la tutelle de ladite sphère pendant plus de quarante ans. Il convient donc, avant de laisser le lecteur francophone prendre contact avec des travaux typiques de la production histo- rique marxiste allemande, de rappeler les grands traits de l’historiographie dominante «occidentale» qui a voué au néant le discours historique ressuscité ici. Le fascisme allemand a été placé au centre des débats interallemands pendant les décennies de la RDA, et la production historique est-allemande a influencé celle de la partie occidentale de l’Allemagne, contraignant ses historiens à un débat vif et régulier. Le rôle de pivot de l’héritier du Reich allemand –devenu République fédérale d’Allemagne– dans la «construction européenne» effec- tuée sous l’égide des États-Unis supposait un blanchiment de l’histoire des élites de l’Allemagne, économiques au premier chef, passées sans transition de l’ère nazie à l’après- mai 1945. Lorsque la RFA absorba l’Allemagne entière, INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 7 Préface_7 l’objectif de révision drastique de l’histoire du fascisme allemand, de ses soutiens (patronaux, nationaux et inter- nationaux) et de ses ennemis, intérieur (le KPD) et extérieurs (l’URSS), reçut des chances nouvelles de succès. Celles- ci furent accrues encore par le fait, en général ignoré sous nos cieux, que les professeurs de l’enseignement supé- rieur de l’Est perdirent au jour de l’unification leur chaire universitaire comme les magasins leurs produits «made in GDR». L’historiographie relative au fascisme avait été, depuis la naissance même du phénomène, fortement influen- cée par les analyses marxistes. L’idée fut dès l’entre-deux- guerres assez répandue que 1. cette solution politique avait été conçue par le grand capital comme la meilleure parade à la crise du profit de l’immédiat après-Première Guerre mondiale (cas italien) puis à celle, plus profonde encore, de la dépression des années trente (cas allemand); 2. la guerre contre le salaire, rendue possible par cette formule livrant au patronat la classe ouvrière pieds et poings liés, devait s’accompagner, en Allemagne, pays champion du secteur I (biens d’équipement) particuliè- rement frappé par l’effondrement de ses marchés exté- rieurs, de la guerre tout court, prioritairement (mais pas seulement) contre l’Union Soviétique. Le débat académique demeura longtemps marqué, notamment en France, par la définition que Georgi Dimitrov avait donnée du fas- cisme allemand au congrès de 1935 du Komintern, où il avait dénoncé ses plans de guerre contre l’URSS –ana- lyse rappelée par Gossweiler dans son texte «De Weimar à Hitler»: « type de fascisme le plus réactionnaire […] parce qu’il était le produit de l’impérialisme le plus réac- tionnaire, le plus belliqueux et le plus brutal qui existait à l’époque et qui l’avait mis au pouvoir pour la réalisation de ses propres desseins». INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 8 8_Hitler, l’irrésistible ascension? Les thèses antimarxistes postulant le «primat du politi- que» sur l’économie et sur les rapports sociaux ont connu depuis les années 1970 (terme des textes ici traduits) une forte progression, conjoncture qui a assuré la gloire euro- péenne d’Henry A. Turner. Cet historien américain reprit en 1985, dans German Big Business and the Rise of Hitler 1, des thèmes développés depuis 1969 dans plusieurs arti- cles, contestés point par point par Gossweiler dans «Hitler et le capital». Turner érigeait en nigauds les contempo- rains de l’ascension du nazisme et les historiens qui expo- saient que le grand capital, industrie lourde en tête, avait ménagé, à toutes les étapes, subventions massives aidant, la poussée du parti hitlérien. Ce n’était pas, arguait-il, le grand capital qui avait soutenu d’emblée le NSDAP, mais les masses en désarroi et le petit capital accablé par la crise; le grand capital ne s’était rallié qu’in extremis, de mauvaise grâce, après avoir tout tenté pour esquiver la tentation nazie. C’était notamment le cas de von Papen et Hugenberg, supposés ne pas s’y être ralliés non plus. Ce n’était pas ce dernier qui avait offert à Hitler les fonds des tournées électorales pendant lesquelles il sillonnait le Reich entier en avion, ou les puissantes Mercedes des chefs nazis. Et le déferlement médiatique quotidien garanti aux mots d’or- dre hitlériens depuis le Plan Young (1929-30) n’avait pas non plus été offert par ce même Hugenberg, l’homme de Krupp et le champion du pangermanisme deutsch- national, maître de plus de la moitié de la presse et du cinéma allemands, avec la puissante UFA. Non, tout cela avait été rendu possible grâce aux droits d’auteur de Mein Kampf et aux «petits ruisseaux» des cotisations et des droits d’entrée de ceux qui se pressaient aux meetings du NSDAP. Le terrain historique choisi par Turner n’était pas solide, les critiques argumentées de Kurt Gossweiler (ici INT gossweiler 24/04/06 14:01 Page 9 Préface _9 celles de 1978) le soulignent. L’historien américain con- firma en 1985 son manque d’intérêt pour les documents d’archives contemporains des faits: il leur préférait les déclarations sous serment faites après-guerre, lors des pro- cès de Nuremberg (le principal et les procès «industriels» postérieurs), par des industriels et banquiers qui certi- fiaient n’avoir aucune responsabilité dans les triomphes électoraux des nazis et dans l’abandon, définitif en 1932, de leurs partis traditionnels (deutsch-national, populiste, Zentrum catholique) au profit de cette excellente solution de rechange. Ce terrain fragile fut consolidé par l’antimarxisme triom- phant, contemporain de la publication de l’ouvrage et de ses lendemains. Les milieux académiques donnaient cepen- dant encore alors droit de cité à la conception marxiste de la naissance du fascisme, de sa nature et de ses objec- tifs de guerre: ce fut le cas dans la première édition fran- çaise de l’ouvrage de Ian Kershaw, Qu’est-ce que le nazisme (1992), qui soulignait la contribution d’un autre grand historien de la RDA, Dietrich Eichholtz, auteur de l’ou- vrage qui demeure fondamental sur «l’économie de guerre allemande» 2. Mais, la seconde édition, en 1997, pourtant augmentée, fut délestée de l’essentiel de la controverse, les thèses marxistes ayant perdu la partie et le droit à l’existence 3. Kershaw s’obstine depuis dans le déni du «pri- mat de l’économie» (et le silence imposé aux porte-parole universitaires de cette thèse): dans sa biographie de Hitler, il érige Turner en bible , tout comme Robert Paxton, sym- bole, naguère, de l’audace anti-conformiste et porteur, aujourd’hui, d’une conception timorée du fascisme 5.
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