Damage Control. Arman Ou La Maîtrise Du Chaos Renaud Bouchet

Damage Control. Arman Ou La Maîtrise Du Chaos Renaud Bouchet

Damage Control. Arman ou la maîtrise du Chaos Renaud Bouchet To cite this version: Renaud Bouchet. Damage Control. Arman ou la maîtrise du Chaos. Genève, Fondation A.R.M.A.N., 2019, ISBN 978-2-8399-2513-6. halshs-02140495 HAL Id: halshs-02140495 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02140495 Submitted on 27 May 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. FONDATION A.R.M.A.N. RENAUD BOUCHET DAMAGE CONTROL ARMAN OU LA MAITRISE DU CHAOS 2e édition revue et augmentée BRISER COUPER BRÛLER Catalogue d’œuvres établi par Marc Moreau Renaud Bouchet Damage Control Arman ou la maîtrise du chaos 2e édition revue et augmentée Catalogue des œuvres établi par Marc Moreau © Fondation A.R.M.A.N., 2019 L’auteur Renaud BOUCHET est Maître de conférences en Histoire de l’art contemporain à Le Mans-Université. Ses recherches menées au sein du laboratoire TEMOS (TEmps, MOnde, Sociétés, CNRS-FRE 2015) portent principalement sur le Nouveau Réalisme et plus spécifiquement sur l’œuvre de deux de ses acteurs méridionaux : Arman et César. Il leur a notamment consacré deux ouvrages : Les féminins d’Arman, des Cachets aux Interactifs, 1957-2005 (Genève, Fondation A.R.M.A.N., 2016, 275 p. Préface de Cécile Debray) et Les Fers de César, 1949-1966. Le matériau et sa présence (Presses Universitaires de Rennes, 2016, 342 p. Préface de Jean-Paul Bouillon). Remerciements L’auteur tient à remercier tout particulièrement la Fondation A.R.M.A.N. ainsi que les membres du Comité Arman. Sa gratitude va plus particulièrement à Marion et Marc Moreau, à l’initiative de cette contribution aux études armaniennes en lien avec l’exposition connectée Damage Control (mise en ligne le 25 avril 2018), dont il a assuré le commissariat en collaboration avec Marc Moreau). Qu’il lui soit également donné d’exprimer sa reconnaissance envers Éliane Radigue, pour lui avoir accordé un accès sans restriction à sa correspondance avec Arman, et la permission d’exposer des éléments relevant de l’intimité d’une relation de couple. Sommaire Remerciements .............................................................................. 2 Préface.............................................................................................. 5 Introduction ................................................................................... 9 1. Violence latente, violence spontanée ...................................... 13 2. La territorialité au miroir de la compétitivité ......................... 27 3. Angoisse contextuelle, angoisse temporelle............................ 45 4. L’attraction et la répulsion ...................................................... 59 5. La maîtrise mentale et physique d’un processus créateur ...... 79 Conclusion ..................................................................................... 91 Catalogue d’œuvres ..................................................................... 95 Bibliographie – filmographie .................................................. 157 Index des noms ........................................................................... 161 Préface Marc Moreau AH ! MAIS ! Ponctuation au coup de pied achevant de briser l’objet choisi, Arman scelle le destin du commun pour l’élever au statut d’œuvre d’art avec ces deux mots. Suivons Arman dans l’atelier, voyons-le choisir l’objet qui sera l’élu de son geste, chaise, guitare, violon, contrebasse… Observons-le se préparer à l’action, se fixer sur l’endroit où il veut frapper, marteler la surface du support. Arman lève l’objet, se concentre, prend son élan, et dans une seconde d’immobilité (d’éternité) toute son énergie se focalise à visualiser l’impact, le résultat. Advient le geste, le mouvement, l’action comme un coup de karaté ou une projection de judo. L’objet frappe le support, juste à l’endroit décidé, avec la force voulue et son accompagnement jusqu’à l’explosion, l’arrêt de la course du geste juste sur la peau du support stabilise les rebonds, le jaillissement des fragments. Après le fracas, vient un moment de paix où tout repose sur le fond (le châssis, le sol…). Arman tel un démiurge, déconstruit, déstructure jusqu’à la limite de la lisibilité pour réorganiser, reconstruire, recréer la réalité correspondant à sa vision. Le monde d’Arman est rempli de boites contenant toutes les pièces de son puzzle créatif et affectif, monde dans lequel les frontières sont repoussées jusqu’au seuil de l’abstraction sans perte d’identité : tout doit être vu, l’objet, le geste de transformation, jusqu’aux vis, collages et agrafes. Tout est partie prenante, revendiqué, de l’œuvre présentée au regard du public voyeur. Ce total bloc d’expression, Arman le pousse à son paroxysme dans ses actions publiques, offrant une accessibilité à la création d’un monde, du monde. Pas de discours ampoulés, ni de dissertations savantes : le corps à corps avec l’objet, l’activité créatrice brute. Comme aux jeux du cirque, la foule retient son souffle et exulte son contentement d’avoir été là, pour le partage d’un moment d’exaltation intense, d’une danse, d’une transe. Il serait simpliste de considérer que la préoccupation principale d’Arman est exclusivement la déconstruction ou la reconstruction d’objet. Tout compte : tout est contrôlé. Arman dit « Lorsqu’on a cassé cinq ou six violons, on sait ce que cela va produire, rien n’étant plus contrôlable que le hasard ». Dans l’atelier seul le fragment qui se casse sous les dents de la scie génère de l’aléatoire. Tel un joueur d’échecs ou de go du destin, Arman faisait du quotidien, dans l’atelier, mais aussi dans sa vie, un « Damage Control » dans tous les 5 compartiments de son univers. Le stress, l’excitation en résultant lui servait de terreau, de matière première. Cette nécessité d’être en relation (même tendue), mélangée à l’empathie dont Arman était capable, le conduisait à devenir une projection de l’interlocuteur, une sorte d’idéalisation. Cette capacité à être polyforme (voire polymorphe), état de chose analysée par lui, lui faisait dire qu’il était plusieurs artistes à la fois et qu’il aurait dû signer certaines de ses pièces sous d’autres noms, sorte de pirouette envers les détracteurs de son œuvre pléthorique. Renaud Bouchet nous rend compte ici du lien étroit qu’Arman entretenait avec Éliane Radigue, sa première épouse compositrice de musique. Leur courrier des vingt ans de leur vie commune, près de 1000 lettres fait trace des fluctuations et reconstructions de ce couple de créateurs, pour nous éclairer sur leur symbiose et leur influence réciproque. Cette ressource archivistique nous livre l’appétit dévorant qu’Arman avait, à faire partie du monde de l’art, à se créer son territoire, son monde, et à le peupler. L’analyse des lettres, permet à l’auteur de pister dans les dires de l’artiste, ses faiblesses, quelquefois son désespoir ou sa déprime pour nous rendre le portrait d’un créateur universel dont la pensée analyse et traverse la fulgurance de la révélation de l’accumulation, dont il disait que c’était son seul eurêka. D’autres se seraient contentés d’en rester là et exploiter le filon jusqu’à son épuisement. Arman sans cesse remettait l’ouvrage sur le métier et tendait vers une exigence qui le poussait à mettre continuellement en question la chose trouvée. Briser. Couper. Brûler. Trois stratégies qui découlent de la réflexion sur l’accumulation. Ce tiroir plein de lampes de radio qu’Arman recouvrit d’une feuille de Rhodoïd et dressa sur la table du « Living » du 9 Parc de la Californie à Nice, son premier appartement partagé avec Éliane. Cette accumulation inaugurale qu’Arman regarde et qui le découvre, lui faisant dire qu’il n’avait pas découvert l’accumulation mais que l’accumulation l’avait découvert. Découverte qui oblige à la vision/compréhension de la masse critique et à la distance nécessaire à la visualisation. Jusqu’où aller trop loin, dans le nombre d’objets, dans la taille du tableau, dans la distance idéale pour le regarder ? Cette préoccupation des limites, Arman s’en empare pour faire l’expérience de nouvelles possibilités. Briser, couper, brûler, trois gestes qu’il expérimente pour dématérialiser la forme réelle, le contour, la limitation de l’espace extérieur et intérieur. En brisant, coupant, brûlant Arman donne de la liberté à l’objet, celle dont il est privé. Il en bouscule la forme prédéfinie pour lui offrir une possibilité nouvelle. Le travail de déstructuration sur la toile oblige le spectateur à faire un travail de reconstruction, provoquant son imaginaire et sa réflexion, lui permettant de s’affranchir du quotidien pour lui ouvrir de nouvelles perspectives. « L’art propose des formes pour rendre compte du monde et aider à penser », signe Arman. 6 De l’approche déstructurante de l’accumulation, il décide d’autres processus de déstructuration, restant dans la simplicité de la réalité du geste appliquée pour la transformation (transfiguration) de l’objet : Colère, Coupe, Combustion. Appellations de techniques restant au plus près de leur relation affective avec l’auteur/regardeur. Cette mise en relation directe entre le créateur et le

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