2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 1 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 2 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 3 La Guerre d’Algérie: une histoire apaisée? 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 4 Du même auteur La Torture et l’Armée pendant la guerre d’Algérie (1954-1962) Gallimard, 2001 La Documentation photographique, n° 8022 La guerre d’Algérie (en coll. avec Sylvie Thénault) Documentation française, 2001 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 5 L’Histoire en débats Raphaëlle Branche La Guerre d’Algérie: une histoire apaisée? Éditions du Seuil 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 6 COLLECTION «POINTS HISTOIRE» FONDÉE PAR MICHEL WINOCK Ce livre est publié sous la responsabilité de Christian Delacroix dans la série «L’Histoire en débats» qu’il dirige avec François Dosse et Patrick Garcia. ISBN 2-02-058951-6 © Éditions du Seuil, octobre 2005 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.seuil.com 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 7 Introduction 7 Introduction Quand la guerre d’Algérie apparaît dans le débat public en France, c’est presque autant comme un sujet d’histoire que comme un sujet d’actualité. Depuis la fin des années 1990, presse et médias audiovisuels lui consacrent réguliè- rement des rubriques, voire leur une. Les Français en par- lent sans doute davantage entre eux, au bistrot ou autour d’un repas familial. Le lieu commun d’un silence de la société française sur cet épisode récent de son histoire va- t-il donc cesser de faire florès? Le thème des «tabous» de la guerre d’Algérie qui seraient entretenus par des autorités complices, levés par des francs-tireurs courageux, à moins qu’ils ne soient honteusement partagés par des Français glo- balement coupables, sera-t-il bientôt considéré comme dépassé? Il faut reconnaître que, s’il a, jusqu’à présent, tou- ché un large public, c’est qu’il correspondait à une vision de la guerre répandue dans des milieux très divers. De fait, malgré l’insistance sur ces «tabous», ou peut-être à cause d’elle, des interrogations sur la guerre ont régulière- ment parcouru la société française. Ainsi cette histoire a bien été «en débats» même si c’était selon des normes peu académiques. Les historiens, en France comme en Algérie, n’ont pas pu ignorer ces questionnements. S’ils ont, depuis longtemps, écrit sur la période, ils ne sont qu’une voix parmi d’autres, ne formant qu’un petit chœur, pas toujours à l’unisson, au sein d’un immense orchestre dans lequel chaque instrument 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 8 8 Introduction joue sa partition sans se préoccuper du voisin autrement peut-être qu’avec le souci de se faire entendre mieux que lui. C’est pourquoi analyser leurs travaux passe nécessairement par la prise en compte de cet environnement, c’est-à-dire par l’étude des relations de la société française à ce passé, puisque c’est la France qui a toujours constitué l’espace principal de production et de réception de cette historiogra- phie. Récemment les Français ont exprimé le désir d’en savoir plus sur cette période, de la connaître plus précisément, plus scientifiquement. Apaiser la guerre et ses feux parfois encore brûlants sous la cendre du passé et la poussière des archives semble être le rôle que la société française fixe aux historiens. Les plus hautes autorités de l’État ont de leur côté souhaité encourager leur travail. Autant de demandes qui, tout en témoignant d’un intérêt pour les recherches histo- riques, ont pu se muer en pressions sur leurs auteurs. Toute- fois, si ces pressions sont sans doute plus importantes depuis les années 1990, elles n’ont pas nécessairement changé la nature de ce que les historiens écrivaient depuis la guerre: une histoire du temps présent, soumise à la lecture critique des contemporains et prise à partie dans des débats parfois très éloignés des enjeux scientifiques. En revanche, depuis 1992, le paysage de la production his- torique française a été grandement modifié par un meilleur accès aux archives publiques et une modification du régime des thèses universitaires. Les historiens ont été plus nom- breux à défricher les champs archivistiques qui s’offraient à eux. La connaissance de la période a accompli un saut quan- titatif et la nature des débats sur la guerre a peu à peu évolué sous l’effet de cette multiplication des objets et des regards. Pour éclairer les caractéristiques de cette historiographie, ce livre a fait le choix de donner une large place au travail sur les sources. Au-delà des débats sur l’accès aux archives de la guerre, qu’on a pu décrire comme problématique, fermé, voire interdit, il existe effectivement une question des sources: avec quels matériaux décider d’écrire cette his- toire? Avec quelles méthodes, quelles précautions, quelles limites? Contraints de naviguer entre dispositions légales et 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 9 Introduction 9 demandes sociales, entre contraintes législatives en évolu- tion et témoins plus ou moins désireux de parler, les histo- riens ont adopté des stratégies et des tactiques variées. Cette dimension matérielle n’est cependant ni détachée ni détachable d’une dimension intellectuelle. Les résultats de ces choix sont fort divers. La troisième partie de ce livre per- met pourtant de ressaisir quelques dimensions collectives des travaux historiques qui, au-delà de l’individu, chercheur ou chercheuse, ont marqué des générations, des pays, des sen- sibilités. Pour éclairer cet aspect que la seule étude des textes ne permettait pas complètement d’atteindre, la plupart des historiens 1 ont été sollicités directement par l’auteure qui tient à remercier tous ceux qui ont bien voulu répondre à son bref questionnaire2. Ainsi cet ouvrage, construit comme une série de cercles concentriques qui formeraient en même temps une fusée à étages, distingue la demande sociale puis les sources et, enfin, les productions des historiens. Chacune des parties peut toutefois être lue hors de cet ordre et ce livre être offert à une lecture buissonnière. 1. Tous les historiens français et algériens dont l’auteure a pu se procurer les coordonnées ont été contactés. 2. Xavier Boniface, Jacques Cantier, Omar Carlier, Fanny Colonna, Daho Djerbal, Andrée Dore-Audibert, Bernard Droz, Anne-Marie Duranton-Crabol, Samya el Mechat, René Gallissot, Jean-Charles Jauffret, Jean-Jacques Jordi, Camille Lacoste-Dujardin, Daniel Lefeuvre, Claude Liauzu, Gilbert Meynier, Guy Pervillé, Laure Pitti, Tramor Quémeneur, Annie Rey-Goldzeiguer, Jean-Pierre Rioux, Benjamin Stora, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault, Maurice Vaïsse, Lucette Valensi et Pierre Vidal-Naquet. 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 10 10 Introduction 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 11 11 PREMIÈRE PARTIE Le poids de la demande sociale ou le passé revisité par les mémoires 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 12 12 Le poids de la demande sociale 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 13 13 La guerre d’Algérie n’a pas commencé à la même date pour tous. Elle ne s’est pas finie non plus au même moment; elle est même parfois encore continuée par des individus ou des groupes, en France comme en Algérie. La multiplicité des vécus de la guerre et, a fortiori, les divergences sur ce qui pourrait en constituer la fin (le cessez-le-feu, l’indépen- dance de l’Algérie, l’installation des Français d’origine européenne en métropole, les amnisties) ont été à l’origine de mémoires plurielles, constitutives de la société dans laquelle les historiens évoluent. De ces expériences éclatées, l’après-guerre a perpétué des mémoires, parfois hostiles, plus souvent seulement paral- lèles. En France, chacun a dû s’arranger avec son passé; des stratégies individuelles et collectives se sont mises en place. L’histoire de la guerre d’Algérie s’est donc trouvée portée par différents groupes de mémoire élaborant, en fonction des impératifs du présent, des récits sur le passé. Malgré leurs différences, les principaux groupes avaient en commun un vécu douloureux alimentant des mémoires de victimes. Cette victimisation était en fait tout autant ancrée dans le passé que dans le présent, qui pouvait devenir alors syno- nyme de réclamations. Quand ces groupes tentent de faire connaître leur histoire, ils demandent, de plus en plus, qu’elle soit en même temps reconnue. La lutte contre l’oubli est alors présentée comme un combat pour la mémoire qui se veut aussi triomphe de la 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 14 14 Le poids de la demande sociale vérité. Mais quand connaissance et reconnaissance sont si liées, cette vérité ne peut bien souvent rimer qu’avec justice. Les travaux historiques ne sont dès lors considérés que lors- qu’ils peuvent répondre à ces exigences mémorielles. Face à ce questionnement ardent de la demande sociale, les histo- riens ont adopté des positions diverses, cherchant les moyens de faire comprendre la complexité du passé, choisissant de s’engager dans des débats contemporains ou préférant main- tenir une distance entre leurs travaux et les interrogations que la société française pouvait avoir sur la période. 2°-Guerre Algérie 23/08/05 17:23 Page 15 Accepter et construire le passé 15 CHAPITRE 1 Accepter et construire le passé Rentrer chacun chez soi En avril 1962, les Français de métropole ont approuvé à plus de 90 % des suffrages exprimés les accords d’Évian; ils ont accepté les conditions de l’indépendance de l’Algérie et de sa nouvelle coopération avec la France 1.
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