Le château de Communes en Charollais : un plan carré cantonné du début du XIVe siècle NADÈGE FAYOLLE* *Une balade dans la campagne naître de nombreux châteaux dont il charolaise peut vous transporter jusqu’à reste quelques vestiges. Le plus souvent la petite commune de Martigny-le- il s’agit de quelques pierres qui Comte1. Sur la route qui mène du traduisent bien faiblement l’importance village à celui de Baron, trône fière- du phénomène castral. Or le château ment le château de Communes. Le de Communes a conservé son enceinte, Charolais a longtemps été une zone de qui forme un quadrilatère irrégulier frontière entre le duché de Bourgogne flanqué de trois tours circulaires et et le royaume de France ; la région a vu d’une tour quadrangulaire qui ont toutes gardé trois niveaux ; en * Étudiante à l’Université de Bourgogne. Cette revanche les courtines ont disparu ou étude a été réalisée primitivement dans le menacent de s’effondrer. Il s’agit donc cadre d’un travail de master recherche, ici d’étudier un château dont les première année. vestiges sont tout à fait exceptionnels. Sauf indication contraire, toutes les illustrations Le site de Communes a impres- sont de l’auteur. 1 Communes, sur la commune de Martigny-le- sionné nombre d’érudits locaux qui Comte, cton Palinges, arrt Charolles, Saône- n’ont pourtant jamais cherché quelles et-Loire. étaient ses origines. Seules quelques 69 NADÈGE FAYOLLE hypothèses suggèrent qu’il aurait été sur les raisons de cet écart entre les bâti entre le milieu du XIIIe siècle et le deux dates3. Le site de Communes se début du XIVe siècle. Lors de ses trouve à une dizaine de kilomètres des recherches sur la société médiévale en châteaux ducaux de Charolles et du Mâconnais, Alain Guerreau a été Sauvement ; ceci incite à se demander amené à s’intéresser au château de comment le château a pu s’implanter Communes. Selon lui, ce château au milieu du réseau castral ducal mais aurait pu être la résidence du dernier aussi à étudier la nature des relations fils de saint Louis, Robert de entre les seigneurs du Charolais et ceux Clermont, qui a été seigneur du de Communes (voir fig. 1). De plus, ce Charolais à partir de 1279. En effet, que nous appelons aujourd’hui cette forteresse est trop bien construite « château de Communes » n’est désigné pour l’avoir été sur l’initiative d’un comme tel qu’à partir de l’époque simple chevalier. Ce serait donc la moderne. Dans les documents riche famille de Clermont qui aurait médiévaux, il est toujours signalé élevé le château de Communes afin de comme « maison forte ». Or ce second surveiller les châtelains de la région. type d’habitat est caractérisé par des Nous sommes donc partis de cette éléments défensifs plus faibles que ceux hypothèse afin d’étudier l’histoire du du château4. Leurs vestiges sont château de Communes et de ses souvent moins spectaculaires que ne le habitants. sont ceux des châteaux. Or la maison Dans l’ensemble, peu de sources forte de Communes est mieux ont survécu à l’histoire mouvementée conservée que les châteaux ducaux du du Charolais et nous ne disposons donc Charolais. Nous avons donc été que d’un nombre restreint de amenés à étudier les techniques qui documents exploitables pour mener à avaient pu être utilisées pour construire bien cette recherche. La première ce bâtiment fortifié et les amé- mention d’un seigneur de Communes nagements dont il avait éventuel- date de 1264, Guillaume de Com- lement pu bénéficier pour résister à des munes reprend alors des terres en fief attaques. du duc de Bourgogne ; cette date Afin de mettre en valeur quelques constitue donc le point de départ de résultats de ces recherches, nous nous notre étude2. Nous avons choisi de intéresserons dans un premier temps limiter notre recherche à l’époque aux caractéristiques majeures de médiévale du château ; c’est pourquoi l’édifice ; nous étudierons ensuite les nous nous sommes restreints à la seigneurs de Communes et les rapports période qui s’étend de la fin du XIIIe à la qu’ils ont pu entretenir avec ceux dont fin du XVIe siècle, moment où l’édifice ils étaient les vassaux. est vendu à un propriétaire étranger à la famille éponyme. Nous avons dans un premier temps pu remarquer que le premier seigneur de Communes apparaissait dans les documents en 1264 alors que le château n’est cité qu’à partir de 1316 ; il convenait donc de s’interroger 3 ADCO, B 10494 4 Hervé MOUILLEBOUCHE, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle, 2 ADCO, cart n° 2 Dijon, EUD, 2002. 70 Le château de Communes Autun Chalon- sur-Saône Louhan Bourbon-Lancy Sanvignes-les-Mines s Mont-Saint-Vincent Le Sauvement Tournus auvementSauvem Communes Paray-le-Monial ent Charolles Dondin Artus Mâcon Cluny Légende Châteaux Cddhucâatuexaduu dceau Cxo mmunes Principales villes de Saône-et-Loire Fig. 1. Situation Fig. 2. Cadastre de 1828, section D2, éch. 1/2 500 agrandi à 1/1 000 71 NADÈGE FAYOLLE Caractéristiques architecturales de la le petit récipient en pierre aménagé maison forte de Communes dans l’épaisseur du mur et qui communique par un conduit avec un La maison forte de Communes est des côtés de l’évier ; l’eau se déversait un ensemble quadrangulaire flanqué de ainsi sur la pierre d’évier. trois tours circulaires au sud-ouest, En ce qui concerne l’hygiène, la nord-ouest et nord-est et d’une tour maison forte de Communes a conservé quadrangulaire au sud est (fig. 2) ; des vestiges dans un état exceptionnel ; celles-ci étaient toutes reliées entre en effet, dans une petite pièce située à elles par des courtines mais celles du l’angle sud-ouest de cette tour, nous nord et de l’est ont aujourd’hui disparu. trouvons des latrines parfaitement Cette organisation est typique des conservées (fig. 9 et 10). Sur le mur constructions postérieures au XIIIe droit, un petit récipient de pierre, à siècle. hauteur d’homme, servait vraisem- Aujourd’hui, il est possible d’ac- blablement d’urinoir ; il est percé d’un céder uniquement aux tours sud-est et orifice à son extrémité, qui permettait sud-ouest ; nous nous intéresserons à l’écoulement des déchets par un leurs principales caractéristiques. conduit aménagé dans l’épaisseur du La tour sud-est est le donjon de la mur. À côté, au fond de la pièce, se maison forte de Communes ; comme trouve le retrait d’une latrine dont la toutes les autres tours, elle s’organise pierre d’assise a disparu. Ces latrines sur trois niveaux, mais seuls les deux relèvent du type des latrines à fosse. Ici, premiers sont accessibles (fig. 3 et 4). la fosse était ménagée dans l’épaisseur La première pièce est semi-enterrée ; du mur. Cette tour a donc bénéficié elle est surmontée d’une voûte en plein d’aménagements de confort et cintre et servait vraisemblablement de d’hygiène particulièrement bien con- cellier. Au premier niveau se trouve servés ; c’est également le cas de la tour une pièce surmontée de deux voûtes sud-ouest. sur croisées d’ogives (fig. 5). Contre le Il s’agit, cette fois-ci, d’une tour mur de la façade est, nous pouvons cylindrique, dont les trois niveaux sont observer une cheminée dont il ne reste encore parfaitement accessibles ; l’accès que la souche, les marques d’un ancien aux différents niveaux se fait par des manteau et les piédroits dont les escaliers épargnés (fig. 11 et 12). Le sommiers portent des traces premier niveau est, là encore, surmonté d’arrachement. Cette cheminée est d’une voûte plein cintre et est entourée de deux fenêtres ouvertes au faiblement éclairé. Il s’agit fond d’une niche voûtée et qui sont vraisemblablement d’une pièce qui encadrées de coussièges. Sur la façade servait d’entrepôt. La pièce du second sud, le même type de fenêtre se niveau est surmontée d’une voûte sur retrouve dans une niche voûtée avec, croisées d’ogives retombant sur des cette fois-ci, un seul coussiège (fig. 6). culots sculptés (fig. 13). Cet espace L’intérêt dans cette pièce apparaît sur était chauffé par une cheminée murale la façade ouest où est construit un à hotte dont le conduit se prolonge à bassin en pierre, surmonté d’une voûte, l’étage supérieur. Le manteau a disparu et accolé à un petit récipient incrusté mais les piédroits qui le supportaient dans la pierre (fig. 7 et 8). Il s’agit là sont conservés. Nous pouvons observer d’un évier à réservoir en parfait état de deux sculptures en leurs sommiers (fig. conservation. On mettait de l’eau dans 14 à 16). Lorsqu’elles sont rassemblées, 72 Le château de Communes elles forment une scène de sociabilité : à la tour sud-ouest un décor classique sur le piédroit gauche se trouve une du XIIIe siècle, tandis qu’ils ont choisi tête de femme qui écouterait le joueur une décoration plus novatrice, de la fin de luth sculpté sur le piédroit droit. du XIIIe siècle, pour la tour sud-est. Trois fenêtres éclairent la pièce ; deux Enfin, au dernier niveau de la façade sont munies de coussièges. Au dernier est du donjon, les constructeurs ont niveau de cette tour, deux souches de mis en œuvre une fenêtre à trilobes cheminées s’opposent de manière ajourés ; ce type de décor n’a vraisem- symétrique ; l’une d’elle constitue la blablement pas été utilisé avant la fin souche de la cheminée de la première du XIIIe siècle (fig.
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