Pierre MORIZOT La présence romaine dans le Djebel Amour (Algérie) : apport des images Spot et de la photographie aérienne Résumé Dans un article publiéen 1990, le D'César Voûte a publié un article où il expose les conclusions auxquelles il estparvenu en analysant minutieusement une image Spot prise en 1986. Il estime y avoir détecté des vestiges convaincants d'une présence romaine dans quatre secteurs bien précis de ce massif, ce qui constituerait une donnée importante del'histoire delapénétration romaine en Afrique. Jusqu'àprésent notre connaissance du Djebel Amour, qui setrouve en dehors dela zone couverte par l'Atlas archéologique de l'Algérie, reposait principalement sur I ouvrage de J. Despois, Le Djebel Amour, Alger 1957, où l'auteur est formel : iln'y a pas trace, dans cette montagne, d'occupation romaine. Pourtant la carte INC 1951 au 1/50.000 de la région de Tadjmout, type 1922, signale dans la haute vallée de l'oued Mzi, affluent de l'oued DJeddi. quatre emplacements de ruines romaines, différents d ailleurs de ceux qu'estime avoir identifiés G. Voûte. Pour tenter de résoudre cescontradictions, l'auteur s'est appuyé surune collection de photos aériennes prises en 1956. Il pense pouvoir en tirer laconclusion qu'aucun des sites présentés par C. Voûte n'est romain, ni même très ancien. Par contre ces mêmes vues semblent confirmer l'existence de ruines là où la carte ICNen signalait en 1951. Il estdouteux cependant que celles-ci soient romaines. Un examen au sol devra trancher la question. Situé à 350 km au S.-E. d'Oran et à une distance équivalente au S.-W. d'Alger (fîg. i)^ |e Djebel Amour présente dans l'ensemble des massifs montagneux de l'Atlas saharien, entre Biskra et la frontière marocaine, une assez forte individualité physique et humaine. Il est riche en eau et c'est un véritable château d'eau qui donne naissance à deux longs oueds pérennes tout 186 P. MORIZOT LAPRESENCE ROMAINE DANS LEDJEBEL AMOUR (ALGÉRIE) 187 au long de leurs cours, le Chéliff qui se jette dans la Méditerranée et l'oued toute construction, dont il pense qu'elles ont servi d'abri à bestiaux. Mais il est Djeddi qui s'évapore dans le Sahara au sud de Biskra. En même temps que le clair qu'il ne voit dans tout cela rien de romain. Les quelques photographies relief, ses forêts contribuent à rendre le pays peu pénétrable aux nomades qu'il en donne sont de ce point de vue tout à fait convaincantes. Bref, pour lui, sahariens. C'est avant tout une montagne de pasteurs transhumants, habitée par le Djebel Amour était naguère une montagne de villageois berbères plus une tribu d'origine arabe, les Amour, qui s'est implantée en refoulant une adonnés à la culture irriguée que ses occupants actuels; l'habitat rural et la vie population deberbères sédentaires'. agricole auraient régressé au profitde la vie pastorale et de l'habitat mobile des Bien que l'ancienneté de son peuplement soit attestée, en particulier par tentes, au cours des cinq ou sixderniers siècles'. Les renseignements recueillis de belles gravures rupestres et de très nombreux tumuli en pierres sèches et que oralement par P. Salama en particulier', vontdans le même sens. l'on ait trouvé à Agueneb, sur la frange ouest du massif une inscription bien 11 convient d'ajouter que, depuis l'Antiquité, divers événements plus ou connue qui célèbre le passage d'un groupe de cavaliers appartenant à divers moins récents ont contribué à modifier, ici et là, le paysage rural traditionnel. corps de l'armée romaine, l'on considère en général que le Djebel Amour n'a Ce sont, d'une part l'extension et la mise en valeur, à la fin du siècle dernier, pas été occupé par les Romains. Néanmoins tous les témoignages à ce sujet ne sous l'impulsion en particulier de l'épouse française du cheikh de la confrérie sont pas absolument concordants. Tidjanya, d'un vaste domaine agricole situé aux environs d'Ain Mahdi' ; d'autre part la création en aval de Tadjemout d'un Secteur d'amélioration I. La documentation antérieure à 1986. rurale (SAR), irrigué par un barrage d'inféro-flux portant sur plusieurs centaines d'hectares (hors texte, p. 23), dont la réalisation a apporté En effet, si l'on ne peut s'en rapporter à l'Atlas archéologique de l'Algérie d'importants changements à latopographie locale, ainsi qu'on peut leconstater dont les cartes ne vont guère au delà du méridien de Djelfa, il existe une carte encomparant les cartes INC au 1/100.000 type 1957 avec les précédentes* (fig. INC (Institut national de cartographie^) Tadjemout au 1/50.000, fort bien 8 b et 8 c) ; enfin l'ouverture à la limite N.-E. du massif d'une tranchée renseignée, datant de 1931, qui couvre la plus grande partie de la vallée de destinée à faire passer oléoducs et gazoducs amenant au port d'Arzew le l'oued Mzi, lointain affluent de l'oued Djeddi. Y sont signalés, avec beaucoup pétrole et legazsaharien (fig. 3). Ce sont autant de données qu'il convient de de précision, les ksour habités', et les ksour abandonnés, de très nombreux prendre en compte avant de procéder à l'étude des documents fournis par les tombeaux dits mégalithiques, enfin quatre sites échelonnés le long de l'oued images satellitaires et lesphotographies aériennes classiques. Mzi, en amont de Tadjemout, pour lesquels a été utilisé le sigle R. R. réservé dans la toponymie cartographique à la signalisation des ruines romaines. Nous IL Mise en parallèle des conclusions tirées d'une image Spot de 1986 avec y reviendrons ci-dessous. des photographies aériennesantérieures. J. Despois, auteur d'un excellent ouvrage sur le Djebel Amour"*, affirme, néanmoins qu'il n'y a pas trace d'occupation romaine dans le massif (fig. 2). Il Tel était sommairement l'état de nos connaissances, lorsque un géologue consacre de longs paragraphes aux divers types de villages et de ksour en néerlandais, le D'César Voûte, eut l'idée d'utiliser une vue du Djebel Amour ruines —il en dénombre une quarantaine —abandonnés pour diverses raisons, prise par le satellite Spot en 1986, qui avait été largement diffusées par le au cours des deux ou trois siècles écoulés. Il signale en outre l'existence d'une CNES (Centre national d'études spatiales) à des fins publicitaires (fig. 4), pour vingtaine d'enceintes carrées, dont la plus grande a 400 m de côté, vides de ' J. Despois, LeDjebelAmour. Alger, 1957, p. 7-9. ^J. Despois, Ibid, p. 26 et 118. ' Correspond, pour l'Algérie, à l'ancienne appellation IGN. En effet, lacession par ^Conversation avec P. Salama. l'Institut géographique national à l'organisme algérien correspondant - c'est-à-dire à G. L'Algérie nomade et ksourienne, Marseille, Éd. Tacussel, 1989, p. 142- l'INC - du droit de reproduction de ses cartes, conduit à mentionner les anciennes IGN 146 et p. 186-190. La confrérie Tidjania a été fondée en 1781 par Si Ahmed Tijani, né à sous le nouveau sigle INC. Aïn Mahdi d'une famille d'origine marocaine ; en butte à l'hostilité des Turcs, il ' Pluriel de Ksar. village fortifié souvent situé sur une hauteur. entoura le ksard'une muraille qui lui permit de résister à plusieurs sièges. "* J. Despois, Ibid. *Ibid, p. 166. Bibliothèque de Djemaa Djoghlal www.asadlis-amazigh.com 188 P. MORIZOT LA PRÉSENCE ROMAINE DANS LE DJEBEL AMOUR (ALGÉRIE) 189 tenter de retrouver dans ce massif desvestiges d'occupation romaine'. À partir Lorsque cette vue a été mise en parallèle avec la photographie aérienne d'une image au 1/200.000, ces recherches ont porté sur quatre secteurs du correspondante(fig. 6 b, au 1/22.000), il n'a pas été possible de retrouver trace massif (fig. 5), dont il présente des vues partielles accompagnées d'un schéma de ces vestiges, qui, compte tenu en particulier de l'échelle de cette interprétatif, soit : photographie, auraient du être bien visibles. Par ailleurs, les3 traits parallèles N.-O —S.-E. que l'on voit dans l'angle I° - au N.-E. d'Aflou à proximité de la route Aflou-Laghouat (fig. 6 a), de lafig 6a, ne sont pas la route Aflou-Laghouat qui passe plus à l'est, et pas 2° - sur les rives de l'oued Mzi, entre Afiou et Tadjemout(fig. 7 a), davantage des pistes parallèles ; elles correspondent, selon les indications qu'a 3° - en aval de ce point, aux abords de Tadjemout, (fig. 8 a), bien voulu me donner J.-C. Dupuis, chefde la cartothèque de l'IGN, au tracé 4° - aux alentours de Ain Mahdi. (fig. 9 a). d'une série d'oléoducs et de gazoducs, construits entre i960 et 1980 (fig. 4). L'on comprend dans ces conditions que ces traits, à l'exception d'un seul qui Ce faisant, C. Voûte ne cachait pas son regret de n'avoir pu comparer ces est une piste chamelière à peine dessinée d'ailleurs, n'apparaissent pas sur la images avec des photos aériennes. Cette comparaison, nous avons pu la faire photo SHAA datée de 1956. Quant au camp lui-même, s'il s'agit bien d'un grâce aux archives de l'Armée de l'Air conservées par le Service historique de camp, son existence est peut-être à mettre en rapport avec la construction de cette arme (SHAA), qui détient des photographies prises en 1956 et 1957 à des ces pipe-line. échelles variant entre 1/15.000 et 1/22.000". Nous nous sommes efforcés aussi de confronter les unes et les autres avec la documentation cartographique 2° - Grande courbe de l'oued Mzi, entre AfIou etTadjemout (fig 7 aet7 b).
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