0123 MARDI 4 OCTOBRE 2016 culture | 17 Trotignon-Garay, le jeu au bout des doigts Le pianiste français et le percussionniste argentin présentaient au Café de la danse un nouvel album pimenté JAZZ Zéro trucage, inino Garay, le plus nul chantage parisien des percus- au décibel, sionnistes argen- tins, et Baptiste Tro- ça joue direct, Mtignon, pianiste d’une ampleur ça ne trompe pas rare, présentent leur dernier opus, Chimichurri (Sony Music). L’af- faire a lieu au Café de la danse, le doigt d’Hermeto Pascoal que tous samedi 1er octobre. A deux pas de les musiciens aiment bien repren- Bastille (Paris 11e), Le Café de la dre (Chorinho pra Ele), et un An- danse est une des plus jolies salles dantino de Trotignon. de Paris. Comme il faut, jauge Pause pour le bar et les fumeurs. exacte, avec son bar, son accueil, Après quoi défilent, selon le même dans ce petit passage Louis-Phi- rythme joyeux, sérieux, pensé, lippe qui donne sur la rue de Awake (qu’ils ont enregistré en- Lappe. La vieille rue des Apaches semble), Gardel bis (Sus Ojos se Cer- reconvertie en déambulatoire de raron), Trinkle Tinkle et Passport fêtards approximatifs. (celui-ci, de Charlie Parker, pour un Un poil à l’écart de cette rue de la Trotignon surprenant), Buenos soif aux airs de banlieue pépère, le Aires que signe le pianiste, La Cam- Café de la danse offre un temple biada (leur premier titre de Chimi- acoustiquement parfait, avec son churri, l’album), et au rappel cette mur de pierres brutes en fond de Chanson d’Hélène (Philippe Sarde) scène, pour artistes en lance- qui leur tient à cœur. ment. Zéro trucage, nul chantage Cela va finir par sonner drôle, au décibel, ça joue direct, ça ne deux musiciens en scène dont on trompe pas. Double jeu depuis voit tout. Deux musiciens qui ne cinq ans : Minino Garay et son se contentent pas de décliner leur sourire craquant de colosse ar- album à vendre, lors même qu’ils gentin ; Baptiste Trotignon, d’une en réinventent les possibles. Deux indéracinable élégance au clavier, musiciens à voir – car leur musi- avec sa main gauche à défrayer que jouée à ce degré se voit à l’œil tous les bassistes et organistes de nu –, l’un, Baptiste Trotignon, prêt la planète. à tout, sous ses airs oubliés d’en- fant aussi sage que prodige ; Pleine entente Baptiste Trotignon et Minino Garay. PONTENPIE l’autre, Minino Garay, rieur, mur- La main gauche, en « jazz », c’est la murant des paroles ici ou là, affairé clef. Minino salue celle de Bap- à cette cathédrale tordue qui tient tiste. Lui, bibi hip-hop sur ses ail (à partir de quatre gousses), une liaire, évitez le robot, ça fait plouc. jón, ce caisson où il est assis, ma- joue surtout du Trotignon en lieu d’instrument pour les percus- longs cheveux d’Indien de Pata- tasse d’oignons taillés en cube, un Pourquoi cette recette ? Parce niant baguettes chinoises et don- pleine entente avec Minino. sionnistes – mi-Gaudi, mi-Palais gonie, trente ans de carrière piment rouge dont vous aurez re- qu’elle colle à l’esprit de l’album. nant des leçons de triangle (instru- Premier acte, fondu enchaîné idéal du Facteur Cheval –, la faisant auprès des plus grands, il affûte et tiré les graines et la membrane in- Minino a l’air d’un voyou de Cór- ment volontiers moqué par les comme on fait quand on n’a pas à sonner parfois sans même la tou- déplace ses agogos, claves, torpe- térieure (n’hésitez pas, vous pou- doba, sa ville, la ville qu’il célèbre oreilles carrées), la jambe droite servir une soupe de promotion, cher. Pur théâtre de la vérité. p dos, woodblocks et autres flexibo- vez aller jusqu’à deux), deux chaque fois qu’il joue. Aimer sa enrobée d’un bracelet de grelots, Volver, signé du grand Carlos Gar- francis marmande nes (mâchoires d’ânes) sans lâcher cuillères à soupe d’huile et vinai- ville natale vous aurait un côté dé- l’œil à tout, on sait qu’il joue Chimi- del, fragments de West Side Story, les congas, avec les précautions gre de vin rouge, une petite cuiller suet ? Détestablement identitaire ? churi. Impeccable sur le clavier, What a Wonderful World, réper- Chimichurri, de Baptiste d’un prêtre narquois. de jus de citron frais, sel et poivre, Vaguement connaud ? Lâchez- Trotignon, dont le texte de po- toire plaisant dans les mains de Trotognon et Minino Garay, Au fait, la Chimichuri (« Tximi- cela va de soi, un doigt de basilic vous ! C’est tout le contraire. On chette sur le duo est un modèle du jazzmen, La Peregrinación (et Si 1 CD Sony Music. txurri » en basque) – titre de l’al- frais s’il s’en trouve, et encore un connaît des musiciens (Marco Per- genre, entre dans la danse comme l’Argentine est un roman, ainsi que En concert le 19 octobre à bum –, késaco ? Simple. Une sauce peu d’ail. Et du piment. Il vous fau- rone) qui aiment La Courneuve s’il connaissait Córdoba du bout le prétend Arnaldo Calveyra ? Les Tourcoing (Nord), le 19 novembre très facile à rater : un demi-bou- dra mortier et pilon après avoir dé- autant que Naples, et, de proche en des doigts. Plus Oscar Peterson, poètes ne se trompent jamais…), à Digne-les-Bains (Alpes-de- quet de persil promptement ci- coupé les herbes aussi finement proche, un peu tous sans se le dire. Kenny Barron, Keith Jarrett, Rach- du Paul McCartney finement casé Haute-Provence), le 25 à selé, deux cuillères d’origan, force qu’un chirurgien sa vésicule bi- Quand Minino Garay joue du ca- maninov et pas mal d’autres. Il par le pianiste (Jenny Wren), un Villemoisson-sur-Orge (Essonne). Dans cette veine, on pourra aussi L’indignation qui soutenait ces Roach, dans lequel s’affrontent minutieuse met en avant les en- La Cinémathèque bat découvrir A Lion Is in the Streets, de films a cédé la place à un scepti- deux lamentables candidats à la jeux du débat politique, au mo- Raoul Walsh (1953), inspiré par la cisme souvent teinté d’ironie. députation que jouent Will Fer- ment où – à rebours des règles ré- figure du gouverneur de Loui- Primary Colors, de Mike Nichols rell et Zach Galifianakis. gissant habituellement les rap- la campagne américaine siane Huey Long, ce film plutôt (1997), est un film à clés qui dé- C’est exactement l’inverse de la ports entre fiction et réalité – l’un rare ayant été préféré aux Fous du taille toutes les embûches dont démarche de David Simon et des candidats à la présidence des roi, de Robert Rossen, qui tournait Bill Clinton (ici rebaptisé Jack Paul Haggis dans la série « Show Etats-Unis vient de consacrer Rue de Bercy, à Paris, une belle sélection autour du même personnage. Stanton, mais imité à la perfec- Me a Hero », qui retrace l’itiné- plusieurs interventions à la cor- de fictions et de documentaires inspirés Le cinéma hollywoodien est tion par John Travolta) dut triom- raire de Nick Wasicsko, jeune pulence d’une ancienne Miss doté d’un certain pouvoir de pres- pher pour accéder au bureau maire de Yonkers, dans l’Etat Univers. p par les cycles électoraux aux Etats-Unis. cience, qui n’a jamais été aussi Ovale. Ces portraits à de New York, qui doit assumer, thomas sotinel troublant qu’au moment de la charge nuancés peuvent égale- face à ses électeurs, la construc- sortie d’Un crime dans la tête, de ment virer à la franche satire, tion de logements sociaux desti- La Cinémathèque, 51, rue de Bercy, CINÉMA nouveler ainsi qu’un tiers du Sé- John Frankenheimer, adapté du comme dans Moi, député, de Jay nés aux minorités. Cette fresque Paris 12e. Jusqu’au 31 octobre. nat. Du Président fantôme (Nor- roman de Richard Condon. Ce ré- a page Wikipédia qui re- man Taurog, 1932) à « Show Me a cit d’une tentative d’assassinat cense les acteurs ayant tenu Hero », la série de David Simon (le d’un candidat à la présidence, le rôle du président des créateur de « Sur écoute/The organisée par le camp commu- LEtats-Unis en compte 32 qui ont Wire ») réalisée par Paul Haggis et niste (la Corée du Nord, en l’occur- incarné le seul Abraham Lincoln, diffusée sur HBO en 2015, le pano- rence), est sorti le 24 octobre 1962, de Naissance d’une nation, de rama ainsi esquissé donne une treize mois avant la mort de John D.W. Griffith, en 1915, à Albert à idée de la puissance de la Consti- F. Kennedy. QUI SOMMES-NOUS, D’OÙ VENONS-NOUS, l’Ouest, de Seth MacFarlane, qua- tution américaine, qui est aux tre-vingt-dix-neuf ans plus tard. fictions montrées rue de Bercy Scepticisme teinté d’ironie OÙ ALLONS-NOUS ? Tous les occupants de la Maison l’équivalent d’une bible pour une En 1972, le premier président afro- Blanche ont fini sur le grand série télévisée. américain apparaît à l’écran, sous écran, y compris Rutherford B. En 1933, le président fascisant les traits de James Earl Jones, dans Hayes (président de 1877 à 1881), qu’incarne Walter Huston dans The Man, de Joseph Sargent. Mais, qui apparaît dans le Buffalo Bill de Gabriel Over the White House, de si le film de Frankenheimer a su- William Wellman. On sait déjà Gregory La Cava, piétine la sépara- perbement passé l’épreuve du que le show satirique télévisé tion des pouvoirs, dissout les deux temps, celui de Sargent a laissé le « Saturday Night Live » a confié le Chambres, avant de passer aux souvenir d’un navet, ce qui expli- personnage de Donald Trump à choses sérieuses (les exécutions que son absence de la program- es.
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