LA RÉVOLUTION BELGE ET ■ • '*■—• r ■ :........: • -^>aï■ • ■ *"**r LA CAMPAGNE DE DIX-JOUES (1830- 1831) SOCIÉTÉ ANONYME M. WEISSENBRUCH, IMPRIMEUR DU ROI, ÉDITEUR RUE DU POINÇON, 49, BRUXELLES ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE - COMMISSION ROYALE D’HISTOIRE MÉMOIRES ET DOCUMENTS INÉDITS SUR LA RÉVOLUTION BELGE ET LA CAMPAGNE DE DIX-JOURS ( 1830- 1831) RECUEILLIS ET ANNOTÉS le Baron Camille BUFFIN AVOCAT TOME PREMIER BRUXELLES Librairie KIESSLiIN O et O1* P. 1MBREGHTS, SUCCESSEUR 42-44, RUE COUDENBERG, 42-44 1 9 1 2 INTRODUCTION Pendant de nombreuses années, la crainte de frois­ ser certaines susceptibilités a entravé la publication des Mémoires sur la Révolution de 1830 ; mais aujour­ d'hui qu'une amitié sincère unit le peuple belge et le peuple hollandais, on peut faire connaître, sans in­ convénient, les intéressants documents qui, depuis quatre-vingts ans, sont enfouis dans les archives pu­ bliques ou privées. Malheureusement, pendant cet espace de temps, les papiers du comte Frédéric de Mérode, du duc d'Ursel, des barons d'Hoogvorsf et de Stassart, du général Nypels, de M. van de Weyer, d'autres encore, ont été détruits et nous avons perdu ainsi d'importantes sources historiques. Cependant, grâce à l'amabilité de Mme la baronne de Constant Rebecque, de S. A. S. le duc d'Arenberg, du lieutenant général comte H. Du Monceau, adju­ dant général et chef de la maison militaire de la Reine des Pays-Bas, du baron Chazal, du général-major de Bas, directeur de la section historique au ministère de la guerre hollandais, de M. de Grellc-Rogier, du vicomte d'Hendecourt, de MM. les avocats De Smelh et Descamps, fai pu recueillir, tant en Belgique qu'en Hollande, une collection de mémoires inédits qui re­ latent des épisodes tout à fait inconnus de la Révolu­ tion et de la campagne de Dix-Jours. Ces relations présentent d'autant plus d'intérêt qu'elles émanent de témoins oculaires belges et hollan­ dais, qui envisagent les événements à des points de vue tout à fait différents. Chaque auteur, à la vérité, s'étend trop complaisamment sur les succès de ses compatriotes, mais cette partialité, fort excusable d'ailleurs, n'abusera guère le lecteur, qui parviendra aisément, en comparant les divers récits, à rétablir l'exactitude des faits. U suivra, presque jour par jour, la. marche des événements et se rendra compte des sentiments qui animaient les adversaires pendant leur conflit. Il étudiera également le rôle joué par la France, qui attisait le mécontentement, dans l'espoir d'affaiblir un dangereux voisin et peut-être même, si les circonstances s'g prêtaient, d'annexer les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas. A ces mémoires, j'ai joint des notes biographiques qui contribueront, je l'espère, à rappeler le souvenir de braves qui, soit en combattant pour l'indépendance de lu Belgique, soit en défendant les droits de la maison de Nassau, ont noblement rempli leur devoir et ont généreusement versé leur sang pour la cause qu'ils soutenaient. LE LIEUTENANT GÉNÉRAL BARON CHAZAL MINISTRE D’ÉTAT L e L ie u t e n a n t G é n é r a l B a r o n CHAZAL Ministre d’Etat. Pendant de longues années, les Chazal avaient occupé de hautes fondions dans la magistrature du Languedoc ; mais, à la fin du xvme siècle, les graves événements poli­ tiques qui bouleversèrent la France arrachèrent leur descendant, Jean-Pierre, à la carrière paisible de ses aïeux. Envoyé à la Convention par le département du Gard, il protesta à plusieurs reprises, dans les séances tumultueuses de cette assemblée, contre l’adoption de mesures arbi­ traires. Il réclama la levée du séquestre mis sur les biens des étrangers et la suppression des commissions exécutives coupables de dilapidation. Il fut ensuite chargé d’une mission dans le Midi et, par sa modération, il réussit à pacifier rapidement le pays. Au lieu de persécuter les prêtres, comme le voulaient ses instructions, il se borna à exiger leur soumission au gouvernement; puis il les mit en liberté et leur restitua leurs biens (1). Ce manque de civisme fut dénoncé aux Montagnards, devenus tout-puissants sous la Terreur. Jean-Pierre Chazal, se sachant condamné, se rendit avec deux de ses collègues (i) (i) Voir Th. L amatbêre, Panthéon de la Légion d'honneur, p. 222. auprès des membres du Comité de Salut public : « Vous l’emportez, leur dit-il, nous le reconnaissons. Nous croyons servir utilement la patrie sur nos chaises curules; la majo­ rité nous prouve que nous nous sommes trompés, mais qu’il nous soit permis du moins de marcher aux frontières, de combattre et de mourir à l’armée, — Mourir à l’armée, vociféra Saint-Just, le plus violent de ces énergumènes, mourir à l’armée, vous, brigands ! Non, non ! C’est avec le bourreau qu’il faut com­ battre, c’est à la guillotine qu’il faut mourir (1)! » Sous cette menace, les trois malheureux s’enfuirent et se tinrent cachés jusqu’à la dissolution de la Convention (26 octobre 1795). Jean-Pierre Chazal rentra alors dans la vie publique. 11 prépara avec Sieyès et Lucien Bonaparte le coup d’Etat du 18 brumaire et, dans la dernière séance du Conseil des Cinq-Cents, il s’opposa à la mise hors la loi du général Bonaparte, réclamée par les Jacobins. Napoléon lui témoi­ gna sa reconnaissance en le nommant tribun, puis, en 1802, préfet des Hautes-Pyrénées. Quelques années plus tard, il le créa baron et le dota d’un majorât. Destitué sous la Restauration, le baron Chazal devint préfet du Finistère pendant les Cent-Jours, mais il fut proscrit au retour de Louis XVIII, et vint s’établir en Bel­ gique avec sa famille. Félix, son fils aîné, dont nous publions aujourd’hui les mémoires, naquit à Tarbes, le 1er janvier 1808. Il fit ses études à l’Athénée de Bruxelles, où il eut la bonne fortune d’avoir comme professeur Phi­ lippe Lesbroussart, qui lui inculqua le culte de la poésie. A l’exemple de son maître, il composa bientôt de jolies (1) B aron, « Les exilés de Bruxelles « (Revue de Paris, 1831.) pièces de vers, qui révèlent son âme ardente et enthou­ siaste; en même temps il collaborait au Mathieu Laensberg, journal de Liège, rédigé par ses jeunes amis, Lebeau, Devaux et Charles Rogier. Grand, svelte, les traits énergiques, Félix Chazal joignait à l’art de bien parler des élans de véritable inspiration. Sa parole éloquente, persuasive, exerçait une remarquable séduction. Il avait, en outre, le don de la riposte et, quand dans une discussion quelqu’un osait l’interrompre, il savait d’un mot le réduire au silence. Au mois d’août 1830, entraîné par la générosité de son caractère, il se jette à corps perdu dans la Révolution. Revêtu de la blouse nationale et de l’écharpe tricolore, il combat au premier rang; son audace, son langage patrio­ tique lui acquièrent de suite la sympathie des volontaires dont il devient un des principaux chefs. A la .sortie de Dieghem, il commande l'avant-garde et, à son retour, croyant Bruxelles sans défense, il accompagne les organisa­ teurs de la révolte dans leur retraite vers la frontière. Il s’était heureusement trompé. A leur entrée dans la capitale, les troupes hollandaises rencontrent une résis­ tance acharnée; au son du tocsin de Sainte-Gudule, les habitants des villages, armés de fusils, de sabres, même de bâtons, volent au secours de la ville et leurs attaques intrépides déterminent la retraite de l’armée royale. La Belgique était libre, mais tout restait à organiser. « Tâche pleine de difficultés! Les patriotes se partagent la besogne : sous le titre de munitionnaire général, puis de commissaire ordonnateur en chef, Chazal est chargé de l’intendance de l’armée 11 fait de suite inventorier les anciens dépôts de l’Etat, et il constate avec désespoir que les magasins et les arsenaux sont vides, les hôpitaux {. « ) # dénués de secours médicaux. Cependant il faut immédiate­ ment venir en aide aux hommes héroïques qui combattent pour notre indépendance. Campés dans les bruyères et dans les marais malsains d’Anvers, ces braves n’ont ni vivres ni argent; beaucoup marchent pieds nus. Chazal se met courageusement à l’œuvre et, quoique n’offrant aux fournisseurs que des bons d’un paiement fort aléatoire, il parvient à satisfaire aux besoins les plus urgents (*). Quand, à la fin d’octobre, il va inspecter la marche des services aux avant-postes, il trouve la plupart des volon­ taires équipés. Malgré le bombardement, il pénètre dans Anvers avec Charles Rogier et, fout en négociant la cessation du feu, il assure la distribution des vivres, des fourrages, de la solde. Il était alors impossible d’établir un service régulier d’approvisionnement, par suite de la varia­ tion constante des effectifs. Dans une revue passée à Anvers, le 1er novembre, on compte 521 officiers et 8,177 sous- officiers et soldats. Des vivres et des vêtements sont aussitôt commandés d’après ces chiffres, mais six jours après il n’y a plus sous les armes que 312 officiers et 4,752 sous- officiers et soldats ! Par contre, à la moindre alerte, des milliers de volontaires accourent dans les rangs : ainsi sont sans cesse déjoués tous les calculs de l’ordonnateur en chef! Ces difficultés sont aggravées par l’absence d’un per­ sonnel expérimenté. Les intendants militaires, les quar­ tiers-maîtres et les sergents-majors de l’ancien gouverne­ ment ont abandonné leurs emplois et sont remplacés par des hommes totalement étrangers à l’administration, qui 1 (1) H u yt t e n s, Discussions du Congrès national de Belgique.
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