Le Domaine De Chaalis, Xiie-Xive Siècles : Approches Archéologiques

Le Domaine De Chaalis, Xiie-Xive Siècles : Approches Archéologiques

MÉMOIRES DE LA SECTION D'ARCHÉOLOGIE ET D'HISTOIRE DE L'ART III Commissaire responsable : M. Jean Hubert, président honoraire de la Section d'archéologie et d'histoire de l'art du Comité des travaux historiques et scientifiques Pour tout renseignement relatif à la rédaction des publications du Comité des travaux historiques et scientifiques, s'adresser au Secrétariat du Comité, ministère de l'Éducation nationale, C.T.H.S., 3-5, bd Pasteur, 75015 Paris. MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES LE DOMAINE DE CHAALIS XIIe-XIVe siècles Approches archéologiques des établissements agricoles et industriels d'une abbaye cistercienne PAR François BLARY PARIS Éditions du C.T.H.S. 1989 Couverture : La grange de Vaulerent (cliché Laurence Fossé) e C.T.H.S., PARIS, 1989 ISBN : 2-7355-172-8 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, y compris la photographie et le microfilm, réservés pour tous pays PRÉFACE par Léon PRESSOUYRE Ce livre devrait marquer une date dans l'histoire de la connaissance et de la conservation des paysages et des bâtiments ruraux d'époque médiévale en France. Notre pays n'a pas eu, tant s'en faut, un rôle de pionnier en la matière. Faute d'une problématique de recherche adéquate, les campagnes thématiques tardivement lancées par le ministère de la Culture pour la sauvegarde du patrimoine rural ont échoué à repérer la plupart des granges médiévales. Quant aux campagnes thématiques concernant le patrimoine industriel, elles ont ignoré le plus souvent les forges, fours et moulins antérieurs au xvr siècle pour la même raison, à quoi s'ajoutait peut-être un refus délibéré de prendre en compte des témoins de l'ère «pré-industrielle». L'intérêt que nos contemporains portent au monachisme cistercien aurait normale- ment dû combler, au moins partiellement, ce retard en suscitant de nombreuses études sur les domaines des grandes abbayes où furent expérimentés, au XIIe siècle, les principes d'une exploitation autarcique et rationnelle que les économistes décrivent à bon droit comme l'un des «modèles» les plus novateurs de la période médiévale. Les études historiques, certes, existent, nombreuses et souvent pertinentes : celles du regretté Charles Higounet sont dans toutes les mémoires. Mais, paradoxalement, elles n'ont presque jamais été relayées par des enquêtes de terrain portant sur l'organisation de l'espace rural, la maîtrise des eaux, le réseau des chemins, les bâtiments subsistants ou disparus. Jusqu'à une date récente, l'archéologie, sans pourtant se désintéresser du phénomène cistercien, a trahi l'objet même de son étude par suite d'une approche trop réductrice. Faut-il rappeler que dans son grand Recueil de plans d'églises cislerciennes, le Père Marie-Anselme Dimier avait délibérément choisi d'isoler, dans chaque relevé, l'église des bâtiments conventuels auxquels elle est intégrée? Ce corpus constitué de 1949 à 1967 est un exemple des aberrations auxquelles a pu conduire, en France, la démarche des historiens de l'art, appliquée à l'architecture monastique. Formulés ou implicites, des critères de choix opposant le monumental à l'utilitaire, le sacré au profane ont abouti, en ce qui concerne les ensembles cisterciens, à des sélections absurdes et lourdes de conséquences. Il n'est pas rare que la Commission supérieure des monuments historiques, saisie d'un projet de travaux d'aménagement, découvre avec stupeur que, dans telle abbaye, seule l'église était protégée, ce qui laissait toute latitude pour modifier les dispositions du cloître, de la salle capitulaire, du dortoir, du réfectoire ou des cuisines. Sélective dans le périmètre restreint de l'enclos monastique, la protection a été plus arbitraire encore en ce qui concerne les exploitations périphériques des abbayes. Aucun recensement préalable n'a jamais déterminé la liste des granges, celliers, fours ou moulins à conserver en priorité. S'agissant du domaine de Chaalis, dont il sera question ici, on constate que le four tuilier de Commelles n'a dû sa protection qu'à une erreur d'identification : il fut initialement classé parmi les monuments historiques, en 1867, comme «lanterne des morts ». Au moment où cette étude s'achevait, de toutes les granges céréalières de l'abbaye, seule celle de Vaulerent bénéficiait — et cela depuis 1889 — d'une mesure de classement. C'est ainsi que la grange de Troussures, qui n'était pas moins intéressante, put être impunément détruite en 1966. De même, le cellier d'Argenteuil fut anéanti en 1977 au cours d'une opération d'urbanisme. La démolition des caves gothiques de la maison de Chaalis à Beauvais en 1967 prend valeur de symbole : c'est pour construire une école que l'on abolit toute trace de cet entrepôt urbain où étaient stockés les surplus commercialisables : blés, vins, bois. Si j'ai volontairement mis en exergue ces problèmes de conservation, c'est que leur priorité est évidente. De même que les remembrements ont aboli un peu partout les derniers vestiges du parcellaire médiéval, l'évolution des techniques agricoles est en passe de détruire sous nos yeux les grands bâtiments d'exploitation cisterciens, car leurs dimensions imposantes ne suffisent plus à en garantir la rentabilité. Sans quitter ni les Cisterciens ni la région étudiée, il est bon de signaler que la grange de l'enclos abbatial de Froidmont, en Picardie, est actuellement en péril, car il n'y a plus de ferme pour en assurer la maintenance. Une autre des granges du domaine de Froidmont, celle de Grandmesnil (commune de Campremy) a été réaménagée : des bâtiments modernes occupent ses ruines, laissant deviner la structure d'un édifice à trois nefs de 56 m de long sur 26 de large, dont seuls subsistent les piliers carrés et quelques pans de murs. Il est inutile d'épiloguer sur les destructions survenues au xxe siècle dans d'autres régions, si ce n'est pour souligner tout ce qu'un inventaire succinct analogue à celui que Colin Platt a dressé en 1969 pour l'Angleterre aurait pu éviter en fait de destructions aveugles. S'il est publié un peu tard pour garantir la conservation des bâtiments et de l'espace rural dans les vastes domaines de l'abbaye de Chaalis, le livre de François Blary vient néanmoins à son heure pour jeter les bases d'une méthode d'étude du patrimoine rural et urbain (car les maisons de ville de Senlis, Paris et Beauvais n'ont pas été oubliées) d'une grande abbaye cistercienne. Les essais de C.J. Bond sur le domaine de l'abbaye d'Abingdon, ceux de Philip Rahzt et de Susan Hirst sur l'abbaye de Bordesley ont aidé à formuler la problématique d'une Survey qui s'est enrichie d'une observation extrêmement minutieuse des bâtiments dont certains, très célèbres — je pense à la grange de Vaulerent — avaient déjà été remarqués en 1857 par Verdier et Cattois mais dont la plupart étaient pratiquement inconnus. L'exploitation systématique des documents cadastraux et des cartes et plans antérieurs à 1789 dont des séries importantes sont notamment conservées aux Archives nationales, aux Archives départementales de l'Oise, aux Archives départementales des Yvelines et au Musée Condé de Chantilly garantit la fiabilité de restitutions topographiques du plus grand intérêt, tant pour l'étude du terroir que pour celle du bâti. Il était normal que Chaalis fût la première abbaye cistercienne à bénéficier d'une recherche aussi poussée. Les travaux déjà mentionnés de Charles Higounet, ceux de Walter Horn et d'Ernest Born, ceux de Dietrich Lohrmann avaient largement démontré les virtualités d'une telle recherche. D'autres abbayes et d'autres domaines, bien sûr, mériteraient une enquête analogue. Les auteurs qui s'y consacreront, quels qu'ils soient géographes, historiens ou archéologues — ne pourront que bénéficier du travail de François Blary dont la contribution méthodologique paraît décisive. Depuis quelques années, la communauté internationale prend peu à peu conscience des principes fondamentaux qui devraient guider une politique de gestion à long terme du patrimoine archéologique. Ce patrimoine — il est devenu banal de le remarquer — est essentiellement périssable. Sa connaissance est largement tributaire de la fouille, mais paradoxalement, toute fouille est destructrice du donné qu'elle révèle. Les questions posées par François Blary à propos de l'intervention de Gustave Macon sur le four de Commelles en 1903 restent sans réponse : cette fouille a pratiquement épuisé un gisement archéologique d'un grand intérêt pour la connaissance des techniques pré-industrielles de cuisson des tuiles et des céramiques de pavement. Certes, une fouille entreprise aujourd'hui sur le même site serait incomparablement plus profitable à l'histoire des techniques médiévales. Mais il serait bien naïf de croire que les résultats d'une opération menée en 1988 répondraient absolument à l'attente des archéologues vers 2070. Il faut donc admettre que toute prospection fondée sur des méthodes non-destructrices représente, en termes de gestion des ressources archéologi- ques, un choix raisonnable ménageant l'avenir. A ce titre encore, cette archaeological survey du domaine de Chaalis est exemplaire. REMERCIEMENTS Ce travail n'a pu être réalisé que grâce à de nombreux concours. Que ceux qui m'ont guidé et aidé trouvent ici l'expression de ma reconnaissance. M. Léon Pressouyre a bien voulu me recevoir parmi ses étudiants et aplanir bien des difficultés. Nous avons reçu le meilleur accueil des municipalités concernées par cette recherche, ainsi que des services de documentation suivants : Bibliothèque nationale, Archives nationales, Archives départementales de l'Oise, de Seine-et-Marne et du Val-d'Oise, Bibliothèque municipale de Senlis, Service de Documentation du cadastre au ministère des Finances, Bibliothèque du Musée Condé à Chantilly, Archives de Versailles, Service de documentation de l'I.G.N.

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