Histoire D'une Colonisation

Histoire D'une Colonisation

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Balandier. 0 ORSTOM 1983 I.S.B.N. : 2-7099-0702-X SOMMAIRE Premièrepartie : La conquête du Menabe 1 -Lecontexte ...................................... 21 2-L’invasion.. ...................................... 39 3 - La pacification .................................... 61 Deuxième partie : Le Menabe 4 - L’organisation lignagère . , . 89 5 - L’organisation de la domination . 107 Troisièmepartie : La colonisation du Menabe 6 - La stabilisation .................................... 125 7 - ((Lesannées folles» .................................. 155 8 - Rapports de forces et forces de travail ..................... 185 9 - L’idéologie du refus ................................. 22.5 5 Cap d’Ambre Macro-régionale (enquête d’archives) Micro-régionale (enquête de terrain) Baie de Bonzbetoka \ \ \ 3/Tamatave Belo sur Tsiribihina rem-l- Fjamaranticb~Mananiary vert Dauphin Fig. 1 - Madagascar,localisation de l’étude 6 Maintirano -’ h Y -. - ” 0 45 km - Fig. II - La région de l’étude A VANT-PROPOS Le projet occidental de coloniser Madagascarremonte, à tout le moins, au milieu du XVIIème siècle ; Etienne de Flacourt, en 1658, illustre ce point de façon parfai- tement explicite : uCette nation n ir jamais su ce que c’est que le trafic et ne se plait point à amasser et rechercher dans le pays les choses qui peuvent y attirer les étrangers (...). Afin que les habitants de cette île se puissent accoutumer à un bon négoce et y prendre goût, il est besoin d> établir diverses colonies de Français ( ..). Ces colonies seraient (...) faciles à les y établir et à les faire subsister (.../ car l’île a toutes les choses avec excès pour le vivre, le vêtement et le logement (...). Il n’est pas besoin d’aller chercher des esclaves au loin pour les amener dans l’île (...) car elle en est assezfournie (..,). Il serait à craindre que les hérétiques hollandais et anglais ou les mahométants des côtes d’Arabie ne s’emparassent d’une si bonne terre pour semer leur darnnable croyance (..,). C’est pourquoi il est très nécessaire et de grande importance pour le service de Dieu, pour l’honneur de notre religion et pour la charité que l’on doit avoir pour cette pauvre nation, d’y envoyer promptement de bons ouvriers et pasteurs qui s’em- parent des troupeaux, avant que les loups soient entrés dans la bergerie (B 4d, pp. 332-335))). Mais entre ce projet initial, envisagéaux seulesfins de favoriserle développement du négoce et la plus grande gloire de Dieu*, et la mainmise absolue sur la Grande Ile, entre 1664, date à laquelle Colbert fonda la deuxième Compagniedes Indes, et 1896, date à laquelle Madagascarfut purement et simplement déclarée((possession française», la rupture est grande, - elle est celle qui séparele capitalisme au stade marchand du capitalismeau stadeimpérialiste. De ces évidences,le rappel ne nous sert qu’à marquer ceci : cette hétérogénéitédu phénomènecolonial que l’on découvredans son histoire, on la retrouve également,et aujourd’hui, dans son aire d’expansion. Si l’on doit illustrer ce point, notons simple- ment qu’à Madagascar,si la S.C.O.A. tâche efficacement d’assurerla relève de la Compagniedes Indes, à côté de sescomptoirs, les grandsdomaines qui se sont consti- tués au début de l’ère coloniale demeurent desrivaux puissants; et la RégieRenault, à son tour, leur dispute à tous le terrain ou la main-d’œuvrepour l’installation de sesusines de montage.... (1) Ce chapitre porte pour titre : aAvantagesque l’on peut tirer de l’établissementdes colonies à Madagascarpour la religion et pour le commercex>. 9 Ainsi, de même que «les anthropologues et les historiens, c’est-à-dire les spé&- listes de la différence exprimée dans l’espace et/ou le temps> (selon l’expression de G. Balandier, B 35, p. 249), doivent admettre aujourd’hui, même pour celle autre- fois considéréeet définie comme traditionnelle, que «si la société se propose comme un ensemble unifié, homogène, dominant les différences et les coupures qu’elle porte en elle, sa réalité contredit cette affirmation. Ce qui se découvre, en fait, ce sont des sociétés dans la société, inégales et concurrentes, liées par des rapports de domination- subordination ; des sociétés soumises chacune à leur logique propre et à celle de leur relations mutuelles (Balandier, B 35, p. 10))) ; de même est-il tout aussivrai de dire, et tout aussi important d’affirmer, avec cette paraphrase,que : si la colonisation est perçue comme un ensembleunifié, homogène, dominant les différences et les cou- pures qu’elle porte en elle, sa réalité contredit cette apparence.Ce qui se découvre,en fait, ce sont des types de colonisation dansle systèmeimpérialiste, inégaux et concur- rents, liés par des rapports de domination-subordination ; des types de colonisation soumis chacun à leur logique propre et à celle de leurs relations mutuelles. L’analyse concrète du processushistorique de colonisation ne permet donc pas seulement de mieux comprendre la réalité pré-coloniale d’une société (en ce sensque l’étude ponctuelle, presque la ctchronique»,des premièrestransformations qu’opère brutalement la phase de mise en place de la domination coloniale est révélatrice des points de force et des maillons faibles de la société colonisée, permet, pour ainsi dire, de «hiérarchiser))les différents niveaux d’analyse de cette réalité) ; elle est sur- tout indispensable à l’analyse de la réalité contemporaine elle-même : faire l’éco- nomie de cette démarche,c’est, en effet, risquer - en occultant toute une partie, im- portante, des facteurs qui ont déterminé cette réalité - de commettre de véritables contresens,et sans que rien ne puisse, alors, l’indiquer. Expliquons-nous : s’il n’est pas un économiste,pas un historien qui ne marque ce changementde nature du colonialisme, - passantdes comptoirs aux usines, desplan- tations aux succursalesbancaires (et actuellement,toute une discussionthéorique capi- tale se concentre sur les déterminations profondes de l’impérialisme d’aujourd’hui) -, dans la plupart des recherchesqui portent sur l’évolution actuelle d’une société do- minée, il est fait appel à l’histoire, certes, mais en considérant comme suffisamment validée toute hypothèse qui se révèle à la fois largement explicative, et non globale- ment contredite. Ce qui se comprend aisément, d’ailleurs : la domination coloniale est un phénomène tellement massif, tellement global (domination politique si radi- cale, domination économique si écrasante, domination culturelle si profonde) qu’il semble inutile de chercher à affiner davantage(lorsque, du moins, ce n’est pas cette période-là qu’on étudie), qu’il sembleloisible de considérercette domination comme un phénomène homogène (au moins dans chacun de ses aspects,politique, écono- mique ou culturel), dont les conséquencessont univoques : comme le déterminant extérieur de l’évolution de la société considérée. Prenonsun exemple : quelle que soit la sociétéétudiée, pour peu qu’elle ait subi la domination coloniale, une recherche sur l’évolution de sesstructures économiques prendra en considération l’impact colonial, avec l’hypothèse suivante : la politique coloniale a pour but l’exploitation des richessesdu pays, donc la mise en valeur de sesressources, parmi lesquelleson compte la capacitéde travail de seshabitants, qu’il s’agît d’accroître ou, à tout le moins, de détourner à son profit ;Pour cela, elle dis- pose de nombreux moyens de contrainte (fiscalité, corvées, cultures obligatoires, etc...), dont elle va user, et dont l’usage va se révéler destructurant pour le système économiquepréexistant. Et si, effectivement, on trouve bien sur place a/ des colons désireux de s’enrichir, exploitant les ressources,développant le salariat ou le métayageet, b/ une administra- 10 tion faisant rentrer l’impôt de gré ou de force, assurantl’exécution de corvéesetc... se sera les effets de ce processusque l’on va désormaisanalyser, en considérant comme suffisamment validée l’hypothèse de départ, c’est-à-direen la transformant, sanss’en rendre compte, en postulat. Et ce postulat va, effectivement, fonctionner de façon heuristique, sansque rien, effectivement, ne vienne le contredire. Car-mêmesi, comme dans le cas,précisément, du Menabe,une étude plus atten- tive montre que ce postulat n’était, justement, pas valide (durant au moins toute une période), mêmealors, cepostulat incorrect va sevoir paradoxalementconforté, puisque notre étude aboutit pareillement à la conclusion que la politique de contrainte est inhérente à la colonisation, qu’elle est une des clés nécessairesà son développement. Mais elle y aboutit a contrario, parce que cette clé, justement, a manqué, ici et alors, à la colonisation. Pour mettre en évidencecette même conclusion, il aura fallu faire le détour par cette période ou le projet fondamental de la colonisation qui est la base de l’hypothèse que nous venons d’envisager- l’exploitation

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