Document generated on 09/25/2021 3:14 a.m. Ciné-Bulles Le cinéma d’auteur avant tout Coup de coeur La valse des filles Merci la vie Élyse Baillargeon Volume 10, Number 4, June–August 1991 URI: https://id.erudit.org/iderudit/34107ac See table of contents Publisher(s) Association des cinémas parallèles du Québec ISSN 0820-8921 (print) 1923-3221 (digital) Explore this journal Cite this review Baillargeon, É. (1991). Review of [Coup de coeur : la valse des filles / Merci la vie]. Ciné-Bulles, 10(4), 8–9. Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 1991 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Coup de cœur : Merci la vie La valse des filles par Élyse Baillargeon V chaque génération sa vacherie. Il y a « toujours une malédiction quelque part », o A dit Bertrand Blier lorsqu 'il parle de Merci la vie, qui fait tout de suite penser à son autre film les Valseuses. Il était une fois deux filles, et non deux garçons I c comme dans les Valseuses, deux filles qui ont décidé T d'entreprendre une grande aventure où les hommes, 3 « les mecs », ne peuvent pas les suivre. Trop dange­ C reux pour eux, qu'elles disent. Deux filles qui, comme les deux héros des Valseuses, se veulent d'une Merci la vie tourne autour d'elles. Dans ce film audace dérangeante, d'une passion agressante comme déroutant, il ne faut pas cherchera suivre une histoire le cinéma n ' a que très rarement accepté de 1 ' afficher mais se laisser porter par les personnages dans un bal avec des personnages féminins. de passions violentes qui prend au cœur tout de suite aux premières images. Blier cogne dur dès le tout Il y a d'abord Joëlle (Anouk Grinberg), une femme- début. Une fille en robe de mariée se fait battre par un enfant sans âge, perdue, qui tente désespérément de type qui remonte en voiture et démarre, laissant se forger une vie normale. Elle a tout vécu la Joëlle, étendue sur le sable dans sa robe immaculée une la vie n'a plus beaucoup de secrets pour elle. Même Joëlle qui lui lance d'un ton amer « Merci les mecs... que la mort n'est plus très loin. Malgré tout, elle Merci !... Merci la vie ! » Alors arrive Camille s'accroche, surtout à l'amour. Et toutes les « vache­ poussant un panier de provisions. Elle aperçoit Joëlle ries » de la vie ne peuvent l'empêcher de croire en à terre, l'aide à s'installer dans son panier et l'amène l'amour tout blanc. Chaque fois qu 'elle couche, c 'est chez elle. Elles ne se connaissent pas mais vont se comme si elle vivait une première nuit de noces. faire complices d'une même entreprise, celle d'ex­ Seulement voilà, on ne lui avait pas dit que c'était ploiter leur désir hors amour. Ensemble, elles partent dangereux. On ne lui avait pas expliqué qu'aujour­ donc à l'aventure, à la conquête des hommes, de tous Merci la vie d'hui l'amour devenait aussi vicieux que la guerre et les hommes. Pendant que les bourgeois dorment, qu'on pouvait en crever. elles arrivent de nuit dans les villes dont elles veulent 35 mm I coul. et n. et b. I prendre possession. 117 min 11991 /fie I France Et puis il y a Camille (Charlotte Gainsbourg), l'ingé­ Real, et scén. : Bertrand Blier nue, la vierge de la vie. Camille voudrait bien passer À partir de ce moment, la structure du récit éclate Image : Philippe Rousselot le Bac qu'elle a loupé plus d'une fois. C'est une dans tous les sens et le film déraille dans une série de Son : Pierre Gamet adolescente sans histoire sauf une, celle de ne pas glissements et de carambolages qui font fi de la Prod. : Ciné Valse et Film par être une enfant de l'amour. Sa mère refusait que son normalité. D'une main sûre, Blier transporte ses Film Dist. : CF.P. Distribution mari la touche. Camille souffre du malheur de son personnages d'une époque à l'autre, confronte les Int. : Charlotte Gainsbourg, père et voudrait bien faire quelque chose pour le jeunes d'aujourd 'hui à la dernière guerre et les adultes Anouk Grinberg, Gérard soulager d'une vie morne et triste. Lui offrir une jolie au sida. Le spectateur est héliporté d'une scène à Depardieu, Michel Blanc, fille, son amie Joëlle, avec qui il pourrait enfin l'autre sans savoir où le conduit le récit, passant des Annie Girardot, Jean Carmet, connaître l'amour. Ce que souhaiterait Camille au années 40 aux années 90, guidé ou plutôt happé par Catherine Jacob, Thierry Fremont, Jean-Louis Trinti­ fond, c 'est de pouvoir réinventer les circonstances de Camille et Joëlle. Les scènes passent du noir et blanc gnant sa naissance. sépia ou bleuté à la couleur, et le film délaisse son Vol. 10n°4 C\NE3ULLES 8 Coup de cœur : Merci la vie récit pour parler surtout par ses images et ses mises de Josiane Balasko. Pulpeuse, conquérante et mala­ en abymes gigognes, et s'appuie sur des dialogues droite, elle façonne avec une présence miraculeuse crus lâchés comme des perles qui racontent l'histoire une Joëlle troublée, troublante, arrogante, désespé­ de Camille et Joëlle. Camille retourne à l'époque de rée, et qui pose des gestes allant parfois jusqu'à la sa conception afin d'en réécrire le scénario et Joëlle violence, qu'on voit rarement portés par des femmes répand une maladie... transmise très sexuellement. au cinéma. Dans le rôle de Camille, Charlotte Le réalisme narratif jeté par-dessus bord, Merci la Gainsbourg se détache à tout jamais de l'adolescence vie mélange la puissance d'émotion de Beau-père, difficile de l'Effrontée et de la Petite Voleuse. Elle la fantaisie iconoclaste des Valseuses, l'excès de a très bien passé le test de l'âge adulte auquel elle Tenue de soirée et l'extraordinaire jeu de structures accède désormais, emportant avec elle son charme de Trop belle pour toi. Bertrand Blier s'amuse avec indéfinissable et un talent d'actrice dont on ne peut le cinéma mais son tourbillon d'images, composées plus douter ; Charlotte Forever à l'écran, espère - comme des tableaux influencés par les clips, n'em­ t-on. Comme dans tous ses films, Bertrand Blier pêche jamais la gravité du propos d'atteindre le soigne tout autant la distribution des rôles de second spectateur. plan et (s') offre, notamment, les présences remar­ quables de Gérard Depardieu en médecin crapuleux, Bertrand Blier déclarait à l'Actuel : « Aujourd'hui, de Michel Blanc en père timoré, d'Annie Girardot un gosse regarde trois films à la fois, en écoutant une qui joue si bien le désespoir qu'on croirait ne jamais cassette, tout en téléphonant à ses potes et en faisant l'avoir vraiment connu, de Jean Carmet en acteur de ses devoirs. Fascinant ! Le cinéma doit suivre. Merci second ordre, et de Jean-Louis Trintignant qui in­ la vie est un film qui regrouperait les éléments de came l'horrible souvenir allemand de la guerre. plusieurs films, un soir à la télé, en zappant sans arrêt. On n'a pas tout compris. On a perdu quelques scènes Merci la vie est une valse fantaisiste qui tournoie mais on passe une bonne soirée. » dans un décor grave, avec des pas tantôt tragiques, tantôt gais. Une valse parfois déroutante, souvent Pour cette soirée, Blier ne s'est pas trompé d'acteurs. surprenante mais toujours entraînante. Comme la Anouk Grinberg tient à la fois de Juliette Binoche et vie. Du grand Blier. • # ••:•-•:*::•:•• - Anouk Grinberg dans Merci la vie CME3ULLES Vol. 10n"4 9 .
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