Seigneurie De Lauzon

Seigneurie De Lauzon

HISTOIRE DE LA ' /" SEIGNEURIE DE LAUZON PAR J.-EDMOND ROY LEVIS EN VENTE CHEZ L'AUTEUR 9, RUE WOLFE, 9 1900 Sauf/fitHf-viws tif celuy à qui, comme on demanda à qwn fairt il se peinait si fort en un art qui ne pouvoit vtntr à ta ùigHoissancf de guère de gens, "J'en ay assez " df pfu, réfumdùt-il. J'en aj> assez d'un. J'en ay assez " de pas un." MONTAIGNE. CHAPITRE PREMIER • Le général Murray.—Sa famille.— Son caractère.—Il est sympathique ' aux Canadiens.—Organisation des tribunaux.—Laçage delà Cani­ veau.—Les baillis.—Le notaire Saillantchargé de préparer le papier- terrier de Lauzon.—Nouvelles routes dans St-Nicolas, Sl-Ilenri et à la Pointe de Li'vy.—Départ de Murray (1766). James Murray, qui fut le neuvième seigneur de Lauzon, appartenait à une ancienne et illustre famille d'Ecosse. Il était le cinquième fils du baron Elibank, dont l'aïeul avec cinq autres pairs écossais avait refusé de livrer Charles 1er à l'armée des parlementaires commandée par Cromwell. Avant de venir en Amérique, Murray avait fait la campagne de Flandre. Au siège de Louisbourg, il se fit remarquer par son courage, sa présence d'es­ prit au feu, son audace pendant l'attaque. Wolfe, témoin de sa valeur, le choisit pour un de ses lieute­ nants lorsqu'il vint assiéger Québec. Né en 1704, le brigadier-général Murray avait 55 ans lors de cette mémorable expédition. Townsend — 6 — et Monckton, brigadiers comme lui, étaient ses aînés, mais ayant été tous deux blessés pendant la bataille des plaines d'Abraham le commandement de la ville conquise passa à Murray. Le roi, pour récompenser ses services, ratifia le choix que le sort des armes avait fait, en le nommant, le 8 octobre 1763, capitaine général et gouverneur en chef de la province (1). Le 19 mars 1765, il était promu au grade de major-géné­ ral (2). Murray avait un caractère bouillant, singulière­ ment partagé entre la rudesse et la douceur. Il savait racheter ses emportements par des actes généreux. Sous une apparence sévère, il cachait un cœur sensible et plein de bonté. Après les avoir traités haut la main, après les avoir traqués comme des bêtes fauves, après avoir fait brûler leurs demeures, il se prit à aimer ces Canadiens, dociles à l'autorité comme de vieux soldats, qu'il voyait aussi simples dans leurs mœurs qu'il les avait trouvés braves sur les champs de bataille. Qui sait ? Le sort de ce peuple agreste et militaire lui faisait peut-être souvenir de son pays, des malheurs de ces belliqueux montagnards écossais si fidèles à leurs anciens princes. On a vu Murray,pendant le terrible hiver de 1760, partager la ration de ses soldats avec les malheureux habitants de Lauzon que la guerre avaient réduits à la dernière extrémité. On raconte de lui plusieurs traits du même genre. C'est ainsi qu'il fit reconstruire à ses frais le presbytère du curé de Saint-Laurent, sur l'île d'Orléans, M. Martel, qui avait eu l'art de lui plaire. (1) Annualregistcr, VI, p. 131. (2) Annualremisier, VIII, p. 165. Il donna une cloche à l'église du Château-Richer dont les habitants avaient beaucoup soufferts pendant le siège. Après la défaite de Sainte-Foye, pour se ven­ ger des habitants de la côte du sud qui avaient protégé les maraudeurs de Lévis pendant tout l'hiver, Murray avait fait pendre près de sa demeure à St-Michel, le capitaine Nadeau (i). Il est de tradition parmi les des­ cendants de ce malheureux que de retour en Angle­ terre, le général pris de remords au souvenir de cet acte inhumain, fit instruire à ses dépens le fils unique de Nadeau (2). Appelé à gouverner dans les circonstances les plus difficiles, Murray finit par s'attirer l'estime et les sympathies des vaincus. Il fallait administrer la justice aux nouvaux sujets, il établit un tribunal militaire composé de sept officiers de l'armée siégeant deux fois par semaine pour la décision des affaires civiles et cri­ minelles. Afin de mitiger la rigueur de ces juges impro- (1) Le 30 mai 1760, Ferland, Histoire du Canada, II p. 599. (2) Cet enfant instruit avec les deniers de Murray fut l'ancêtre de l'abbé Gosselin, l'auteur de la Vie de Mgr de Laval. La Gazette de Québec, du 29 septembre 1768, rapporte ce qui suit : " Le 21 dernier, à St-Charles, rivière Boyer, côte du sud, on présenta à Son Excellence le général de la province, le fds orphelin du capitaine Nadeau, Notre illustre et charitable gouverneur donna à cet enfant des marques d'une bonté, vraiment paternelle. Il suivit en cela les mouvements naturels de son cœur noble et bienfaisant, toujours prêt à s'attendrir sur le sort des malheureux, il ordonna qu'on le mit en pension au séminaire,njou- tant : c'est un général qui lui a fait perdre son père, c'est un général qui lui en fera retrouver un. Son Excellence, en cette occasion, n'a pas seulement essuyé les larmes de cette famille, c'est une faveur à laquelle toute la nation sera bien sensible, et qui ne peut que nous confirmer dans notre attachement pour un gouvernement qui nous donne des maîtres si généreux. " Le gouverneur qui commandait à Québec en 1768 était Carleton, mais la tradition de la famille Nadeau attribue cet acte généreux à Murray. Ce dernier dut vraisemblablement donner des instructions à son successeur. — 8 — visés, Murray se réserva de décider en dernier ressort des cas les plus graves. Il tenait pour cela cour ouverte en son hôtel une fois par semaine. C'est ce tribunal militaire qui condamna à mort la fameuse femme Corriveau, une paysanne de Saint- Vallier, qui avait voulu jouer à la marquise de Brin- villiers et qui fut trouvé coupable d'avoir assassiné deux maris en moins de trois ans. Le cadavre de cette malheureuse fut mis dans une cage de fer.et cette cage fut suspendue à un poteau à la fourche des chemins qui se croisent à la pointe de Lévy, près de l'endroit où s'élevait il y aune trentaine d'années un monument de tempérance, à environ douze arpents à l'ouest de l'église St-Joseph (i). On voulait ainsi frapper l'ima­ gination des nombreux voyageurs qui passaient par ce Heu très fréquenté. Les habitants de la pointe de Lévy, peu réjouis de ce lugubre spectacle, demandè­ rent aux autorités de faire enlever cette cage, dont la vue, le bruit et les apparitions nocturnes tourmentaient les femmes et les enfants. Comme on en voulut rien faire; quelques hardis jeunes gens, allèrent par une nuit obscure, décrocher la Corriveau et sa cage et l'en­ fouirent sous terre, près du cimetière de la paroisse. Cette disparition mystérieuse et les récits de ceux qui avaient entendu grincher les crochets de laçage ou vu se balancer dans l'air ce squelette hideux, ont fait passer la Corriveau, dans le domaine de la légende (2). (1) La sentence portait qu'après l'exécution le corps de la Corri­ veau serait suspendu dans les chaînes, à l'endroit que le gouverneur cronait devoir indiquer. La pendaison eut lieu sur les buttes à Neveu. (2) Après l'incendie de l'église de la pointe de Lévy, en 1830, le cimetière fut agrandi et c'est ainsi que la cage s'y trouva enfermée. Un fossoyeur la retrouva en 1S50. La cage, qui ne contenait plus que l'os — 9 — Murray n'osa pas, comme le fit Gage à Montréal, autoriser les capitaines de milice de paroisse à termi­ ner les différends qui pourraient survenir entre leurs concitoyens, mais il permit aux vaincus de participer à l'organisation judiciaire en appelant deux hommes de loi tirés de leur sein. M. Cugnet fut nommé procu­ reur-général et commissaire auprès du tribunal mili­ taire établi dans la capitale, pour les habitants de la rive nord du fleuve. M. de la Fontaine de Belcourt fut chargé de représenter les intérêts de ceux de la rive sud. Ces deux fonctionnaires étaient des alliés de la famille Charest. Dans les campagnes, la connaissance des affaires depolicefutabandonnéeaux commandants des localités et dans certains cas à des juges de paix. C'est ainsi qu'à Saint-Henri de Lnuzon, on trouve un juge de paix en 1765, M. Pouchet Saint-André (1). d'une jambe, était consiruite de gros fer feuillard. Elle imitait la forme humaine, ayant des bras et des jambes et une boîte ronde pour la tête. Elle était bien conservée et fut déposée dans les caveaux de la sacristie. Cette cage, enlevée secrètement quelques temps après, fut exposée comme curiosité i Québec, puis vendue au musée Barnum, à New-York, où on doit encore la voir. Cf. \zs Anciens Canadiens, de M. de Gaspé, p. 369. (1) Nous n'avons guère de renseignements sur Pouchet Saint-André. On lit dans la Gazette de Québec, du 20 janvier 1774 : En vertu d'un ordrefierifacias, a la poursuite d'Adrien Pouchet, dit St-André, con­ tre les biens d'Aufrustin Couture dit Lamonde, j'ai saisi et pris en exé­ cution deux concessions de terre situées dans la paroisse de St-Henry, dans le dit district, une de deux arpents de front sur 30 arpents de pro­ fondeur, au nord de la rivière des Trois-chemins, bornée par Pierre Tardif d'un côté, et de l'autre par Joseph Bel leau, l'autre de quatre arpents de front sur pareille profondeur, au nord de la dite rivière Trois- chemins, bornée d'un côté par ledit Tardif, et de l'autre par les terres non concédées.

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