Contribution à l'étude des anciennes techniques paysannes de stabilisation des terres: L I exemple de la lutte anti-érosive Zi l'époque romaine dans le bassin versant de l'ouèd Zéroud (Tunisie Centrale) ( Par Ali HAMZA, géomorphologue, . Institut National Agronomique de Tunisie 43, avenue Charles Nicolle 1082 Cité Mahrajène Tunis-TUNISIE- L'origine de la lutte anti-érosive en Tunisie est tres ancienne. Il est en effet étonnant de' constater que dès l'aube de l'histoire, l'homme n'a pas ét6 indifférent B la dégradation du milieu naturel. Les Berbères et les Phéniciens, suivis par les Romains et les arabes excellerent dans la pratique des aménagements hydrauliques dont quelques uns sont encore en usage dans les campagnes tunisiennes comme dans le bassin versant de l'ouèd Zéroud. Soumises B des ambiances climatiques semi arides à aride caractérisés par une pluvio- metrie à la fois irrégulière et torrentielle, les populations anciennes du bassin ont mis au point'afin de survivre, une multitude de techniques de petite hydraulique. L'objectif était de conserver cette eau trés rare et de l'empêcher éventuellement de dégrader un milieu naturellement fragile. Dans cet article l'auteur fait l'inventaire des techniques en usage dans le bassin versant 2 l'époque romaine. I1 montre qu'une grande partie d'entre elles a été reprise par le stratégie "moderne" de conservation des terres. Mots--------- clés: Conservation des terres et des .eaux, participation paysanne lutte anti-érosive, petite hydraulique. Maghreb-Tunisie Centrale: .. - 315- La plupart des auteurs s'accordent sur le fait que la lutte anti- érosive dans le bassin versant de l'oued Zéroud à l'époque romaine a atteint un degré de perfectionnement remarquab1e.W.L. LOWDERMILK (1942) note "que les ihnombrables travaux prouvent que l'on possédait en Afrique du Nord, à l'époque romaine, une compréhension et une technique étonnante en ce qui concerne la lutte contre' les eaux torrentielles et leur utilisation". Faisant allusion à l'importance des vestiges d'aménagement hydro-agricole romains L. CARTON (1896) note qu'il n'est pas d'officiers ayant tenu garnison en Afrique, ni de colons qui n'aient souvent constaté leur fréquence". Le bassin de l'oued Zéroud (Fig.1) n'a pas échappé à la règle puisque la densité des ruines de citernes, terrasses, murettes et aqueducs est tellement élevée que les ingénieurs, lors des levés de carte topographique se sont contentés d'en signaler les mieux conservés et les plus interéssantes. On peut se faire une idée de la multiplicité des travaux hydrauliques qui ont couvert le sol du bassin versant de l'oued Zéroud en notant que dans la seule région de Sbeitla la brigade topographique conduite par le capitaine Renault signale l'existance sur une dizaine de km2, de 4 barrages, 3 citernes, 7 puits et 1 aqueduc (P. GAUCKLER 1897). La fréquence de ces travaux indique que les agriculteurs sont arrivés à un degré de contrôle de l'eau assez perfectionné pour pouvoir mettre en culture le thalweg de beaucoup d'oueds (J. Tixeront 1951). I1 semble que la plus grande partie des travaux de lutte anti-Erosive soit réalisée aprés le IIè s ap Jc. En effet, les 2 édits d'Hadrien et l'édit de Pertinax sur l'appropriation des terres marginales aprés leur mise en culture ont stimulé les paysans à conquérir les terres de steppes même à forte pente ou d'anciennes terres 5 blé épuisées par une production intensive. Terres fragiles, elles n'ont pas tardé B subir des ravinements et un intense décapage. Afin de préserver leur acquis,les paysans durent lutter contre cette dégradation en accomplissant un prodigieux travail de conservation. Ch. PICARD (1959) a cons- taté que les traitements s'adaptent aux différents types de milieu "sur les pentes montagneuses, des terrasses retiennent les terres2dans les zones insuffi- samment arrosées une armature de muraille enterrée aux limites de chaque parcelle transforme le sol en une véritable éponge, en obligeant les eaux à s'infiltrer sur place, au lieu de s'écouler en torrents dévastateurs.- Les oueds furent régu- ldrisés par la construction de petits barrages, leur trop plein retenu dans de vastes bassins ou citernes souterraines.. et dans les montagnes les entraves opposées B l'érosion torrentielle permettaient d'utiliser des vallées ajourd'hui transform6s en gorges presque inaccessibles". Les paysans du bassin de l'ouedzéroud ont empiriquement, au cours de l'occupation romaine, appris et accumulé un cer- tain savoir de petite hydraulique qu'ils appliquent avec perfection dès que les conditions l'exigent. Corripus parle au VIè s en ces termes éloquent de ces paysans qui prévoyant un orage, font des levées de terre autour des champs pour retenir les eaux. Il dit entre autre que "Dès les premiers éclairs... et coups de tonneres... la foule des paysans court vers les campagnes desséchées espérant la pluie. On néttoie, on nivelle les endroits par lesquels l'eau doit passer, on règle par avance sa course afin que les ruisseaux coulent par les prés ... on forme des obstacles en dressant des tas de sable...'' La conservation des eaux -- -- -I-_ - __- du bassin versant de-l'ouèd Zéroud par de multiples techniques de lutte anti- érosive et de collecte des eaux freinant dans de larges proportions les preces- sus de la violence du ruissellement. Les travaux consistent en barrages, C- terrasses, citernes, murettes et banquettes. Attirés par les manifestations du développement artistique (architecture, mosaïques, sculptures) il. n'est pas éton- nant que les recherches archéologiques ont porté peu d'intérêt à ces travaux. Tout en offrant certaines différences imposées par les conditions orographiques, L le régime des cours d'eau la densité de la population, il est possible de ramener J ces travaux à un nombre restreint de types. On ne s'interessera.biensûr, qu'aux ouvrages destinés 5 lutter Contre le ruissellement et assurer la collecte de l'eau. 1- Ouvrages servant 5 la collecte des eaux pluviales: L'objectif initial de ces ouvrages était la collecte de l'eau pour l'alimentation humaine et l'abreuvement des troupeaux. I1 s'agit de citernes de tailles différentes et de barrages dont la forte densité a joué un rôle anti- érosif considérable en collectant une partie des eaux ruisselantes. -. a- Les citernes On trouve dans l'enquête sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie "P. Cauckler 1897" une multitude d'informationsse rapportant 2 6e sujet. La ville du Sufes (Sbiba actuellement) et ses jardins s'approvisionnaient en eau à:partir de l'oued Sbiba par le moyen d'un aqueduc qui prélève l'eau à 1.km en amont de la confluence avec l'oued El Breck. La longueur totale du canal est de 9 km. I1 est souterrain sur la moyenne partie de son parcours. I1 est probable que de ce canal principal partent une multitude de canaux vers les quar- tiers de la ville et les jardins qui couvrent plus que 10 000,ha. Plus à l'Est, la région de Jilma montre une richesse remarquable en citernes et aqueducs. Une partie des eaux de l'oued Jilma est détournée vers la ville par le moyen d'un aqueduc dont la longueur totale atteint 5 km. I1 aboutit à un réservoir situé à Henchir Debdaba, il a une forme quadrJhulaire et 2 ciel ouvert il fait 38 mètres de long et 14 de large. Sa capacité initiale devrait être d'environ 3 O00 m cube (Fig.: 2). A l'Ouest de Jilma, Suffetula (Sbeitla) s'alimentait à partir de l'oued Sbeitla: 2 aqueducs, suivant l'une et l'autre rives, amenaient les eaux à la cité. Leur longueur ne dépassait pas le km pour chacun alors que la largeur est de 0,60 m. La quantité prélevée serait ainsi considérable, elle suffit non seulement à l'alimentation des habitants mais contribue 2 l'entretien des jardins et à l'irrigation d'une certaine BtQndue de terrain. .. Au Sud Est de Sbeitla, la plaine de Sidi Ali Ben'Aoun est riche en bassins romains. Un long aqueduc amène l'eau de l'oued Sidi Ali Ben Aoun vers une multitude de citernes réparties dans la plaine. Un des bassins est de forme carrée de 20 m de côté muni de 20 contre-forts extérieurs demi-circulaires; Un bassin de puisage demi-circulaire de 2 m de diamètre, accolé au bassin sur l'une de ses faces, permettait aux populations de puiser commodément de l'eau. En suivant l'aqueduc, on rencontre le long de son parcours 3 autres bassins. Le premier est rectangulaire non loin de la route actuelle Gafsa Bir el Hafey. I1 mesure 1'5 m de long et 8 mètres de large. Le second est également rectangulaire, il est situé 5 1 700 m 5 l'Est du premier et mesure 40 m"de long . sur 26 m de large. Le troisième, à 1 200 m A l'Est du précédent, est carré et ... a 3 m de côté. b- Les barrages: I1 s'agit de barrages ou retenues sur les cours d'eau plus ou moins permanents et- les torrents de ia région-. Le type le plus fréquent correspond à un mur en blocage renforcé 5 ses angles par des pierres de taille. La largeur varie de 1 à 4-5 m. Les hauteurs maxima les plus observées sont de 3 à 4 m. Le barrage est parfois renforcé par des contre-forts OU piliers placés en aval. La forme est rarement rectiligne, le plus souvent, en courbe tournée vers l'amont. Dans la plupart des cas, on s'est préoccupé seulement de donner au barrage un niveau assez élevé pour qu'il domine le point OU les eaux devaient être conduites.
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