Voltaire Micromégas Zadig * Candide * Présentation par René Pomeau * * OF ----=-* Voltaire Micromégas Zadig Candide «Il faut être très court, et un peu salé, Voltaire Micromégas sans quoi les ministres et madame de Zadig Candide Pompadour, les commis et les femmes de chambre, font des papillotes du livre.» Brièveté et mordant, telles sont les princi­ pales qualités de Micromégas, Zadig et Candide, les trois contes de Voltaire les plus célèbres, traversés par deux motifs: le philosophe dans le monde, le bonheur par la philo­ sophie. Chassé de sa planète, Micromégas - un jeune géant de près de sept cents ans - entame un périple cosmique qui le mènera à ces «petites mites» qu'on appelle les hommes. En proie aux caprices du sort, !'Oriental Zadig fera la rencontre d'un ermite à la barbe blanche, détenteur du livre des destinées où tout est écrit. Quant à Candide, contraint de quitter le château de Thunder-ten-tronckh, il apprendra à ses dépens que tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes ... Présentation, notes, bibliographie et chronologie par René Pomeau 'lèxte intégral Illustration : Virginie Berthcmct e Flainmarion GF Flammarion MICRO MÉGAS ZADIG CANDIDE Du même auteur dans la même collection DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE ÉCRITS AUTOBIOGRAPHIQUES (Mémoires pour servir à la vie de Monsieur de Voltaire, écrits par lui-même. - Commentaire historique sur les œuvres de l'auteur de La Henriade. - Lettres de Monsieur de Voltaire à Madame Denis, de Berlin) HISTOIRE DE CHARLES XII L'INGÉNU. - LA PRINCESSE DE BABYLONE LETTRES PHILOSOPHIQUES LETTRES PHILOSOPHIQUES. - DERNIERS ÉCRITS SUR DIEU (Tout en Dieu. Commentaire sur Malebranche. - Dieu. Réponse au Système de la nature. - Lettres de Memmius à Cicéron. -Il faut prendre un parti, ou le Principe d'action) MICROMÉGAS. - ZADIG. - CANDIDE ROMANS ET CONTES TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE ZAÏRE. - LE FANATISME OU MAHOMET LE PROPHÈTE. - NANINE OU L'HOMME SANS PRÉJUGÉ. - LE CAFÉ OU L'ÉCOSSAISE VOLTAIRE MICROMÉGAS ZADIG CANDIDE Introduction, notes, bibliographie, chronologie par René POMEAU Bibliographie mise à jour par Chiara GAMBACORTI (2006) GF Flammarion www.centrenationaldulivre.fr © Flammarion, Paris, 1994. Édition mise à jour en 2006. ISBN: 978-2-0813-5127-1 INTRODUCTION Micromégas, Zadig, Candide: pourquoi trois titres seulement ? Et pourquoi ceux-là ? On sait l'ampleur de l'œuvre voltairienn;,;. Les anciennes éditions des œuvres complètes, par catégo­ ries, avaient un avantage : d'avance on connaissait les secteurs où l'on renoncerait à s'aventurer. Depuis longtemps, entre tous les genres pratiqués par un écrivain prolifique, les lecteurs privilégient ce qu'il est convenu d'appeler ses «romans et contes». Une telle section n'est pas elle-même si brève. L'édition, dans la collection GF, ne totalise pas moins de sept cents pages. Encore conviendrait-il d'y adjoindre, comme vient de le montrer Sylvain Menant, les quinze contes en vers, injustement dissociés des récits en prose. Voltaire, s'agissant précisément de cette sorte d'œuvre - soit prose soit vers - formule un précepte : « il faut être très court et un peu salé». «Un peu salé»: nous faisons confiance à l'auteur de La Pucelle. Mais « très court » ? Nous rappelant son conseil, nous avons choisi dans le vaste corpus narratif les trois contes du présent volume. Les raisons de cette sélection ? Les contes, au fil de la production voltairienne, appa­ raissent par séquences chronologiques: 1739-1759, 1764-1768, 1774-1775. Micromégas se situe pour l'essentiel (nous y reviendrons) au début de la pre­ mière période. Zadig en son milieu ( 174 7), Candide en sa fin (1759). Dans ces textes, comme dans ceux qui 8 VOLTAIRE les accompagnent, deux thèmes s'entrelacent: le« phi­ losophe » dans la société et devant le cosmos, le bon­ heur en liaison avec la « philosophie ». Cependant Vol­ taire renouvelle sans cesse ses formules. Trois protagonistes, nommés au titre. Mais l'un est un être cosmique ; l'autre appartient à l'ancien Orient; le troi­ sième se trouve en proie aux vicissitudes du monde contemporain. D'autres variantes du récit tiennent à la présence du narrateur, plus marquée soit par l'occurrence du« je» dans le texte, soit par l'invention d'un ou de plusieurs personnages-auteurs, masques derrière lesquels Voltaire se plaît à se dissimuler. Ces attributions fictives n'ont pourtant jamais trompé per­ sonne. Son esprit y est trop présent, alliant indisso­ lublement la critique incisive et les fantaisies d'une imagination qui surprend et déconcerte. Nous allons suivre ces constantes, toujours changeantes, dans les œuvres ici présentées. Le sujet de Micromégas, autant qu'on sache, remonte à 1739 : ce serait ainsi le premier des contes de Voltaire 1• Le philosophe vit retiré à Cirey, en compagnie de Mme Du Châtelet. De ce quasi-exil, il maintient le contact par ses lettres. Parmi ses corres­ pondants un personnage de premier plan : Frédéric, prince héritier, qui dans quelques mois deviendra roi de Prusse et l'une des figures les plus marquantes de son siècle. Depuis que Frédéric en a pris l'initiative, les lettres s'échangent à un rythme soutenu entre le prince et le philosophe, prodiguant flatteries et discussions philosophiques. Frédéric veut lire tout ce qui s'écrit à Cirey. Or Voltaire, vers le 20 juin 1739, au retour d'un voyage à Bruxelles, envoie au prince « une petite rela- 1. Jacques Van den Heuvel accorde la primauté au Songe de Platon: quoique publié en 1756, cc texte se rapporte sans aucun doute aux préoccupations de Voltaire en 1737. Mais ces trois pages sont-elles un conte? Les réflexions et un bref dialogue qu'elles comportent ne se développent pas en un récit à épisodes multiples. INTRODUCTION 9 tion », «non pas de [son] voyage, mais de celui de monsieur le baron de Gangan ». «C'est, continue-t-il. une fadaise philosophique qui ne doit être lue que comme on se délasse d'un travail sérieux avec les bouffonneries d'Arlequin 2• » Le manuscrit de ce Gan­ gan est perdu. Sur son contenu on ne sait que ce qu'en dit Frédéric dans sa réponse: «Il m'a beaucoup amusé, ce voyageur céleste; et j'ai remarqué en lui quelque satire et quelque malice qui lui donne beau­ coup de ressemblance avec les habitants de notre globe, mais qu'il ménage si bien qu'on voit en lui un jugement plus mûr et une imagination plus vive qu'en tout autre être pensant. » Il relève « dans ce voyage un article» flatteur pour lui. Il ironise: «Je m'étonne qu'en un ouvrage où vous rabaissez la vanité ridicule des mortels, [... ] vous vouliez nourrir mon amour­ propre3. » Il apparaît que Gangan fut une première version de Micromégas. En effet dans Je conte qui paraîtra en 1752, maintes allusions visent l'actualité de 1737- 1739 : ainsi la référence dans le chapitre septième à la guerre qui opposa (1736-1739) les Russes, alliés à l'Autriche, aux armées du Sultan ottoman. On remar­ quera surtout, dans la lettre d'envoi (02033), la men­ tion d'un « travail sérieux », dont on « se délasse par des bouffonneries d' Arlequin ». Le tempérament ludique de Voltaire, après l'effort qu'exige un grand ouvrage, a besoin de s'égayer par ces sortes de récréa­ tions : souvent elles prennent la forme d'un conte. Précisément, dans les mois précédents, le philosophe s'est astreint à composer un livre combien «sérieux»: les Eléments de la philosophie de Newton (1738). Les découvertes du savant anglais ne pénétraient que diffi­ cilement en France. Beaucoup, parmi les plus compé­ tents, refusaient d'admettre la gravitation universelle, 2. D2033 : nous ren\'oyons, ici et dans la suite, aux numéros des lettres, dans l'édition de la Corrcspo11da11cc de Voltaire, (Euvres complètes, en cours de publication à la Voltaire Foundation d'Oxford (OC). 3. D2042, 7 juillet 1739. 10 VOLTAIRE préférant s'en tenir à la cosmologie cartésienne qui expliquait le mouvement des corps célestes par l'impulsion de «tourbillons». Voltaire avait entrepris de diffuser la science newtonienne, base de sa propre philosophie. Il l'avait exposée, mais non sans erreurs, dans ses Lettres philosophiques. Il reprit la question à Cirey, encouragé par Mme Du Châtelet. Ses Eléments de 1738 constituent un solide ouvrage de vulgarisa­ tion. Il s'y livre aux démonstrations et aux calculs qu'exige l'exposé des lois de l'attraction et de l'optique de Newton. Dans sa tâche, il est aidé par une de ses relations, ami également de Mme Du Châtelet : Mau­ pertuis, qui n'est pas, lui, un amateur en matière de science. Les idées de Newton étaient susceptibles d'une vérification expérimentale. Selon la théorie de la gravitation, la terre devait être un sphéroïde légère­ ment aplati aux pôles. Afin d'établir que telle était bien la « figure » de notre planète, Maupertuis avait conduit en 1735-1736 une expédition de savants en Laponie: ils y mesurèrent un degré du méridien. Simultané­ ment, La Condamine allait procéder à la même opéra­ tion au Pérou. On suivit attentivement à Cirey l'expé­ dition de Maupertuis. Voltaire la rapporta dans ses Eléments de la philosophie de Newton, et en souligna l'importance scientifique 4• C'est alors, peut-on suppo­ ser, qu'il en fit un épisode de Gangan qui passera dans Micromégas: le lecteur n'avait aucune peine à identi­ fier, à la fin du chapitre quatrième, la « volée de philo­ sophes » qui « revenait du cercle polaire » et fit effec­ tivement naufrage sur les côtes de Botnie. Autre identification non moins facile : dans le « nain de Saturne», compagnon de Micromégas, on reconnais­ sait Fontenelle, petit vieillard vif, en matière de science souvent imprudent par vivacité, galant aussi. Non seulement le conte rappelle qu'il « faisait passablement de petits vers et de grands calculs », mais il fait compa­ raître une de ses maîtresses, « une jolie petite brune », et il évoque une de ses mésaventures, où « la nature füt 4.
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