Le Terrain Socio-Musical Populaire Au Québec : "Et Dire Qu’On Ne Comprend Pas Toujours Les Paroles…" »

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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/273250221 Le Terrain socio-musical populaire au Québec : « Et dire qu’on ne comprend pas toujours les paroles… » Article in Etudes Litteraires · January 1995 DOI: 10.7202/501097ar CITATIONS READS 4 21 2 authors, including: Line Grenier Université de Montréal 33 PUBLICATIONS 146 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Line Grenier on 20 June 2016. The user has requested enhancement of the downloaded file. Article « Le Terrain socio-musical populaire au Québec : "Et dire qu’on ne comprend pas toujours les paroles…" » Line Grenier et Val Morrison Études littéraires, vol. 27, n° 3, 1995, p. 75-98. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/501097ar DOI: 10.7202/501097ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Document téléchargé le 5 December 2012 08:38 LETERRAIN SOCiaMUSICAL POPULAIRE AU QUÉBEC : « ET DIRE QU'ON NE COMPREND PAS TOUJOURS LES PAROLES... » Line Grenier et Val Morrison • Kashtin est le nom de scène qu'ont adopté connaître hors des limites des communautés Florent Voilant et Claude McKenzie, deux autochtones où elle bénéficiait déjà d'une auteurs-compositeurs-interprètes innus ori­ certaine notoriété l et que s'amorce le pro­ ginaires de la réserve de Maliotenam, sise sur cessus de sa popularisation. Sollicités de la rive nord du fleuve Saint-Laurent, près de part et d'autres, Voilant et McKenzie multi­ Sept-Iles. Le duo effectue une entrée remarquée plient les apparitions télévisuelles, contri­ sur la scène québécoise dès la sortie de buant ainsi à promouvoir leur album épo- E Uassiuian, considéré par la critique comme nyme dont les ventes franchissent très vite le succès de l'été 1989. Quelques mois plus le cap des 100 000 exemplaires 2. Invité à tard, Kashtin lance son premier album (Kashtin) participer à la plupart des événements ma­ et voit des chansons comme «Tshinanu» et jeurs du calendrier culturel de l'époque, le «Tipatchimun» rejoindre rapidement «E Uas­ duo voit un succès d'estime s'ajouter à son siuian», aux sommets des palmarès. C'est succès commercial. En effet, dès 1990, Kashtin principalement par l'entremise de ces piè­ obtient la reconnaissance des spécialistes ces, très largement diffusées sur les ondes des milieux musicaux du Québec qui décer­ des principales stations radiophoniques à nent au groupe plusieurs prix et distinc­ travers la province, que Kashtin se fait tions convoités, au nombre desquels des 1 Depuis 1984, le duo participe notamment au festival annuel Innu Nikamu (« l'Indien chante ») de Maliotenam, dont Voilant est le fondateur. La retransmission par Radio-Canada de l'édition 1988 de cette fête musicale des cultures autochtones du Québec aurait permi, semble-t-il, à des membres influents de l'industrie québécoise de la musique de « découvrir » Kashtin. 2 Ce premier album s'est vendu à plus de 300 000 exemplaires, mais ce nombre devrait augmenter encore si Sony le relance aux États-Unis, en Europe et en Asie comme il l'a annoncé. Études Littéraires Volume 27 N° 3 Hiver 1995 ÉTUDES LITTÉRAIRES VOLUME 27 N° 3 HIVER 1995 trophées Félix 3 ainsi que le prix de l'Espace québécoise, Kashtin est effectivement le francophone 4. En 1993, le duo paraphe un premier groupe populaire chantant dans important contrat avec Sony, l'un des ma­ une autre langue à être d'emblée perçu, gnats transnationaux de la musique et du reconnu et globalement accepté par l'in­ divertissement 5. Ayant lancé un troisième dustrie, le public et la critique en tant que album (Akua Tuta 6) en octobre 1994, Kashtin vedette foncièrement québécoise. effectue régulièrement des tournées non Contribue notamment à cette reconnais­ seulement au Québec et au Canada anglais, sance le fait que la carrière professionnelle mais aussi en France et aux États-Unis, où sa de Kashtin a été orchestrée par des organi­ popularité ne cesse de croître. sations et entreprises locales associées typi­ D'étoile régionale à superstar nationale, quement à l'industrie québécoise de la mu­ la trajectoire parcourue par Kashtin paraît sique. Le duo travaille avec un producteur semblable à celle de bien d'autres vedettes (Guy Trépanier) qui jouit d'une solide répu­ au Québec. La grande popularité que le duo tation dans le milieu ; il endisque sur une s'est acquise dès la sortie de son premier petite étiquette locale (Groupe Concept) et album n'a en effet rien d'unique ; des ar­ fait affaire avec l'une des principales entre­ tistes comme Jean Leloup, Laurence Jalbert prises de distribution indépendante du Qué­ et les Parfaits Salauds, dont la carrière res­ bec (Musicor) ; à l'instar de plusieurs des pective a été lancée à peu près à la même artistes québécois de la relève, il bénéficie époque, peuvent aussi s'enorgueillir d'un de subventions du Ministère provincial des tel fait d'armes. Kashtin fait pourtant figure affaires culturelles et de Musicaction ; qui d'exception. Contrairement aux formations plus est, dès 1989, le groupe présente des musicales ou autres artistes québécois à s'être spectacles dans le cadre du Festival de taillés une place de choix sur le marché Lanaudière, du Festival d'été de Québec et domestique, il est le seul à avoir obtenu un des festivités entourant la Fête Nationale du tel succès en chantant dans une langue autre Québec, autant d'étapes incontournables du que le français. Opposant un démenti à l'une circuit de diffusion visant à assurer la po­ des principales idées reçues constitutives pularité des vedettes québécoises. L'iden­ du champ socio-musical au Québec, qui veut tification de Kashtin à la vie culturelle qué­ que le français constitue le véhicule linguis­ bécoise est aussi tributaire de la couverture tique de toute chanson authentiquement que lui ont accordée les médias. Ainsi, au 3 Prix remis annuellement par l'Association de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo du Québec (ADISQ), baptisé ainsi en mémoire du poète et chansonnier Félix Leclerc. 4 Octroyé par le jury du Festival d'été de Québec. 5 L'équipe Sony ne compte que deux autres artistes du Québec, soient Céline Dion et Mario Pelchat. 6 Cet album est le premier album lancé au Québec auquel Sony est directement associé. Notons que le second album, intitulé Innu, a été mis en marché en 1991. 76 LE TERRAIN SOCIO-MUSICAL POPULAIRE AU QUÉBEC cours de la seule année suivant la sortie de 1990). Le magazine attribue donc au duo son premier album, en plus des innom­ non seulement une identité québécoise mais brables articles que lui consacre les maga­ aussi une place de choix au sein de ce temple zines {Clin d'Œil, Châtelaine, notamment) sacré d'authenticité qu'est la chanson. De et les grands quotidiens (dont le Devoir, façon plus métaphorique mais non moins la Presse, le Journal de Montréal et le révélatrice, alors que le duo termine sa pre­ Soleil), le groupe apparaît ou fait l'objet mière grande tournée de spectacles au Québec de plus de 62 émissions de télévision en et au Canada, Chanson d'aujourd'hui, la tous genres, diffusées sur les principales seule revue québécoise spécialisée en mu­ chaînes du Québec (des Nouvelles TVA au sique populaire, intitule l'article qu'elle lui Téléjournal en passant par 100 Limites, consacre « Je reviendrai à Maliotenam » (1989, Garden Party, Caméra 90, Septième ciel, p. 20). Cette allusion à la célèbre chanson Début de Soirée, Bon Dimanche et Ferland- « Je reviendrai à Montréal » suggère de quelque Nadeau, entre autres). Quelques exemples manière l'existence d'une filiation entre d'entrevues, d'articles et de discussions avec Kashtin et l'un des principaux représen­ c ou à propos de Voilant et M Kenzie devraient tants de la musique populaire contemporaine, d'ailleurs suffire à mettre en évidence la Robert Charlebois, auquel la critique attri­ 7 manière dont le dispositif , voire la « ma­ bue le fait d'armes d'avoir révolutionné le chine » musicale populaire participe à la mouvement chansonnier et modernisé la 8 construction de Kashtin comme Québécois . chanson québécoise. De plus, comme le précise Annonçant la tenue prochaine du gala de notamment le réalisateur du vidéoclip de l'ADISQ 1990 ayant pour thème Plein feu E Uassiuian, Joël Bertomeu, dans une en­ sur la musique d'ici, où Kashtin est mis en trevue accordée à la journaliste de l'émis­ nomination pour huit trophées, un article sion Lumières (août 1989), l'importance du TV-Hebdo intitulé « Du sang neuf pour la qu'accorde le groupe à sa culture autoch­ chanson québécoise » sous-titre : « Jamais tone d'origine n'est nullement incompati­ l'industrie du spectacle n'aura révélé autant ble avec son identification à la vie musicale de nouveaux talents. Autour de Michel Rivard, du Québec puisqu'après tout « ils [Voilant les BB, Kashtin et Julie Masse » (Tv-Hebdo, et McKenzie] sont Québécois comme nous 7 Nous entendons par dispositif (apparatus) l'ensemble des structures et modes d'opérations de l'industrie musicale prise dans son ensemble, c'est-à-dire tout ce qui assure non seulement la production, la distribution et la diffusion des produits musicaux (disques, vidéo-clips, spectacles) mais aussi leur promotion (articles de journaux, émissions de télévision, etc.) et celle des produits et pratiques connexes ou dérivés (production et ventes d'articles promotionnels en tous genres, organisation de fans clubs, etc.

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