B iographie De la même auteure La place de la femme dans le Québec de 1967, Éditions Étendard, St-Jérôme, hiver 1967. La notion de service essentiel en droit du travail québécois ou l’impossible définition, dans «25 ans de pratique en relation industrielles», C.R.I., 1990. De la Curatelle au Curateur public, 50 ans de protection, Presses de l’Université du Québec, Québec, 1995. Justine Lacoste-Beaubien et l’Hôpital Sainte-Justine, en collaboration, Presses HEC, Presses de l’Université du Québec, Québec, 1995. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Forget, Nicolle Ludmilla Chiriaeff : danser pour ne pas mourir Comprend des réf. bibliogr. et un index. ISBN 978-2-7644-0431-7 (Version imprimée) ISBN 978-2-7644-1456-9 (PDF) ISBN 978-2-7644-1816-1 (EPUB) 1. Chiriaeff, Ludmilla, 1924-1996. 2. Grands ballets canadiens - Histoire. 3. Danseurs de ballet - Québec (Province) - Biographies. 4. Chorégraphes - Québec (Province) - Biographies. I. Titre. GV1785.C55F67 2006 792.802'8'092 C2005-942111-8 Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC. Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier. Québec Amérique 329, rue de la Commune Ouest, 3e étage Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1 Tél.: 514 499-3000, télécopieur: 514 499-3010 Dépôt légal : 2e trimestre 2006 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN 10 : 2-7644-0428-X ISBN 13 : 978-2-7644-0428-7 Mise en pages : André Vallée – Atelier typo Jane Révision linguistique : Diane Martin Conception graphique : Isabelle Lépine Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés ©2006 Éditions Québec Amérique inc. www.quebec-amerique.com Imprimé au Canada QUÉBEC AMÉRIQUE À ma fille, Maude Schiltz Qu’est-ce que la vie, demandez-vous? Une czardas dans la steppe, une suite d’ébauches manquées, de scènes inachevées, d’impromptus sans tête ni queue dont l’enchaînement lui-même n’apparaît qu’après coup, pour qui en reconstruit rétrospective- ment la logique et la finalité. Vladimir Jankélévitch Magazine Littéraire Juin 1995 Préface de Jacques Parizeau e garde depuis presque trente ans un grand parchemin encadré sur lequel Jest dessinée la silhouette d’une danseuse. Dans un désordre assez élégant, apparaissent les signatures de Ludmilla Chiriaeff, de Fernand Nault et celles des danseurs et des danseuses des Grands Ballets Canadiens de cette époque. Je ne regarde jamais ce tableau sans sourire. Il manquait alors aux Grands Ballets l’argent nécessaire pour ajouter deux semaines aux contrats d’embauche, ce qui aurait permis aux danseurs d’avoir droit à l’assurance-chômage. C’était peu de chose et un formidable obstacle, tout à la fois. La question fut réglée, d’où l’envoi du parchemin. L’histoire est typique des difficultés d’assurer aux arts d’interprétation en général et à la danse en particulier une assise financière à peu près convenable, stable et efficace. Elle est typique aussi des obstacles, grands et petits, qu’avec une énergie prodigieuse Ludmilla Chiriaeff a dû vaincre pour donner à la danse au Québec une présence assurée, un premier encadrement et une inspiration durable. Dans plusieurs domaines, l’après Deuxième Guerre mondiale est l’ère des pionniers. Ludmilla Chiriaeff est de ce groupe qui va faire entrer enfin le Québec dans le XXe siècle. C’est pourquoi il est bien qu’un ouvrage lui soit consacré. La biographie écrite par Nicolle Forget est cependant plus que l’histoire d’une grande artiste. Elle la situe dans deux époques, dans deux sociétés bien différentes l’une de l’autre : celle de la diaspora russe jusqu’à la guerre, puis celle du Québec en pleine révolution culturelle. On oublie petit à petit la remarquable contribution des émigrés russes de la révolution de 1917 à la vie culturelle de l’Europe de l’Ouest. Par-delà d’innombrables bouleversements, par-delà une guerre qui va tuer des dizaines de millions de personnes et en déplacer des dizaines de millions d’autres, on a peine aujourd’hui à garder le souvenir de ces écrivains et de ces artistes, rescapés et survivants, accrochés avec une terrible volonté à la vie et à ce qu’elle a d’indestructible : la pensée, l’expression et l’art. Dans un autre cadre, dans un autre monde, le Québec du début des années 1950, il y a quelque chose de fascinant à assister aux premiers pas d’une grande artiste, cherchant à arrimer le classicisme rigoureux de son art à un tout nouveau moyen d’expression, la télévision. On ne doit pas oublier le rôle culturel immense qu’a joué la télévision de Radio-Canada, au Québec, à cette époque. Nicolle Forget rappelle justement que, en une douzaine d’années, Radio-Canada produit alors et présente, à L’Heure du concert, cent trente spectacles de ballet qui vont consacrer danseurs et chorégraphes, inspirés et dirigés par Ludmilla Chiriaeff. Si les Grands Ballets Canadiens ont bien sûr été son œuvre et, pendant longtemps, le navire amiral de la danse au Québec, l’enseignement de la danse, quelle qu’en ait été la forme (et il y en eut plusieurs), fut l’instrument de sa passion. Car passionnée, elle l’était, fougueuse, mettant tout son dynamisme au service de ce qui était devenu une mission. De tous mes souvenirs de Ludmilla Chiriaeff, il y en a un qui résume tout : à la fois son charme, sa détermination et son inépuisable passion. Le 24 juin de chaque année, le premier ministre du Québec reçoit. Cette année-là (au début des années 1980), René Lévesque avait convié ses invités à la Maison du Québec, sur l’île Notre-Dame. Un seul ascenseur amenait les invités au dernier étage, où deux terrasses s’ouvraient, l’une sur Montréal, l’autre sur la Rive-Sud. Le tout-Montréal était au rendez-vous. Alors que la réception bat son plein, les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Elle apparaît ! Seule, vêtue de voiles diaphanes de couleur pastel, elle reste quelques instants immobile, statuesque ! Puis, elle s’élance vers moi et, d’une voix forte, avec son accent, elle me dit : « Parizeau, je coule, sauvez-moi ! » Les portes du Fonds conso- lidé du revenu s’entrouvrirent… Jacques Parizeau Introduction n jour de l’automne 1993, lors de la remise des prix du Gouverneur général Udu Canada, j’ai vu Madame Chiriaeff à la télévision, en fauteuil roulant, et j’ai pensé qu’elle allait mourir sans que l’on sache ce qu’elle avait fait pour la danse et pour le Québec. Ma première rencontre avec Madame, comme on l’appelle encore dans le milieu de la danse, a été organisée par Christian Thibault, en novembre 1993. J’en suis revenue convaincue qu’elle n’accepterait pas facilement de se livrer et qu’il faudrait de la ténacité et une bonne dose d’ingéniosité pour l’amener à partager avec moi ses secrets les mieux gardés. J’ai dû l’intriguer suffisamment puisqu’elle a fini par accepter de me recevoir à nouveau, d’abord, disait-elle, pour parler des personnes qui lui avaient permis de servir la danse au Québec. Et sur la question qui m’intéressait le plus : quelle sorte de petite Ludmilla faut-il être pour devenir Madame?, pas un mot. Nous avons donc commencé nos rencontres, qui se sont échelonnées de janvier 1994 à la veille de son entrée à l’hôpital, le 14 août 1996, et qui ont donné près de cent cinquante heures d’enregistrement et plusieurs autres à échanger avec elle au téléphone ou chez elle, en prenant le thé. En plus de la famille immédiate, j’ai interviewé une cinquantaine de personnes du milieu de la danse ou qui ont connu Ludmilla Chiriaeff durant sa carrière, au Canada et en Europe. J’ai consulté des archives, publiques et privées, ces dernières souvent rédigées en ancien russe ou en allemand. J’ai en outre com- pulsé des milliers de pages sur la danse, sur l’histoire des pays que ce livre rappelle et sur la vie quotidienne des gens, par exemple durant la guerre, à Berlin. Depuis lors, j’ai pour ainsi dire « vécu» avec Ludmilla, à tenter de la rendre dans ce livre qui ne peut pas tout dire. L’histoire des êtres recèle plein de territoires. Je n’ai pas visité tous les territoires de Ludmilla, et certains de ses jardins sont tellement secrets que, même les ayant fréquentés, j’ai choisi de ne pas les dévoiler. La Ludmilla avec qui j’ai conversé, ri, mangé, à Montréal était souvent, me semble-t-il, une petite fille qui ne voulait pas souffrir et qui préférait fréquem- ment ne pas se souvenir de ce qui s’était passé. Ludmilla n’a jamais cessé de réécrire son histoire au hasard de nos rencontres et de nos conversations. Au point qu’il est difficile de départager le vrai du faux ou, plutôt, de départager ce qu’on lui a raconté de ce qu’elle a vécu, ou de ce que d’autres autour d’elle ont vécu et dont elle a été témoin, sans en être partie. Elle chorégraphiait sa vie, sur musique et fond d’événements connus, mais y ajoutait des mouvements, des personnages qui, en lui donnant une stature, la rendront prisonnière à tout jamais d’un destin dont, vers la fin de sa vie, elle aurait voulu corriger certains tableaux.
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