Saint-Luc Stéphane Abadie, Bernard Magnat

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La bastide de (Lubret-) Saint-Luc Stéphane Abadie, Bernard Magnat To cite this version: Stéphane Abadie, Bernard Magnat. La bastide de (Lubret-) Saint-Luc. Bulletin de la Société Académique des Hautes-Pyrénées, Tarbes : Archives départementales, 2014. halshs-02056981 HAL Id: halshs-02056981 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02056981 Submitted on 5 Mar 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Stéphane Abadie et Bernard Magnat, La bastide de (Lubret-) Saint-Luc La bastide de (Lubret-) Saint-Luc par Stéphane Abadie et Bernard Magnat Introduction La bastide de Saint-Luc, fondée sur le territoire de Lubret en 1322, est un exemple original de fondation urbaine médiévale : créée tardivement sur un territoire en marge, elle ne s'est jamais développée et n'est plus, au XV e siècle, qu'une seigneurie rurale double. L'objectif de cet article est de faire un point, documentaire et archéologique, sur cette « bastide urbaine avortée » et sur son évolution postérieure, jusqu'à l'aube des Temps modernes. I- Une bastide fondée par paréage en 1322 Saint-Luc apparaît dans la documentation royale en 1322, sous la forme d'un paréage passé entre l'écuyer Bernard de Castelbajac, cadet d’une importante famille de l'est du comté de Bigorre et Jourdain de Lubret, sénéchal de Bigorre 1. Bernard de Castelbajac possède dans la vallée du Bouès une forteresse ( castrum seu castellarium ) appelée Lubret 2, entourée d'environ 600 arpents de terres à la mesure ou perche de Rabastens. Ces terres sont mises en paréage avec le roi de France pour y établir en indivis une bastide dans et autour du castrum préexistant. Les nouveaux habitants disposent d'emplacements à bâtir, de jardins et de terres cultivables. Les droits payés, les fors et coutumes sont identiques à ceux de la bastide voisine de Rabastens-de-Bigorre (fondée en 1306). Les droits de justice, le baile sont communs. Un marché est établi le mercredi et deux foires « le jour de la décollation de saint Jean-Baptiste et huit jours après ». Bernard de Castelbajac retient trente arpents qui sont exclus du paréage 3, les emplacements de moulins et quatre emplacements de maisons, dont deux sur la place centrale de la nouvelle bastide. La nouvelle bastide prend le nom de Saint-Luc, nom du saint de la 1 Léon Gallet, Les traités de pariage dans la France féodale , Paris, 1935, Pièces justificatives, n°VI, p. 228. Voir en annexe. 2 C'est le nom même du sénéchal de Bigorre : ce nom a-t-il été donné par Bernard de Castelbajac pour honorer le sénéchal ? Ce toponyme n'apparaît pas dans la documentation antérieure, comme le Cartulaire de Bigorre . D'après Jean-François Le Nail, dans son Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées , CG65, 2000, Lubret pourrait être un diminutif de Lube/Luby. 3 Il faut entendre ici par paréage les terres cadastrées qui seront données aux nouveaux habitants ou poblans . -9- Bulletin de la Société académique des Hautes-Pyrénées 2013-2014 nouvelle paroisse, pour la distinguer de Lubret, seigneurie dont le nom reste associé aux terres exclues du paréage. Cette charte donnée à Lubret sert rapidement de modèle : en 1324, le délégué du sénéchal conclut un nouveau paréage pour peupler la lande de Sarrouilles, à l'est de Tarbes : cette bastide est dotée des mêmes coutumes que dans la nouvelle bastide de Saint-Luc et l'acte y est passé 4. De même, en 1328, le paréage conclu entre le sénéchal Guillaume de Carsan et l'abbé de l'Escaladieu pour peupler les landes au nord de l'abbaye fait aussi référence à la charte de Saint-Luc 5. C'est l'acte de naissance de l'éphémère bastide de Carsan. En 1331 encore, la bastide de Croses, fondation proche de Saint-Pé-de-Bigorre, fait référence à la charte de Saint-Luc 6. Le paréage de Saint-Luc et ces autres paréages de peu postérieurs attestent la vitalité du modèle de la bastide encore dans les années 1320-1330 en Bigorre, pour tenter de développer des espaces ruraux en marge dont une première mise en valeur a échoué 7. 4 A. Dubourg, Le grand Prieuré... , p. 377-378 : « Parmi leurs vastes et nombreuses possessions, les Hospitaliers possédaient bien des parties incultes, et leurs efforts tendaient constamment à en diminuer le nombre. C'est dans ce but qu'ils traitèrent avec les officiers royaux au sujet des landes que l'Ordre de Saint-Jean possédait sur le territoire de Sarouille ; Pierre des Plas, lieutenant du Commandeur d'Aureilhan, conclut avec le délégué du sénéchal un traité de paréage qui fut signé dans la bastide royale de Saint-Luc le 20 avril 1324 : Les Hospitaliers, en se réservant les droits ecclésiastiques, partageront à l'avenir avec le roi leur juridiction sur ce territoire ; s'il arrive que, grâce aux mesures qui vont être prises, quelques-unes de ces landes désertes viennent à se peupler, il est convenu entre les deux parties que les habitants jouiront des libertés et des coutumes concédées à la nouvelle bastide de Saint-Luc ; des emplacements leur seront distribués pour construire leurs maisons et faire leurs jardins ; il n'y aura qu'un juge et un bailli commun au roi et au Commandeur ». 5 Paréage de la bastide de Carsan en 1328, extrait : « quas vidimus in pariagio nove bastide de Sancto-Lucha, auctoritate regia confirmato et in serico sigillo viridi sigillato... juxta foros usos et consuetudines dicte bastide jure scripto regetur ». 6 Paréage de la bastide de Croses en 1331, extrait : « Nosque considerantes & inspicientes privilegia quæ per prædecessores nostros data & concessa vicinis juratis & habitatoribus novarum bastidarum de Gardiâ & de Sancto Luca in Bigorrâ, & postmodum per dominum Regem Francorum quondam confirmata, sequentes formam & materiam dictorum privilegiorum, auctoritate dictarum litterarum Regiarum & nostrâ damus & concedimus vicinis, juratis & habitatoribus novæ bastidæ de Crosis in Bigorrâ privilegia quæ sequuntur […] ». 7 On peut supposer que ce castrum préexistant à Lubret était originellement une motte de défriche- ment, qui n'a pas réussi à attirer un habitat autour d'elle. -10- Stéphane Abadie et Bernard Magnat, La bastide de (Lubret-) Saint-Luc II- Les difficultés initiales Cette première documentation donne l'impression trompeuse d'un succès rapide de la bastide de Saint-Luc : en 1327, une réunion des délégués des principales villes de Bigorre dans l'église de Rabastens-de-Bigorre 8 fait apparaître un homme de loi, Pierre Benoît, « procurateur » et un consul, Gauthier Bustier, représentants de la bastide de Saint-Luc. Mais cette réunion a pour but de condamner les villes bigourdanes à une énorme amende pour ne pas avoir employé la monnaie royale... Détail singulier, Saint-Luc est la bastide qui présente le moins de délégués, signe probable d'une population alors très réduite. Cependant la paroisse de Saint-Luc existe en 1342, intégrée dans l'archiprêtré de Luby nouvellement formé par l'évêque Pierre-Raymond de Montbrun 9. 1- La fortification de la bastide Un peu plus tôt, en juin 1326, la chancellerie royale enregistre une lettre des consuls de la bastide envoyée au roi : ceux-ci demandent et obtiennent un dégrèvement pour pouvoir terminer les fortifications de la bastide. Cette fortification doit être composée de pieux et fossés en eau ( palis, fossatis & aqua ) dont le roi se réserve l'usage... et les poissons. On ne possède pas, hélas, d'autre document précisant l'aspect initial de la bastide 10 . 2- Les crises du XIV e siècle : les causes de l'échec ? Les auteurs du paréage, Bernard de Castelbajac et le sénéchal Jourdain de Lubret, disparaissent rapidement : ils sont décédés tous deux en 1326, ce qui impose une confirmation du paréage au profit d'Arnaud-Raymond de Castelbajac, fils de feu Bernard et de Blanche de Comminges, faite par le lieutenant du juge ordinaire du comté de Bigorre. On conteste aussi à l’héritier le droit de porter les armoiries de la famille, qu'il ne peut désormais employer qu'avec une brisure (un lambel) 11 . Cet Arnaud-Raymond de Castelbajac connaît une belle carrière dans 8 Jean-Baptiste Larcher, Glanage ou preuves , t. XXV, p. 241 : « […] magister Petrus Benedicti, procurator, et Gautherius Bustierii, consul, ut dixerunt, villæ de Sancta Lucha, missi, ut ibi dictum fuit, per homines dictarum universitatum, et earum vicariarum [...] ». 9 Perrin, François, Font-Reault, de Saint-Blanquat, Pouillés des provinces ecclésiastiques d'Auch et Narbon- ne , De Boccard, 1972, t. I, p. 463 : « VIII. Item archipresbiter de Lubi habeat sub se cappelanos et ecclesias […] de Sancto Luca ». 10 Voir en annexe. 11 Jean-Baptiste Larcher, Glanage ou preuves , t. VIII, p. 123 : « Arnaud-Raimond de Castelbajac, chevalier. Il n'etoit encore que damoiseau au mardi avant la fete de la Purification de Notre Dame en 1326. Etant ce jour là à St Luc, il presenta en qualité de fils et d'heritier de feu noble Bernard de Castelbajac, damoiseau, à Dominique Larré, lieutenant du juge ordinaire de Bigorre, des lettres de Guillaume de Carssan, chevalier, senechal de Bigorre, au sujet du pareage fait de ladite bastide de St Luc entre feu noble Jordan de Luberto ou Lubertio, senechal de Bigorre, et feu noble Bernard de Castelbajac, damoiseau, seigneur de cette meme bastide. Par les lettres de Raoul Chaloti, commissaire à la reformation du Domaine de Bigorre, qui y sont inserées, il paroit que Blanche de Commenges, veuve de Bernard, etoit mere d'Arnaud-Raimond.

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