Notes sur la vie musicale des années 1990 d’après six magazines français indexés Danièle Pistone To cite this version: Danièle Pistone. Notes sur la vie musicale des années 1990 d’après six magazines français indexés. 2015, 978-2-84591-207-6. halshs-03167214 HAL Id: halshs-03167214 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03167214 Submitted on 11 Mar 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Observatoire Musical Français Danièle PISTONE Notes sur la vie musicale des années 1990 d’après six magazines français indexés Série « Bibliographies et Catalogues », n° 14 2015 Notes sur la vie musicale des années 1990 d’après six magazines français indexés Collection Observatoire Musical Français Dir. Danièle Pistone Série « Bibliographies et Catalogues » Resp. Comité éditorial OMF n° 14 © 2015, Éditions OMF Université Paris-Sorbonne 28, rue Serpente - 75006 Paris http://www.iremus.cnrs.fr/fr/collections-revues/editions-omf [email protected] ISSN 1281-4512 ISBN 978-2-84591-207-6 Afin d’apporter une contribution utile à l’étude de la vie musicale française de la fin du XXe siècle, nous avons indexé les articles de six magazines consacrés à la musique savante : Classica (1998-1999) et, pour l’intégralité des années 1990, Diapason, Écouter Voir, Le Monde de la musique, Opéra international, Répertoire. Bien d’autres périodiques musicaux existaient alors en France, puisque cette décennie a vu apparaître plus de 600 titres nouveaux de cette spécialité1, tous genres confondus : de la revue savante (telle qu’Ostinato Rigore, 1993-2005), à la lettre d’information ou au fanzine. À ce nombre record de nouveautés, il conviendrait d’ailleurs d’ajouter, pour cette période et dans ce domaine, au moins quelque 200 autres périodiques créés auparavant, de certains déjà anciens (comme la Revue de musicologie, 1922- ; Jazz- Hot, 1935-2007 ; L’orgue, 1939-1940, puis 1947-) aux derniers-nés (tel Écouter-Voir, 1989-2003). Tableau 1 - Évolution du nombre de créations de périodiques français relatifs à la musique dans les dernières décennies2 1 Voir Périodiques français relatifs à la musique : répertoire alphabétique et chronologique indexé (1690-2011), Paris, OMF, 2011. 2 D’après notre article « Notes sur l’évolution de la presse musicale française et des travaux la concernant », dans Recherches sur la presse musicale française, Paris, OMF, 2011, p. 5-28. 6 Face à ce grand nombre de possibilités, nous avons souhaité examiner ces six titres jouissant alors, pour la plupart, d’une bonne diffusion3. Leur propos concerne le grand public et demeure généraliste (sauf celui d’Opéra international, représentant toutefois, comme nous le verrons, le genre encore le mieux prisé dans les périodiques relatifs à la musique dite savante). Il devrait donc refléter les principaux thèmes musicaux intéressant la société française de ce temps. Intitulé Périodicité Parution Rédacteurs en chef Classica Mensuel 1998-2004 Bertrand Dermoncourt, Jérémie Rousseau, David Sanson Diapason Mensuel Depuis Georges Cherière, 1952 Yves Petit de Voize (1986-1997) Christophe Capacci (1997) Jean-Marie Piel (1998-2006) Emmanuel Dupuy (2007-) Écouter Voir Trim., 1989-2003 Michel Sineux puis mensuel Le monde de Mensuel 1978-2009 Louis Dandrel, la musique Anne Rey, François Pigeaud, Thierry Beauvert (1989-1991), Nathalie Krafft (1992-2007) Opéra Mensuel 1979-2005 Sergio Segalini international Répertoire Mensuel 1988-2004 Georges Cherière, Christophe Huss Tableau 2 - Présentation des six magazines 3 Dépassée dès 1990 par la presse rock, loin toutefois des magazines TV dont la diffusion se compte en millions d’exemplaires, contre quelque 30 000 ou 40 000 au plus pour les présents titres. Voir à ce sujet les chiffres de l’ODJ et l’article de Christine BRAULT, « Presse musicale grand public : à chacun sa chapelle », L’Écho de la presse, supplément mensuel, n° 42, 19 décembre 1989, p. 43-48. 7 Choix des sujets Nous avons choisi d’indexer les articles et dossiers de ces périodiques, ceux qui relèvent donc d’un choix affirmé de la rédaction, laissant de côté le grand nombre des nouvelles brèves, encore plus étroitement liées à l’actualité. Dans celles- ci, il est certain que domine la présence des musiciens les plus engagés dans la vie musicale de l’époque, c’est-à-dire les interprètes, alors que c’est plutôt autour du socle de la tradition musicale représentée par les compositeurs que s’organisent ces articles, comme nous le verrons. Les choix diffèrent naturellement suivant les magazines : Écouter Voir se révèle ainsi beaucoup plus proche des divers aspects de la vie musicale (éditeurs, public4, institutions ou sociétés5, revues, romans et répertoires variés, de la chanson au rock ou à la world music… voire bandes dessinées6) ; rien d’étonnant à cela puisque la revue était éditée par l’Association pour la coopération des professionnels pour l’information musicale (ACIM), regroupant des bibliothécaires et des disquaires. Mais il arrive que d’autres titres s’intéressent aussi aux discothèques7, au salaire des musiciens8, à l’AFAA9, à la commercialisation10 ou à la TVA11 voire à la publicité12. Mais, 4 Le seul à s’interroger en ces années sur son lectorat (Écouter Voir, n° 75, mars 1998). 5 IASA, IPMC, IRMA, SNEP, SPEDIDAM… et même musicologie (Société de musicologie du Languedoc, Tran Van Khé…). 6 Gérard NICOLLET, « La musique et la bande dessinée », Écouter Voir, n° 63, mars 1997, p. 4-13. 7 Benoît DUTEURTRE, « Grandeur et misère des discothèques de France », Diapason, n° 358, mars 1990, p. 52-59. 8 Le monde de la musique, n° 196, février 1996. 9 Association française d’action artistique, ibid., n° 175, mars 1994. 10 « Disquaire, une espèce en voie de disparition », Répertoire, n° 85, novembre 1996, p. 16-18. 11 Le monde de la musique, n° 213, septembre 1997. 12 Ibid., n° 221, mai 1998. 8 d’une façon générale, les aspects politiques13 ou économiques de l’art sonore sont rarement évoqués dans les présents magazines14. La musique de film est encore assez peu sollicitée15 ; quant au jazz, il semble souvent désormais plus proche des répertoires savants que des musiques populaires modernes, comme l’atteste son traitement ici, notamment dans Le monde de la musique. Le point commun de ces périodiques, plus encore que le spectacle vivant – pourtant bien présent dans la quasi-totalité d’entre eux – est en fait la musique enregistrée, en l’occurrence le CD (présent en France depuis 1984), plus encore que le DVD, introduit en 199516. D’où certains textes relatifs à la prise de son17 ou aux notations techniques18 de ces critiques, et surtout quelque 230 discographies19 dans l’ensemble de ces six périodiques : Répertoire va jusqu’à insérer parfois dans le même numéro la discographie totale d’un musicien et une discographie comparée relative à une œuvre. À n’en point douter, ce mode d’appréhension de la musique, précédant la diffusion plus insaisissable de l’Internet, aura marqué profondément cette décennie. Si la norme et la référence constituent souvent l’appui fondamental de la critique artistique20, il est vrai que les supports sonores de ces années 13 Voir cependant « Quelle politique musicale pour la France ? », Diapason, n° 357, février 1990, p. 38-40 (Marcel Landowski, Michel Schneider, propos recueillis par Benoît Duteurtre). 14 Si ce n’est dans Le monde de la musique (voir Douste-Blazy, Fleuret). Ils le sont davantage alors dans La lettre du musicien ou dans Musique Infos. L’hebdomadaire des professionnels de la musique, des médias et de la distribution. 15 Sauf dans Écouter Voir et exceptionnellement dans Diapason. 16 Cf. Katia CHOQUER, « Le boom du CD-Rom », Diapason, n° 456, février 1999, p. 32-40. 17 « Les plus belles prises de son », Répertoire, n° 78, 1998. mars 1996. 18 Jean-Marie PIEL, « La notation technique des compacts est-elle juste ? », Diapason, n° 382, mai 1992, p. 67. 19 Rassemblées sous ce terme dans l’index ci-après, avec renvoi principalement au nom des compositeurs et interprètes. 20 Voir à ce propos L’œuvre d’art et la critique, Paris, Klincksieck, 2001. 9 représentaient, par leur attrait, leur praticité et leur qualité (même si certains mélomanes rêvaient de revenir à la restitution jugée plus vivante du microsillon), des objets de choix pour la mise en verbe comparative de l’interprétation musicale, notamment dans la brève présentation des nouveaux enregistrements. Comme on pouvait s’y attendre, les interprètes ne sont donc pas oubliés dans la liste de ces articles, quel que soit le magazine. La position de Classica est particulièrement nette de ce point de vue, lors du premier éditorial (mai 1998) où la rédaction affirme vouloir « accorder la place de premier plan aux artistes ». On pourra dire que la sélection de ceux-ci relève de l’actualité des programmes comme des enregistrements voire des ouvrages, peut-être aussi des goûts et des relations personnelles des rédacteurs, si ce n’est de la constance des pressions exercées par certains agents artistiques… mais il est possible de faire quelques autres constatations. Premier constat : l’importance quantitative des chefs d’orchestre, figures fort appréciées du public depuis la fin du XIXe siècle : Bernstein, Celibidache, Solti, Christie, Harnoncourt, Gardiner, Chung, Minkowski, Nagano, Chailly, Conlon, Dohnanyi, Herreweghe… (plus de trente au total dans cette liste), grâce auxquels la musique baroque – fort à la mode depuis les années 1980 – est bien représentée aussi en haut de liste21.